Pendant la grande guerre


Mouvements religieux de la paroisse en 1915
L'abbé Jourdan dresse le bilan de la vie de la paroisse pendant cette année de guerre.
"Les baptêmes : il y en eut 27 contre 49 l'année précédente. Le règlement paroissial précise qu'il est d'usage :
- de ne pas différer le baptême au-delà de 3 jours sous peine d'être privé de la sonnerie des cloches ;
- de ne pas s'attarder à Larmor après la cérémonie religieuse pour ne pas compromettre la santé de l'enfant ;
- de ne pas multiplier les ondoiements, car les enfants ondoyés n'ont ni parrain, ni marraine. Cette année, il y en a eu 8, c'est trop !
"La natalité à Larmor, sans être trop mauvaise, n'est pourtant, en temps ordinaire, absolument pas ce qu'elle devrait être. Or le temps de guerre amène naturellement cette réflexion : la victoire, la prospérité d'un peuple sont aux mains des nations qui ont des familles nombreuses. Ce ne sont pas les généraux, ni les diplomates, ni les artilleurs qui font exclusivement et principalement la force d'un pays. Ce sont les mères de famille, ce sont les femmes courageuses qui savent affronter courageusement les sacrifices nécessaires pour élever tous les enfants que Dieu leur donne.
A l'heure actuelle, que de larmes dans les familles à fils unique !
En pratique, pourquoi une famille de laboureurs ou d'ouvriers qui a noblement accompli son devoir aurait-elle 3, 4 ou 5 de ses enfants sous les armes, alors qu'une famille bourgeoise n'en aurait qu'un ou n'en aurait pas du tout ? N'y a-t-il pas, de ce fait, une criante injustice sociale ?

"Les communions. Leur nombre a plus que doublé cette année. Il est passé de 4000 à près de 9000. Est-ce un heureux résultat dû aux angoisses, aux deuils de la guerre ? Est-ce une meilleure compréhension des choses surnaturelles ? Ce n'est ni l'un ni l'autre !"
Puis, l'abbé Jourdan se livre à une curieuse réflexion sur la guerre et le rôle des femmes dans les familles plœmeuroises dont font partie celles de Larmor :
"Je ne sache que la guerre ait produit dans les familles de la région de Plœmeur cette impression de tristesse, d'angoisse, d'effroi qu'elle a produite dans d'autres milieux. N'aurait-elle pas plutôt produit un effet absolument contraire ? C'est triste à dire, mais cette réflexion pèsera lourdement sur la mentalité des gens de ce pays. Cet état d'âme tient à différentes causes :
1° au rôle de la femme dans la famille,
2° aux avantages qui ont résulté pour elle de l'état de guerre.

"Rôle de la femme
D'une manière générale, la femme n'a pas dans nos familles plœmeuroises la place qu'elle devrait avoir : elle n'est pas entourée de ces prévenances, de ces délicatesses, de cette tendresse respectueuse qui font le charme des foyers de l'autre côté du Blavet. Son mari est avant tout, pour elle, un maître qu'elle doit servir, qu'elle doit aider à ses travaux quelque rudes qu'ils soient, qu'elle doit accepter même jusque dans ses excès. Ce n'est guère le consolateur attendri de ses peines, le confident de son âme. On se sépare donc comme on s'est uni, sans grande émotion, peut-être avec un certain plaisir : l'autorité détenue jusqu'ici par le mari passe entre les mains de la femme. Avec l'autorité, viennent une plus grande liberté, une plus grande indépendance et, avec l'absence du mari, règnent au foyer domestique, une paix plus profonde, une vie moins agitée, moins troublée.

"D'autre part, la guerre n'a pas été sans apporter des ressources nouvelles dans nos familles ouvrières ou villageoises. La somme de travail fourni par le mari a été largement compensée dans les familles nombreuses par les allocations ou par la pension en cas de décès.
On peut même dire que les allocations ont été, dans la plupart des cas, une source de revenus nouveaux.
"On s'est ingénié à remplacer le mari absent. Le travail des champs s'est fait comme par le passé. Les produits de la ferme se sont vendus d'une manière extraordinaire. Reconnaissez donc qu'il y a quelque chose de bon dans la guerre et que les femmes, au milieux d'une telle abondance de biens et d'une pareille indépendance, sont bien mal placées pour sympathiser avec les misères du front et les douleurs de la France ! Pourquoi alors se tourner vers Dieu pour lui demander la fin des hostilités dans le triomphe de la Patrie ?

"Ce n'est pas en effet une meilleure compréhension des choses surnaturelles qui a fait doubler le nombre des communions à Larmor. On pourrait se demander quelle est l'étendue des connaissances religieuses, la profondeur des convictions, la vivacité de l'espoir de foi dans la plupart de nos familles qui se donnent encore comme chrétiennes. Il subsiste certaines pratiques pieuses, c'est vrai, certains usages auxquels on se gardera bien de déroger. Mais ce n'est pas la foi vive, la foi agissante, intelligente qui dirige et domine ces actes. On l'a bien vu depuis le début des hostilités. Des prières ont été dites sans interruption, tous les jours, à l'église de Larmor. Les familles inquiètes, meurtries sont-elles venues unir leur prière aux prières de l'Eglise ?
"Non, du moins pas en nombre suffisant. Le paysan de Plœmeur aime la terre qui le nourrit et entend bien lui consacrer tous les moments dont il dispose. C'est l'homme terrien dans toute sa vérité réelle et cruelle.
"Sa foi ne dépasse pas la hauteur de ses épis et ne saurait, semble-t-il, s'élever plus haut. Il n'envisage les grands évènements qui ébranlent le monde, les deuils et les ruines de la patrie, les dangers des siens, que dans les rapports immédiats avec son bonheur personnel et matériel. Mais on ne peut pas dire que dans cette effroyable tourmente, il a songé, du moins publiquement, à demander dans des actes extérieurs à la religion, à Celui qui gouverne les nations, la cessation du fléau qui ensanglante l'Europe.

"Ce qui a doublé le nombre des communions, c'est :
1° le nombre des baigneurs pendant l'été ;
2° le noyau des femmes pieuses qui assistent tous les jours à la messe et qui y communient ;
3° la petite phalange du Sacré-Cœur qui communie chaque 1er vendredi du mois et le dimanche qui suit ;
4° les différentes séries des enfants du catéchisme qui communient d'une manière régulière."

 

Aide du recteur en faveur d'un emprunt pour la guerre
Le 17 octobre 1916, M. Coquerel, maire de Plœmeur, accompagné du sous-préfet se rendent au presbytère pour entretenir le recteur de Larmor d'un nouvel emprunt.

Ne l'ayant pas trouvé, le maire lui adresse un courrier.
Le gouvernement tiendrait à avoir un grand emprunt, autant pour les besoins de la guerre que pour montrer aux neutres que la France n'est pas épuisée et est résolue à aller jusqu'au bout de la victoire. . .
Je sais l'influence bienveillante dont vous jouissez à Larmor et je suis convaincu que vous mettrez toute votre ardeur à nous seconder. Nos populations ont, avec juste raison, grande confiance dans leur recteur. Monsieur le sous-préfet demanderait que vous agissiez près de vos ouailles, en disant quelques mots en chaire, à l'église et, par vos conseils personnels, sur l'intérêt majeur qu'il y a, en ce moment, à venir en aide au gouvernement :
Versement d'or1° en conseillant à ceux qui en possèdent, d'échanger leur or contre des billets. On pourrait même s'ils le préfèrent, leur donner en échange des pièces de cent sous ;
2° en insistant à souscrire à l'emprunt le plus possible, même en employant l'argent déposé à la Caisse d'Epargne.
Ces conseils, je suis convaincu que vous les leur donnerez, même dans leur intérêt. . .

Plus le gouvernement aura d'argent, plus il aura de facilité pour se procurer des engins de guerre, plus la victoire sera certaine, plus vite se terminera cette affreuse guerre qui n'est pas une lutte ordinaire ; c'est une lutte d'engins, de mécanique et, pour la soutenir, il faut absolument que chacun vide son bas de laine.
Nous avons vu monsieur le doyen de Plœmeur, nous lui avons dit tout ce que je vous écris : il est totalement de notre avis.