Les feux du Kernével

 

Le 27 novembre 1868, le ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics demande que l'éclairage de la rade de Lorient soit complété en établissant deux feux aux abords de Keroman pour déterminer la route à suivre entre le Banc du Turc et la côte et deux autres feux sur la rive droite du Blavet pour aller au mouillage de Pen Mané. Il demande d'attribuer la couleur verte aux feux inférieurs et rouge aux feux supérieurs et d'illuminer tous ces phares au moyen de réflecteurs paraboliques.

En 1869, lors des conférences mixtes un avant-projet est étudié par les services intéressés. Le feu vert serait placé sur les roches qui s'avancent au nord du Kernével dans une guérite et le feu rouge sur le haut de la plage près du chemin de Kernével dans une tour adossée à la maison de gardien qui sera construite. Mais le directeur des travaux hydrauliques et celui des mouvements du port ne sont pas d'accord sur leur emplacement.

 

En mai 1874, le ministre des travaux publics approuve l'avant-projet. Finalement, le feu inférieur sera établi sur le rivage, contre le chemin reliant Kernével à Lorient, dans une petite baraque qui élèvera son foyer à 3 m et le feu supérieur dans une parcelle un peu à l'intérieur. Chaque feu n'étant éloigné que de 300 m sera desservi par un seul gardien dont la maison recevra le feu supérieur.

Au Kernével, le propriétaire consent à céder le terrain au prix de 0,50 franc le mètre. Le feu sera placé à l'intérieur de la maison devant une fenêtre ouverte dans l'un des pignons. Par contre à Keroman le propriétaire, M. Hello, n'étant pas d'accord, il faut envisager une déclaration d'utilité publique.

Le ministère de la marine adhère au projet d'une incontestable utilité.

Le 17 mai 1875, le président Mac-Mahon signe un décret déclarant d'utilité publique les travaux qui ont pour objet la construction de quatre feux de direction, deux près de Kernével et deux au fond de l'anse de Keroman pour le baisage de nuit de la passe ouest de la rade de Lorient. Il autorise à poursuivre les expropriations nécessaires.

 

 

 

Un mois plus tard, les ponts et chaussées produisent les plans de la rade et des ouvrages d'art à réaliser.

 

L'état parcellaire des propriétés à acquérir est dressé en février 1876. Au Kernével, il s'agit de 17 a 82 ca de terrain sous culture dans la parcelle H 2764, appartenant à Mathurine Le Doussal, veuve de Jean Le Dessert.

Par arrêté du 3 mars 1876, le préfet ordonne les enquêtes en mairie de Plœmeur et de Lorient.
Aucune observation n'est faite à Plœmeur.

Le 25 avril, le préfet prend un arrêté d'expropriation avec prise de possession le 1er août. Le 4 mai, le tribunal rend un jugement d'expropriation au profit de l'Etat.
La veuve Le Dessert accepte les 891 francs proposés.

L'adjudication des travaux à exécuter pour l'établissement des quatre feux consistant en la construction de deux maisons, de bâtiments de servitude et du logement des gardiens a lieu le 20 mai.

François Le Chêne, entrepreneur à Lorient, est déclaré adjudicataire avec un rabais de 7%, ce qui fixe le prix à 17 529,28 francs.

L'appareil d'éclairage à feu fixe vert se compose d'un réflecteur parabolique ou photophore de 0,29 m d'ouverture, illuminé par une lampe à niveau constant, à une mèche. Il est installé sur une table placée devant la fenêtre de la cabane en tôle.

Fin octobre 1877, l'installation des feux de Keroman et de Kernével est terminée.

 

                                                                Feu inférieur

 

Les gardiens

Le premier gardien du phare de Kernével est Joseph Rio, 42 ans, originaire de Sarzeau, ancien facteur à Port-Louis. En 1901, c'est toujours lui le gardien.

Louis Le Manach, natif de Caudan, lui succède jusqu'en 1911.

Puis dans le courant de l'été 1911, Eugénie Bedex veuve Matelot est nommée au Kernével après le décès tragique de son mari dans la nuit du 18 avril au phare de Kerdonis, à la pointe sud de Belle-Ile. Cette nuit-là, Alexandre Matelot décède subitement. Ne parvenant pas à remonter le mécanisme de la lampe, sa femme montre à ses enfants Marie et Charles, alors âgés de 12 et 14 ans, comment tourner à la main, sans répit jusqu'au lever du jour, la lanterne du phare afin de ne pas interrompre le service fondamental pour les navires. Son dévouement est salué par toute la presse. Une souscription ouverte par Le Figaro lui apporte plus de 14 000 francs. La médaille de bronze de Llyod britanique lui est remise. La médaille d'or du ministère de l'intérieur ainsi que celle de la Société Nationale d'Encouragement au Bien lui sont attribuées.

En 1926, c'est Marie Joseph Inquel, 30 ans, originaire de Caudan, belle-fille de la veuve Matelot, épouse de Pierre, qui est la gardienne du phare. Etant veuf, c'est Pierre Matelot qui est le gardien du phare en 1946.

 

En 1959, pour des raisons d'alignement, les feux et la maison du gardien sont reconstruits à quelques mètres des précédents.