La pêche à la sardine

 

En 1819 et 1820, par manque de poisson, les presses de nos côtes restent inactives, entrainant la réaction des négociants fabricants de sardines de l'arrondissement de Lorient qui en 1821 adressent un mémoire au gouvernement.


On y lit que la sardine est un poisson passager originaire des mers d'Afrique et de la Méditerranée. Il nait en été le long de nos côtes une multitude de vers et de petits poissons dont les sardines se nourrissent. Elles arrivent dans les premiers jours de mai et on commence aussitôt à en faire la pêche qui dure jusqu'à la fin de novembre.
Des Sables d'Olonne à Brest, elle occupe deux mille chaloupes de trois à quatre tonneaux dont 700 dans l'arrondissement de Lorient.
L'équipage est généralement de cinq hommes et un mousse de dix à quatorze ans, soit au total 12 000 personnes.

En supposant que chaque chaloupe fasse par jour une pêche de 4000 poissons, cela donne pour l'année 1 200 000 milliers de sardines, estimées en sortant de l'eau à huit francs le millier.
Cette valeur s'accroit beaucoup, tant par la fabrication que par les opérations qu'éprouve la sardine dans les diverses mains où elle passe avant d'arriver à la consommation.

Une partie de cette pêche se vend à la côte à bord des chaloupes et va alimenter les marchés de toute la Bretagne. Une autre partie est achetée en mer par une quantité de chasse-marées de diverses grandeurs, qui se succèdent sur les lieux de pêche pendant toute sa durée, lesquels salent ce poisson en vert à leur bord et le transportent avec célérité dans les divers ports de la Loire-Inférieure aux Landes.

Le reste de la pêche est vendu aux presses locales pour y être préparée et fabriquée.

Concernant la technique de pêche, nos côtes sont tellement parsemées d'écueils que les pêcheurs sont obligés de se tenir au large et d'avoir recours à l'appât connu sous le nom de rogue. La meilleure espèce est celle de Stokfiche que l'on reçoit de Norvège. Tandis que les pêcheurs espagnols et anglais n'ont pas besoin d'avoir recours à cette rogue, cela met les fabricants français dans l'impossibilité de soutenir leur concurrence.
En 1814, le gouvernement avait assujetti la sardine étrangère à un droit supérieur à la sardine française. Mais cela n'empêcha pas la pêche de décliner d'une manière effrayante.

L'usage du filet nommé dreige ou drague fut toujours sévèrement proscrit, mais aujourd'hui il est d'une pratique journalière sur les côtes de Bretagne. Le canal qui sépare Port-Louis de l'île de Groix était autrefois le refuge ordinaire de la sardine, où elle se trouve à peine quelques jours dans la saison de la pêche. Le plomb dont le filet de drague est armé à sa base, arrache les herbes, bouleverse le fonds de nos rives, y détruit le frai du poisson et ne laisse à la sardine ni abri ni moyen d'existence. Il est donc indispensable que la pêche avec la drague soit expressément interdite depuis le 30 avril jusqu'au 1er novembre, durée de l'exploitation de celle de la sardine.
La pêche du frai de poisson et du poisson de premier âge connue dans le pays sous le nom de gueldre, pourtant interdite depuis 1726, est clandestinement pratiquée.

Dans ces conditions il n'est pas étonnant que la sardine cesse de résider sur nos côtes où elle ne trouve plus à satisfaire ses besoins.

La situation est tellement grave que le 14 septembre 1821, monsieur Lomenech, maire de Plœmeur sollicite du sous-préfet la portion de secours pour ses malheureux pêcheurs. Il dresse une liste de plus de quarante individus non loin de l'indigence en précisant que ce sont plus de 200 qui n'ont rien fait de l'année et qui comme les premiers seraient dans une aussi grande misère s'ils n'avaient par ailleurs quelques petites ressources.