Les chantiers de construction

 

En 1717, des navires sont construits au Kernével, mais nous n'avons pas trouvé d'archive du chantier de construction navale existant à cette époque.

 

Un demi-siècle plus tard, le 28 octobre 1765, Charles Henry sieur de la Blanchetais, fils d'un armateur Maloin, négociant et armateur à Lorient, achète à Pierre-Michel Droneau, propriétaire de la verrerie royale du Kernével, une portion de terrain vide et vague et sous sable situé au Kernével.

Ce terrain a cent trois pieds six pouces de longueur, à prendre au couchant à vingt-neuf pieds de distance de la vieille verrerie, allant au levant jusqu'à la mer, et a de largeur quatre-vingt-dix-sept pieds neuf pouces borné au midi par terre du sieur Perron et au nord par un petit chemin allant au bord de la mer, n'étant le dit terrain cédé d'aucune utilité pour la verrerie, mais propre à l'établissement d'un chantier utile à l'état et au public.
La vente est consentie pour la somme de cent livres.

 

 

 

Charles Henry de la Blanchetais créé à cet endroit le "chantier du Kernével" destiné à la construction navale et à l'entretien des bateaux. On y trouve aussi une corderie. 

Une vingtaine de bateaux sortent de son chantier entre 1769 et 1813. Jusqu'en 1790 il fait construire, essentiellement pour son propre compte, des chasse-marées, grosses unités de 40 à 240 tonneaux destinées au commerce. Six des sept bateaux construits pendant cette période demeurent sa propriété et sont destinés à son activité de négoce.

En février 1790, les sieurs Henry de la Blanchetais père et fils déclarent avoir fait construire en leur chantier du Kernével sous la direction de François Caro, constructeur, le navire nommé L'Assemblée Nationale, doublé en cuivre du port de deux cent quarante tonneaux. Il est armé pour faire la traite des nègres à la côte orientale d'Afrique.
Les Henry de la Blanchetais en détiennent 41/80 et 6 autres personnes se partagent le reste.

1790 marque la fin des négociants à Lorient. Il faut attendre 1801 pour voir de nouveaux navires construits au Kernével. Ce sont surtout des chaloupes, bateaux beaucoup moins importants, de quelques tonneaux seulement, destinées à des pêcheurs locaux.
Le dernier bateau sorti du chantier est une yole de 1,33 tonneau ayant deux mâts, mesurant 17 pieds de long et baptisée La Petite Cécile pour Joseph Paleau.

 

Charles Henry de la Blanchetais, veuf de Marie Jeanne Villate, décède en 1817 à 88 ans. Il laisse un patrimoine immobilier important, s'élevant à 102 500 francs à partager entre ses 7 héritiers.
Le 10 août 1819, lors du partage judiciaire des biens de la succession, son fils Antoine Henry, capitaine de vaisseau, reçoit "le chantier de Kernével" qui a cessé toute activité de construction depuis deux ans. En 1834, il le vend à Auguste Gillet qui y installe son usine de conserves alimentaires et une briqueterie.

 

A partir de 1842, de nouveaux bateaux sont construits au Kernével dans le chantier de Guillaume Marie Raul (ou Raoul). Né à Port-Louis en 1816, il est l'époux de Marie Joséphine Romieux, fille de l'ancien maire de Plœmeur, cabaretière au Kernével.
Nous n'avons pas trouvé trace de la concession du domaine maritime qu'il a dû obtenir, néanmoins nous situons son chantier sur la plage du Kernével à l'ouest de la cale. En effet, en 1852 M. Lacroix, constructeur de navires demeurant à l'Ile d'Yeu, demande l'autorisation d'élever un chantier de construction avec un hangar sur un terrain en commun adjacent d'une part au chantier du sieur Raul et d'autre part au fort de Kernével. Mais il renonce à son projet l'année suivante.

Dans les recensements de population Guillaume Raoul est dit charpentier.

Jusqu'en 1855, quelques chaloupes (moins de 6) sortent du chantier du Kernével chaque année. Puis pendant une dizaine d'années le rythme est beaucoup plus élevé avec entre 10 et 17 navires par an (en 1858 et 1863).
Environ 230 navires sont construits dans le chantier de G. Raoul. Leur port est de l'ordre de 2 à 6-7 tonneaux avec quelques unités plus importantes. C'est ainsi que La Magenta construite en 1859 pour Joseph Noël et Paul Davigo négociants à Groix, contient 15,56 tonneaux et mesure 11,09 mètres.
La plupart des propriétaires sont des pêcheurs surtout de Groix, puis en nombre moins important de Gâvres, Port-Louis, Riantec et Locmiquélic. Mais très peu de Larmoriens font construire des bateaux au cours de ce XIXe siècle.

 

Les quelques Larmoriens propriétaires de navires construits au Kernével sont surtout des presseurs de sardines et des négociants. En particulier :
Adolphe Romieux, presseur de sardines, en 1846 La Bonne Mère 3,35 tonneaux
                                                                  en 1856, pour ¼ dans La Mélanie 3,32 tx
                                                                  en 1857, pour ½ dans La Mélanie 4,57 tx
                                                                  en 1858, pour ½ dans La Bonne Mère 4,54 tx
                                                                  en 1858 pour 1/3 dans Les Quatre Juifs 13,32 tx
Aimé Baptiste Romieux, fabricant de sardines, en 1848 La Sainte Hélène 3,39 tx
Mathurin Le Bras, presseur et marchand de vin, en 1856 L'Antonine 4,5 tx
                                                                             en 1862 pour ½ dans La Marie Héloïse 7,93 tx
                                                                             en 1863 pour 2/6 dans La Marie Thérèse 5,76 tx
                                                                             en 1864 pour ½ dans La Jeune Magdeleine 7,43 tx
Pierre Le Bras, presseur et marchand de vin en 1857 pour ½ dans La Manche 4,03 tx
                                                                        en 1858 pour ¼ dans La Véronique 3,61 tx
Guillaume Collin, presseur, en 1858 pour ½ dans La Marie Françoise 4,53 tx
Jean Marie Théauden, négociant, en 1859 pour ½ dans La Jeanne Marie 4,41 tx
Louis Edelin, négociant, en 1863 pour ½ dans La Marie Louise 6,11 tx

Guillaume Raul décède en 1887 à 71 ans, mais aucun de ses enfants (4 filles et 1 garçon) ne lui succède dans son activité de constructeur de navires.

A l'inverse du siècle précédent, dans le premier quart du xxe siècle, les pêcheurs Larmoriens sont très nombreux à faire construire leurs propres bateaux, d'abord dans des chantiers éloignés : Concarneau, Camaret, Le Croisic, etc. puis dans les chantiers du secteur : Lorient, Port-Louis, Locmiquélic.

 

Dans les années 1920-1930, Jean Paul Le Botlanne, fils du dernier passeur du Kernével, est ébéniste et charpentier. Il construit quelques plates pour des particuliers. En 1936 lors de l'exposition nationale du travail, il présente la maquette d'un langoustier lui ayant demandé 650 heures de travail. Il reçoit le titre de "Un des Meilleurs Ouvriers de France".