Loi de 1901 : Fermeture de l'école

 

 

La Loi de 1901 sur les associations est très libérale sauf à l'égard des congrégations religieuses. Les écoles congréganistes ouvertes après le 1er juillet seront fermées et toutes celles ouvertes avant doivent demander une autorisation qui leur sera finalement refusée.

Le 6 décembre 1901, le préfet du Morbihan demande à la Supérieure Générale des Filles de la Sagesse à St Laurent-sur-Sèvre de lui fournir des renseignements en vue d'obtenir l'autorisation prévue par la loi du 1er juillet 1901 pour les 24 établissements non autorisés (dont l'école de Larmor) qu'elle possède dans le département :
- les statuts de la congrégation ;
- l'état des biens meubles et immeubles ainsi que ses ressources ;
- la liste du personnel avec indication du nom, des prénoms, de l'âge, du lieu de naissance et de la nationalité de chacun de ses membres.

La Supérieure Générale répond le 12 décembre je suis invitée à adresser directement au ministère des Cultes la demande en autorisation pour celles de nos Maisons qui en ont besoin. Je vais donc me mettre en mesure de fournir les dossiers demandés.

 

Le 15 décembre 1901, Emile Combes, président du Conseil, ministre de l'intérieur et des cultes, appelle l'attention du préfet sur la nécessité de procéder d'urgence à l'instruction de ces demandes d'autorisation. Vous voudrez bien provoquer l'avis des conseils municipaux intéressés et m'adresser les délibérations de ces assemblées avec un rapport très circonstancié sur l'origine et le rôle des établissements précités, sur les agissements de leurs membres et les œuvres qui y sont poursuivies et le caractère d'utilité qu'elles peuvent présenter.
Enfin, vous voudrez bien me fournir toutes les indications qui auront pu être recueillies, tant sur la propriété des biens consacrés aux établissements dont il s'agit et sur leur valeur réelle, que sur l'importance et la nature des ressources destinées à assurer leur fonctionnement et leur entretien.

 

L'année suivante, le 23 février, le conseil municipal se réunit en séance extraordinaire pour délibérer sur la demande d'autorisation de la congrégation des Filles de la Sagesse pour son établissement de Plœmeur. Le maire, Eugène Le Coupanec, déclare la discussion ouverte.
Monsieur Guillerme déclare qu'à son avis les congrégations enseignantes portent un gros et sérieux préjudice aux instituteurs et institutrices laïques et que personnellement il est défavorable à l'avis demandé.
Monsieur Le Guin déclare que personnellement il est partisan de la liberté pour tous mais qu'il voudrait que la première communion soit accordée aussi facilement aux élèves des écoles laïques qu'à ceux des écoles congréganistes.

Le maire déclare qu'il est de son devoir de donner son avis.
La question posée présente trois faces :
                         1° le point de vue politique et religieux ;
                         2° celui de l'enseignement ;
                         3° enfin le côté financier.
     Au point de vue politique, comme républicain, il est partisan de la liberté illimitée, mais de la liberté pour tous, ayant pour seule limite la liberté du voisin. Il n'a jamais pu la comprendre autrement que par ces trois mots : se respecter mutuellement.
Si on veut la liberté complète pour soi-même, le premier devoir est de respecter celle des autres.
    Au point de vue de l'enseignement, il est élève des écoles laïques et il est heureux de s'en féliciter à nouveau, mais pendant toutes les années qu'il a passées dans les écoles primaires et au lycée de Lorient il a toujours été à même de constater le zèle développé chez ses professeurs, l'amour propre excité chez les élèves par la concurrence de l'enseignement congréganiste. A tous points il considère comme désastreuse la suppression de cette concurrence.
    Si on examine sérieusement la question financière, le doute n'est plus permis et un administrateur sérieux ayant famille dont il a la charge, soucieux de payer régulièrement ses impôts ne saurait hésiter. La suppression des écoles congréganistes serait la ruine de tous les budgets communaux. Personnellement il ne saurait accepter la conséquence ruineuse de cette suppression, les emprunts et les centimes additionnels qui soulèveraient l'indignation de la commune.

Sur demande unanime, il est procédé au vote par appel nominal.
Vote pour l'avis défavorable : Monsieur Guillerme
Vote pour l'avis favorable : Messieurs Eugène Le Coupanec, maire, Esvan et Daniel adjoints, Guyomar, Puren, Edelin, Le Bras, Trecasser, Gallois, Hillio, Montagner, Le Guin, Dessair, Lomenech Gabriel, Le Moing Jean-Marie et Le Hunsec François.
Un avis favorable à la demande est donc admis par seize voix contre une.

 

Quatre mois plus tard, la même question est posée pour l'école de Larmor et le 8 juin le conseil maintient et renouvelle la délibération ci-dessus.

Le 8 juillet 1902 le sous-préfet de Lorient adresse au préfet l'avis émis par le conseil municipal et ajoute : les religieuses se sont établies à Larmor en 1898. Elles y avaient été appelées par M. l'abbé Le Bras, desservant de la chapelle de Larmor, actuellement curé de Riantec.

Le rôle principal de l'établissement paraît être celui d'une école maternelle de petites filles ; il y a une trentaine d'élèves environ, toutes de Larmor et des villages voisins.
La rétribution est très minime et ne peut certainement suffire à couvrir les frais généraux.
L'établissement compte cinq sœurs et quelques domestiques. Jusqu'ici, elles n'ont rien fait ni dit qui ait pu attirer sur elles l'attention publique.
En été elles reçoivent quelques dames comme pensionnaires. Par sa situation exceptionnelle sur la plage de Larmor, cet établissement très vaste pourrait facilement être transformé en hôtellerie ou en maison de santé.

 

Le 12 juillet, la Supérieure Générale des Filles de la Sagesse informe le préfet que dès mardi prochain elle déposera au ministère des Cultes les dossiers de demande en autorisation pour nos Maisons de votre département.

Dans le même temps, le directeur général des services de l'enregistrement précise au préfet que l'école libre de filles de Larmor a une contenance de 41 ares 62, une valeur locative de 900 francs et une valeur vénale de 20 000 francs. Le propriétaire est Joachim Le Bras, qui l'a acquise par acte du 12 avril 1898 passé par Maître Peron, notaire à Plœmeur. Les ressources de l'école dont l'importance est inconnue proviennent en majeure partie des pensions des élèves.

De nombreuses voix s'élèvent contre le sort fait aux congrégations. Ainsi, cet habitant de Plœmeur qui écrit au Préfet le 30 juillet.

 

L'application restrictive imposée par Emile Combes, de la loi de 1901 sur la liberté associative, en excluant les congrégations religieuses, entraine tout particulièrement en Bretagne une forte mobilisation des milieux cléricaux.

Le 9 octobre 1902, le préfet du Morbihan adresse au ministre de l'Intérieur et des Cultes les renseignements qu'il a pu obtenir concernant 19 établissements relevant des Sœurs de la Sagesse dont l'école de Larmor. Il conclut que sauf pour certains établissements charitables (hospice, clinique, orphelinat, maison de retraite) pour lesquels il ne verrait aucun inconvénient à ce que l'autorisation leur fut accordée, pour les autres dont le but poursuivi est l'enseignement, leur sort dépend donc de la décision que prendront les pouvoirs publics en ce qui concerne la liberté de l'enseignement privé congréganiste.

 

 

L'école Notre-Dame de Larmor en sursis

Le 7 août 1903, la décision tombe : L'école des Filles de la Sagesse située au bourg de Plœmeur doit fermer ses portes à compter du 1er septembre, soit dans environ trois semaines seulement ! Le 17 août le maire de Plœmeur signale au préfet qu'il sera impossible d'accueillir près de 200 élèves de cette école d'ici la rentrée des classes. Il sollicite un sursis d'un an pour la dispersion de la congrégation.
Le préfet répond : il ne m'appartient pas d'ajourner à l'année prochaine la fermeture de l'établissement.

 

Dans une lettre circulaire du 21 août, pour les établissements en instance d'autorisation et au sujet desquels il n'a encore été pris aucune décision, ce qui est le cas de l'école privée de Larmor, Emile Combes demande au préfet de lui faire savoir d'une façon précise l'époque à laquelle il pourra être procédé à la laïcisation des écoles publiques et le délai qui paraît nécessaire pour assurer d'une façon complète la fréquentation scolaire…

Il répond le 10 septembre : il y a 20 places disponibles à l'école publique de filles de Larmor et 15 élèves seulement à l'école privée. Si donc cette dernière école était fermée, comme vient de l'être celle du bourg insuffisante cependant, celle-ci peut recevoir les élèves de l'école privée. La fréquentation scolaire serait, à Larmor, encore assurée d'une façon complète.

 

 

L'école de Larmor devra fermer

La loi du 7 juillet 1904 interdit l'enseignement aux congrégations et décide de la fermeture de tous leurs établissements.

En application de cette loi, un arrêt du 16 janvier 1905, signé Emile Combes, précise :
Art. 1er  Seront fermés dans un délai qui expirera le 1er septembre 1905 les établissements congréganistes ci-après désignés situés dans les départements suivants :

Le sort de l'école privée de Larmor est maintenant scellé : elle devra fermer à la prochaine rentrée.

A peine dix jours plus tard, le préfet demande à M. Gide, commissaire spécial de police à Lorient de notifier un extrait de cet arrêté à la directrice de l'école, et au propriétaire des immeubles. Vous aurez soin de prendre les noms de la directrice et de chacune de ses adjointes, de consigner ces indications dans le procès-verbal que vous aurez à établir, de me rendre compte des incidents qui se seront produits.

 

Les choses ne trainent pas, le 2 février 1905, Charles Albert Gide notifie à Mme Anne Marie Lucas, en religion Sœur Marie Protalice, directrice de l'école primaire privée à Larmor l'arrêté du 16 janvier ordonnant la fermeture du dit établissement des Filles de la Sagesse dans un délai qui expirera le premier septembre 1905.

Il se fait préciser les noms suivants :
- Anne Marie Lucas, en religion Sœur Marie Protalice, née à Nantes le 4 février 1862, directrice ;
- Marie Jaffré, en religion Sœur Marie Eugénie, née à Baud le 20 septembre 1875 ;
- Rose Lefèvre, en religion Sœur Hélène de Jésus, née à Quintin, Côtes du Nord, le 5 septembre 1858. Ces deux dernières adjointes.
De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal que Mme Anne Marie Lucas a refusé de signer avec nous.

Le même jour, il fait la même notification à Mme Anne Marie Lucas, en religion Sœur Marie Protalice, représentant la communauté des Filles de la Sagesse de Saint-Laurent sur Sèvre, propriétaire de l'école privée primaire. . . . Elle lui avait déclaré par erreur que les Filles de la Sagesse étaient propriétaires.

La notification est faite dès le lendemain à Joachim Le Bras curé de Riantec et réel propriétaire.

 

Le 23 juin 1905, le préfet alerte le ministre de l'Intérieur et des Cultes sur les très fâcheux inconvénients qu'occasionnera le maintien des écoles maternelles congréganistes attachées à aux écoles primaires, et propose de vouloir bien prescrire la fermeture, dans un délai qui expirera le 1er septembre prochain, des écoles maternelles privées congréganistes dirigées par les Filles de la Sagesse à Larmor, etc…

 

Le 7 juillet, le ministre écrit à la Supérieure des Sœurs de la Sagesse qu'il n'y a pas lieu de transmettre les dossiers au Conseil d'Etat et que sa demande est rejetée. Il lui rappelle que sont passibles des peines portées à l'article 8, §2 de la loi du 1er juillet 1901 (amende de 16 à 5000 F et emprisonnement de six jours à un an) tous individus qui sans être munis de l'autorisation exigée auront ouvert ou dirigé un établissement congréganiste.

Six jours plus tard, cette notification parvient à Mme Lucas, directrice de l'école maternelle privée, ainsi qu'à M. l'abbé Joachim Le Bras, propriétaire des immeubles.

 

 

L'école est fermée

Le 18 septembre 1905 alors que la date fatidique du 1er septembre pour la fermeture des écoles congréganistes est passée, le commissaire spécial de police de Lorient se rend à Larmor et constate que l'établissement privé congréganiste de filles (école primaire) de Larmor qui était dirigé antérieurement à la notification qui lui a été faite le deux février par la Dame Anne-Marie Lucas, en religion Sœur Marie Protalice, de la congrégation des Filles de la Sagesse de Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée) est évacué, que l'on n'y fait plus l'école à la date de ce jour et que les sœurs n'y ont plus fait la classe après le 1er septembre 1905, mais que toutes les portes n'en sont pas fermées, que la Dame Anne-Marie Lucas, en religion Sœur Marie Protalice est la même religieuse que celle qui dirigeait l'établissement lors de la notification, qu'elle n'est pas sécularisée et qu'elle habite encore une partie de l'immeuble dans lequel se trouve située l'école.

Nous avons pareillement constaté que la Dame Marie Jaffré, en religion Sœur Marie Eugénie, qui n'est pas sécularisée, ne fait plus la classe aux enfants et est la même religieuse qui était adjointe à la directrice lors de la notification, habite encore dans une partie de l'école ainsi que la Dame Anne-Marie Lucas, en religion Sœur Marie Protalice et une autre sœur cuisinière nommée Louise Le Moigne, en religion Sœur Sainte Eustérie, née le 11 février 1876 à Camors, non sécularisée.
La Dame Anne-Marie Lucas nous a déclaré que la Dame Rose Lefèvre, en religion Sœur Hélène de Jésus, est partie et a quitté l'établissement.

Nous avons notifié à la Dame Anne-Marie Lucas qu'elle devait fermer son établissement et se retirer avec son personnel. Elle a refusé de signer le procès-verbal.
Un procès-verbal identique est dressé pour l'école maternelle.

 

Dans son rapport au préfet, le commissaire de police précise que si les sœurs étaient restées dans l'immeuble, c'était non pour y faire la classe, mais parce qu'elles n'avaient aucun autre lieu où elles puissent se retirer, la maison mère étant dans l'impossibilité de recevoir toutes les sœurs.

Le même jour le commissaire spécial se rend à Riantec et notifie à l'abbé Le Bras que les établissements privés congréganistes (école primaire et école maternelle) dirigés à Larmor en Plœmeur par les Filles de la Sagesse dont la fermeture a été ordonnée doivent être immédiatement fermés et que les Sœurs qui les occupent encore doivent se retirer.

Dans son rapport au préfet, le commissaire écrit que l'abbé Le Bras avait cru de bonne foi que comme l'on ne faisait plus l'école, les sœurs pouvaient continuer à habiter le reste de son immeuble de Larmor et que la décision n'avait ordonné que la fermeture de l'école.
Comme j'ai constaté que les Sœurs, qui avaient reçu l'ordre de fermer leur établissement et de se retirer, n'avaient pas fermé toutes les portes de l'école et habitaient toujours une partie de l'immeuble, j'ai cru bien faire en leur notifiant de fermer l'établissement et de se retirer.

 

Le 20 septembre, l'abbé Le Bras, s'adresse au commissaire de police :

 

. . . . les établissements privés congréganistes, école primaire et école maternelle, ayant existé dans l'immeuble dont je suis propriétaire à Larmor en Plœmeur ont bien été fermés conformément aux ordres ministériels et les deux religieuses que j'ai conservées comme gardiennes de mon immeuble n'y font pas la classe.
Dans ces conditions, je crois être parfaitement en règle.

 

 

 

Loi de séparation des Eglises et de l'Etat

Le 9 décembre 1905 est publiée au Journal Officiel la loi de séparation des Eglises et de l'Etat.
Paul Guieysse, député, est le seul parlementaire du Morbihan à voter en faveur de cette loi qui assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. Elle ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun d'eux.