La société des Abeilles d'Arvor

 

En 1929, la presse fait état de la prochaine création d'une nouvelle société pour l'exploitation de la rade. Des études ont été faites concernant les différents types de bateaux pouvant le mieux convenir, ainsi que le mode de propulsion. Une flottille de 10 bateaux, coque acier, est envisagée. Il s'agirait de vedettes pontées de 22 m de long, 4,90 m de large, 200 places assises, moteur à huile lourde, vitesse de 16 km/h, lumière électrique, W-C, etc.
Les équipages seront choisis parmi l'élite de la population maritime et les commandements confiés à des capitaines ayant fait leurs preuves.
Ils n'embarqueront plus les marchandises.

Statuts Abeilles d'Arvor

 

 


En février 1930 est constituée la Société "Les Abeilles d'Arvor" avec pour objet :

- l'acquisition de la flotte, des immeubles et du matériel de la Société des Vapeurs Lorientais Port-Louisiens.
- la création et l'exploitation d'une organisation maritime et commerciale pour le transport des voyageurs et des marchandises, pour le remorquage, dans la rade de Lorient et ses environs. Son siège social se trouve à Lorient, 50 rue du Port. Le capital de 1 500 000 francs est constitué de 15 000 actions de 100 francs. Les actionnaires au nombre de 468 possèdent en moyenne 32 actions. 115 d'entre eux possèdent au plus 5 actions et 127 en disposent de 5 à 10.

 

Le 30 août, le Kerbel, la toute nouvelle vedette des Abeilles d'Arvor, venant directement d'Amsterdam, fait son entrée dans la rade.
Le lendemain, messieurs Boquet, président du syndicat d'initiatives, Le Fournier, Gahinet et Bernardé, administrateurs de la société des Abeilles d'Arvor font un rapide tour en mer.

La sortie inaugurale a lieu le jeudi 11 septembre. Le Kerbel quitte le quai Rohan à deux heures trente avec à son bord M. Duran sous-préfet, MM. l'officier des équipages en chef Gessiaume, représentant l'amiral Audouard, Guyomard, administrateur en chef de l'inscription maritime, M. le chanoine Kerhino, supérieur de Saint-Louis, MM. Marrec, lieutenant de port, Esvelin, ancien maire, Bernardé, directeur des Abeilles d'Arvor avec les membres de son conseil d'administration présidé par monsieur Marcesche, ainsi que de nombreux invités.
La Margaëte a pris à son bord de nombreux passagers pour assister à la cérémonie.

Elle a deux cabines séparées par la chambre du moteur. Des châssis vitrés coulissants forment les cloisons. La disposition des bancs des deux chambres du Kerbel autorise 280 à 300 passagers. D'une longueur de 25 mètres et d'une largeur de 5,33 m, son tirant d'eau n'est que de 90 cm évitant ainsi les risques d'échouage. Le moteur à pétrole de 100 CV, de six cylindres lui permet de filer à huit dix nœuds. Il comporte un pont et deux mâts. L'un des mécaniciens venu de Hollande avec le navire va rester au moins un mois à son bord.

En 20 mn le Kerbel est à Port-Louis, alors que jusqu'à présent, les bateaux Port-Louisiens mettaient une demi-heure à faire le trajet. La cale est noire de monde. Les invités, parmi lesquels M. Charrier, député–maire, M. Coutillard, maire de Larmor, montent à bord. Le chanoine Kerhino procède à la bénédiction. Le parrain est le fils du directeur des Abeilles d'Arvor et la marraine Mlle Gahinet, fille de l'un des vice-présidents. Après la bénédiction, ils lancent des poignées de dragées aux enfants qui se trouvent sur la cale.

Puis les deux bâtiments reprennent leur essor et longent les plages de Toulhars et de Larmor. Le champagne est servi dans la cabine des premières classes. Monsieur Le Fournier, directeur honoraire des Banques de France de Lorient et de Rennes, et vice-président du conseil d'administration des Abeilles d'Arvor souhaite la bienvenue à ses invités à bord du Kerbel. Dans son allocution, il rappelle les résultats obtenus dans l'amélioration du service depuis quelques mois :
                        Fixité dans les horaires ;
                        Régularité dans les embarquements et les débarquements ;
                        Service des messageries distinct.
Notre désir est de doter la rade de plusieurs unités semblables au Kerbel, mais il faut des capitaux.

Après avoir débarqué leurs hôtes à Port-Louis, le Kerbel et la Margaëte rentrent au port de commerce à cinq heures moins le quart.

 

Le dimanche 6 juillet 1930, le Trait d'Union, ancienne Vedette Blanche, assure la liaison Kernével – La Perrière, lorsqu'en face du Ter, le feu prend dans le moteur. Malgré que l'arrivée d'essence soit aussitôt fermée, elle continue de couler enflammée.
Une trentaine de personnes sont à bord. L'affolement les gagne. 
L'extincteur ne fonctionne pas. Monsieur Tessier, armateur à La Perrière, essaye alors d'étouffer le feu en mettant son veston sur le moteur. Mais il prend feu et doit être jeté à la mer. 
La vedette des Abeilles d'Arvor qui passe à proximité prend les passagers à son bord tandis que le Pen Mané remorque le Trait d'Union jusqu'au Kernével.

 

A compter du 1er octobre, la Société des Abeilles d'Arvor augmente le prix de ses abonnements en raison de la hausse de ses frais d'exploitation et de ses charges financières considérables. Pour les non-abonnés les prix ont déjà été augmentés il y a plusieurs mois. La société engage en ce moment des dépenses importantes en vue de mettre à la disposition des usagers deux autres bateaux qui les mettront à l'abri des intempéries.
Les familles bénéficient de réductions : 15% pour le deuxième abonné et 30% pour le troisième.
Mais les usagers continuent à se plaindre de la saleté à bord, des trop nombreux retards et des suppressions de services, comme avant. . . alors que les Abeilles d'Arvor s'étaient engagées à remédier à ces inconvénients

 

Outre les lignes de Port-Louis et de Pen-Mané :
Ligne de Larmor :
- départ de Lorient : 8 h 30, puis toutes les heures à la demie, dernier départ à 16 h 30.
- départ de Larmor : 9 h 45, 10 h 45, 11 h 45, 15 h 45, 16 h 45 et 18 h.
Dimanches, jeudis et jours fériés : départ de Lorient à 17 h 30 et départ de Larmor à 18 h 30.

Ligne de La Perrière – Kernével :
- départ de Kernével pour La Perrière : 6 h 40, 8 h 30, 9 h 15 (Port de Pêche), 11 h 15, 13 h 15, 14 h 15, 15 h 15, 17 h 15, 18 h 15.
- départ de La Perrière pour Kernével : 7 h, 8 h 45, 11 h 30, 13 h 30, 14 h 30, 15 h 30, 17 h 30, 16 h 30.

Ligne de Kernével – La Perrière – Lorient :
- départ de Kernével pour La Perrière et Lorient : 8 h 30 puis toutes les heures à la demie, 14 h 30, 17 h, 18 h.
Le dimanche en supplément : 19 heures.
- départ de Lorient pour Kernével : 9 h et toutes les heures.
Le dimanche, une vedette fait la navette entre La Perrière et Kernével de 13 h à 19 h et plus tard suivant l'affluence des voyageurs.

 

Suite au procès intenté par les Abeilles du Havre à la société des Abeilles d'Arvor pour conformité de nom, le 23 mai 1931, le conseil d'administration décide qu'à partir du 1er juin, les Abeilles d'Arvor s'appelleront Vedettes d'Arvor.

En décembre 1931, un accord intervient entre les Vedettes d'Arvor et les Vedettes Vertes en vue d'une organisation du service dans des conditions plus normales d'ordre et d'économie. Les horaires et les tarifs seront simplifiés et homologués.

En août 1932, Les Abeilles d'Arvor interviennent auprès du préfet pour faire cesser le racolage exercé par la Société Coopérative des Vedettes de Locmiquélic (vedettes jaunes). Sur les quais, ses représentants incitent les passagers à embarquer de préférence dans les bateaux des "prolétaires" plutôt que dans ceux des "capitalistes".
Le préfet prescrit à la gendarmerie de prendre toutes mesures pour assurer le bon ordre au départ des bateaux assurant le service de la rade.

Le commandant de gendarmerie décide que les dimanches et jours fériés, le maintien de l'ordre au départ des bateaux à Larmor aux heures d'affluence sera organisé par 2 gendarmes de Lorient ou de Plœmeur .
Mais la mauvaise volonté de Société Coopérative des Vedettes d'appliquer la lettre du préfet rend nécessaire la prise d'un arrêté.

 

Le 25 avril 1934, les Vedettes d'Arvor qui souffrent de la crise économique et dont le trafic diminue dans des proportions importantes, adressent au préfet une demande de subvention de cent cinquante à deux cent mille francs. Elle estime être un véritable service public. Si nous étions contraints de cesser notre exploitation, les nombreux ouvriers et employés qui se rendent chaque jour au port de pêche, à l'arsenal ou en ville par nos bateaux ne pourraient plus être assurés d'un transport régulier.

Le conseil général adopte le principe d'une aide et renvoie le dossier à la session de septembre pour fixation de la somme à allouer.
L'ingénieur en chef des ponts et chaussées constate que la baisse d'activité est en grande partie due à la concurrence de la Société Coopérative des Vedettes de Locmiquélic toujours à l'affut de clientèle et que suite à une sérieuse compression des dépenses, la situation est en cours de redressement et l'exercice en cours devrait se terminer sans déficit.
Il pense que le conseil général ne saurait entrer dans les difficultés d'exploitation de la société d'autant plus qu'il s'est toujours attaché à laisser aux sociétés concessionnaires de ses services publics de transport, les risques et périls de leur exploitation. Par contre le conseil général intervient en subventionnant l'acquisition de navires. En conséquence, les Vedettes d'Arvor ayant consacré 345 000 francs à l'acquisition du bateau Kerbel, une subvention des 4/15 soit 92 000 francs pourrait lui être attribuée.
Finalement, en octobre le conseil général, par 26 voix contre 5, accorde aux Vedettes d'Arvor une subvention de 50 000 francs.

 

Le 24 juin 1934, une assemblée générale extraordinaire décide de la modification de la raison sociale de la société "Les Abeilles d'Arvor".

En juillet 1934, la ligne Lorient-Larmor étant quasiment abandonnée, pour répondre au désir du public, la Compagnie des Vapeurs de Groix décide de mettre en service le Pen-Men les dimanches et jours de fête. Départs de Lorient à 13 h 30 et à 14 h 45 et de Larmor à 16 h et 19 h 15.

En 1935, la société anonyme Les Vedettes d'Arvor en situation financière précaire est dissoute. Avec le développement des transports par route la question du service régulier entre Lorient et Larmor ne se pose plus : les cars partant à heures fixes conduisent les passagers avec beaucoup plus de facilités que par mer.

La liquidation judiciaire est prononcée le 6 décembre 1935.

Le 18 mai 1936 à la Chambre de Commerce, il est procédé à la vente des immeubles et des 9 navires. Seuls deux bateaux trouvent preneur : le Lorient, vedette à moteur de 12,92 m, construite à Nantes en 1909 et le Locmiquélic de 11,35 m construit à Port-Louis en 1928.
Les autres 7 navires mouillés à Port-Louis sont remis en vente le 19 janvier 1937 en l'étude de Me Brisset. Il y a trois vapeurs : le Margaët construit à Nantes en 1893, le Louis de 1896 moteur démonté et le Lucie-Madeleine de 1897 désarmé en 1931 et quatre vedettes à moteur : Kerbel de 1930 moteur révisé en 1934, Eugénie-Elvire construit à Lorient en 1920 moteur de 1932, Port-Louis de 1925 moteur de 1930, Kernevel de 1907 moteur hors d'usage.

Depuis le 1er juin 1936, l'Union Lorientaise – Groisillonne – Port-Louisienne organise le dimanche un service régulier vers Kernével avec la vedette Tony. Elle assure cinq départs le matin et cinq l'après-midi.

 

 

A partir du 1er juillet la vedette Lorient, rachetée aux Vedettes d'Arvor se joint au Tony ce qui permet d'augmenter le nombre de passages dont le prix est fixé à 1 F, demi-tarif pour les enfants.

Le Tony est une ancienne chaloupe de la direction du port, achetée aux Domaines en décembre 1935. Il mesure 15 m de long sur 3,50 de large et d'un tirant d'eau de 1,70 m. Il est doté d'un moteur Beltus-Loire à essence de 80 chevaux. Il est autorisé à transporter 75 passagers en rade et 25 en mer.

 

 

 

 Vedettes à Larmor

 

 

et au Kernével