Vers la création de la paroisse de Larmor


Après un passage à Larmor le 18 mai 1911, Monseigneur Gouraud, évêque de Vannes, fait étudier la possibilité d'y créer une paroisse.
Le chanoine Louis Pichodo, curé-doyen de Plœmeur, interrogé sur cette question s'adresse le 2 octobre 1911 à monsieur Jourdan, vicaire à Larmor, pour avoir son avis.
Quand j'ai offert ma démission, M. Le Senne, vicaire général, m'avait demandé de la part de Monseigneur quels seraient, dans le cas de l'érection de Larmor en paroisse :
                    1° les avantages ou inconvénients si on en voit ;
                    2° les villages à annexer à la nouvelle paroisse ;
                    3° la délimitation de la nouvelle paroisse.
Je ne me suis guère occupé de cette affaire. Il faut pourtant que je réponde. Voudriez-vous m'aider à le faire en disant quelles réponses, d'après vous, conviendraient aux questions posées. Vos réponses m'aideront à formuler les miennes.

Avis du vicaire de Larmor
L'abbé Jourdan adresse la réponse suivante au curé-doyen de Plœmeur.
On vous l'a peut-être dit, j'en avais parlé à quelques intimes : moi aussi j'ai été prié par M. Le Senne de faire un rapport sur les avantages et les inconvénients de l'érection de Larmor en paroisse. Le fait s'est passé à St Pierre Quiberon l'été dernier au moment de la confirmation. Je répondis à M. le vicaire général qu'il ne m'était pas facile de rédiger un acte officiel sur lequel on pourrait s'appuyer, le cas échéant, pour battre en brèche la juridiction de M. le curé de Plœmeur, mon chef hiérarchique et mon vénéré maître. M. Le Senne comprit sans doute ce qu'il y avait de faux et de délicat dans ma situation. Dans tous les cas, il n'insista pas. Aujourd'hui, c'est vous, M. le curé qui me faites la même demande, dans les mêmes termes : vous me priez de vous aider à un nouveau démembrement de votre belle paroisse, car n'est-ce pas là le but que l'on semble poursuivre ?

Puisque vous nous quittez, cher M. le curé, puisque nous avons le malheur de vous perdre, je n'ai plus les mêmes raisons de me taire. Vous le savez bien, depuis que je suis à Larmor, j'ai poursuivi un double but : j'ai essayé de maintenir, au moins de développer, un peu l'esprit de foi et les pratiques chrétiennes dans ce milieu passablement indifférent, mais j'ai voulu surtout mettre Larmor en état de parer à toute éventualité au point de vue matériel.
Cela étant, je ne vois pas les avantages qui résulteraient de l'érection du quartier en paroisse si :
1° le nouveau curé de Plœmeur laissait au vicaire de Larmor la liberté d'action dont j'ai jouie sous votre administration toute paternelle ;
2° si l'on ne devait pas créer à Larmor un centre religieux plus important.
La création d'une paroisse n'implique pas nécessairement la présence d'un vicaire ou l'existence de deux messes le dimanche.

Au contraire si :
1° le nouveau curé de Plœmeur prétendait, comme c'est son droit strict, limiter l'initiative du vicaire de Larmor et s'emparer de la réserve actuelle et des économies futures au profit de la paroisse ;
2° s'il y avait à Larmor un vicaire qui permît de donner aux œuvres la vie et aux cérémonies la solennité qu'elles ont au moins dans nos paroisses rurales ;
3° si la présence d'un adjoint délégué pouvait dispenser les habitants de Larmor de se rendre à Plœmeur pour les différentes formalités de l'état-civil. . . Larmor a tout intérêt à devenir paroisse.

L'église, le recteur et le vicaire peuvent se suffire, poursuit-il, car la chapelle peut être considérée comme riche. Malgré les dépenses (1800 à 2000 F par an), on peut mettre de côté 2000 F par an. En cinq ans, on a économisé 11 000 F qui rapportent 600 F par an, ce qui correspond au traitement du vicaire. Avec 1500 à 2000 F d'économies par an, on peut envisager la construction d'une école ou d'un presbytère.

En dehors des trois grands pardons (24 juin, 2 juillet et 8 septembre), les ressources extraordinaires de la chapelle sont le sermon de charité et la quête du denier du culte. Au cours des cinq dernières années, le premier a rapporté 390, 340, 450, 620 et 720 F. Le denier du culte a produit 419, 774, 988, 955 F et plus de 1000 cette année. J'ai tout lieu de croire que cela durera.

Quant à la délimitation de la paroisse, compte tenu d'une part de l'éloignement des villages par rapport aux églises de Larmor et de Plœmeur et d'autre part de la pratique des sacrements ici ou là, M. Jourdan proposait une ligne partant de Kerpape pour rejoindre Kerhoas en passant par Le Fons et Kergoulédec. D'après le dernier recensement de l'époque, la paroisse de Larmor compterait alors 1770 âmes.

Et l'abbé Jourdan termine en disant : je garderai de nos relations le souvenir le plus doux et je prierai le bon Dieu de bénir dans sa retraite le prêtre éminent et bon qui pendant 21 ans a présidé avec tant d'intelligence et de tacts aux destinées de la grande paroisse de Plœmeur.

Avis défavorable du recteur de Plœmeur
Quelques jours plus tard, monsieur Pichodo adresse sa réponse au vicaire général, sans faire la moindre allusion aux arguments du vicaire de Larmor.
Vous me priez de la part de Monseigneur de vous adresser un rapport écrit sur le projet d'érection en paroisse de la section de Larmor, de tracer les limites de la nouvelle paroisse, d'énumérer les villages qui en feraient partie.

Votre question m'embarrasse fort, je vous assure. Je ne me crois ni les connaissances nécessaires, ni l'autorité voulue pour la résoudre.
Si l'on suppose résolue par l'affirmative la question : y a-t-il lieu d'ériger Larmor en paroisse ? Je ne vois pas pourquoi on disserterait sur les avantages ou les inconvénients du nouvel état de choses. Acceptons la chose faite par qui de droit ; on verra par la suite ce que l'on a gagné ou perdu.

J'aime mieux croire que la création de la paroisse n'est pas encore décidée. Et on demande au curé, d'après vous : "y a-t-il lieu de créer tout de suite une paroisse à Larmor ? Quels avantages en résulteraient ? Quels inconvénients vous paraissent à craindre ?"
Cette question, je me la suis posée à moi-même plus d'une fois. Pour y trouver la solution, j'ai réfléchi, examiné, consulté directement ou indirectement, j'ai pris l'avis de bon nombre de paroissiens, celui aussi des vicaires de la paroisse, tant de celui de Larmor que de ceux du bourg. S'il faut absolument répondre, encore à présent, je crois devoir m'en tenir à la réponse que j'ai eu l'honneur de faire à Monseigneur et à vous-même, monsieur le vicaire général, à la dernière retraite ecclésiastique. Je disais : actuellement, il n'y a pas lieu de créer la paroisse de Larmor. Actuellement, car le jour où Larmor sera érigé en commune, l'érection de la commune en paroisse deviendra nécessaire. Quant à l'hypothèse elle-même de l'érection en commune, monsieur le maire de Plœmeur que j'ai consulté ne la croit pas à la veille de se réaliser. Cela arrivera pourtant. C'est alors qu'il faudra résoudre la question de la paroisse, mais une des plus grosses difficultés auxquelles on se heurterait à présent aura été résolue. La paroisse n'aurait qu'à adopter les limites de la commune.

Mon avis est donc qu'il vaut mieux surseoir à la création de la paroisse, parce que la création de la paroisse :
1° n'est pas nécessaire. Déjà toutes les fonctions du culte se font à Larmor : baptêmes, mariages, enterrements, 1ère communion. La confirmation n'y a pas encore été donnée. A Keryado, la confirmation a été donnée avant que la section fut érigée en paroisse. Pourquoi n'en ferait-on pas autant à Larmor ? Surement ce serait une grande satisfaction pour le quartier.
2° n'est demandée par personne, du moins à ma connaissance. Ce que l'on demande, c'est l'assurance d'avoir à Larmor deux messes le dimanche pendant toute l'année. Actuellement, les deux messes ne sont assurées que depuis le mois de juillet jusqu'à la Toussaint exclusivement.
3° n'est pas facile à réaliser. Je ne vois pas bien quelles limites on pourrait assigner aux deux paroisses. Par conséquent, je ne vois pas quels villages on pourrait distraire de Plœmeur pour les annexer à Larmor.
4° pourrait bien, quoi qu'on fasse, n'être pas définitive. Quand Larmor sera érigée en commune, il faudra bien que la paroisse prenne les limites de la commune, à moins qu'il n'ait plu à la commune de prendre les limites de la paroisse.
5° n'est pas sans inconvénients :
- Dans l'état actuel, un prêtre suffit amplement à assurer le service religieux du quartier. Il est permis de se demander ce qu'y ferait un prêtre de plus. Sans doute la paroisse de Larmor serait plus étendue et plus populeuse que la section actuelle, de 1200 la population monterait à 1700 environ. C'est une augmentation sensible. Je crois quand même que les prêtres de Larmor auraient du loisir.
- A Larmor, les catéchismes préparatoires à la communion se font presque exclusivement en français. Les villages de Plœmeur qui seraient annexés à Larmor croiraient bien faire en faisant comme les autres, c'est-à-dire en se faisant inscrire au catéchisme français, alors que chez eux on ne parle que le breton.

Permettez-moi, monsieur le vicaire général, d'ajouter un mot. Le curé de Plœmeur va quitter sa paroisse. On lui demande de laisser un souvenir à ses paroissiens en partant. On lui demande qu'il veuille bien consentir à déchirer sa paroisse, à l'amoindrir, à la découronner. Vous le savez comme moi, Plœmeur est fier d'avoir Larmor, fier du sanctuaire de Notre-Dame, de ses pèlerinages, de ses fêtes. Et le curé de Plœmeur irait, sans nécessité, peut-être rompre avec un passé qui a fait la gloire de Plœmeur. Si la chose était faite, il l'accepterait évidemment sans récrimination, mais la faire lui-même ou bien contribuer à la faire, non en vérité, il ne croit pas devoir aller jusque-là.

 

Erection de la paroisse

Lors d'une rencontre avec M. Jourdan, quelques jours plus tard, M. Pichodo lui fait part de sa réponse à l'évêché.
Mais il n'est pas suivi puisqu'une semaine plus tard, le 5 janvier 1912, l'évêque de Vannes demande à l'abbé Jourdan d'annoncer aux paroissiens le dimanche suivant l'érection d'une paroisse à Larmor.
Le 18, chacun peut faire part de ses observations au vicaire général Le Senne, présent à Larmor. C'est aussi l'occasion d'étudier les finances de la future paroisse et de fixer le tarif des services qui sont approuvés par l'autorité hiérarchique le 1er février.
Pour les enterrements : 30,25 F pour une sépulture solennelle
                                       22,85 F pour un service solennel
                                       17,75 F pour une sépulture simple
                                       10,20 F pour une sépulture d'enfant
Pour les mariages simples : 10 F de 8 à 9 heures,
                                             12 F de 9 à 10 h,
                                             15 F de 10 à 11 h.
Pour les mariages solennels : 30 F pour ceux de 2e classe,
                                                70 F pour ceux de 1ère classe.