Défense contre la mer
à Lorient-Plage
En 1900, l'étang de Kerguélen est asséché par les soins de M. Picard avec une subvention du ministère de l'agriculture. Il s'agit d'un travail d'intérêt général qui intéresse la salubrité publique. Le 29 avril 1901, il reçoit l'autorisation d'occuper temporairement le domaine public maritime pour établir un conduit découlement à la mer des eaux de l'étang.
Par décision ministérielle du 8 décembre 1902, est approuvé un projet d'assainissement de l'étang de Kerderff et le versement à son propriétaire, M. Le Coupanec, ancien maire de Plœmeur, d'une subvention à condition d'entretenir les ouvrages en bon état et d'assurer en tout temps le dessèchement de l'étang. Le projet prévoit vers l'est l'établissement d'une dune comblant l'ancien émissaire de l'étang. A l'ouest, il fait surélever la dune par un remblai de sable.
Le 28 août 1905, des propriétaires et fermiers des villages de Kerguélen et de Moustoir adressent au maire une pétition se plaignant de la digue construite par M. Le Coupanec qui les empêche d'accéder à la côte pour effectuer la pêche et le charroi du goémon qui constitue la base de la fumure de leurs terrains. Ils demandent que l'administration des ponts et chaussées veuille bien leur accorder une issue dans cette digue. Le conseil municipal s'associe à cette pétition. Mais l'administration fait remarquer que ces dunes artificielles sont la propriété de Le Coupanec et c'est à ses héritiers qu'il faut s'adresser. Par ailleurs, elle fait remarquer que si satisfaction était donnée aux pétitionnaires, l'assèchement de l'étang et sa protection contre l'envahissement de la mer ne serait pas atteint.
En 1908, M. Artus, nouveau propriétaire des lieux prend l'engagement d'entretenir les dunes en bon état.
Le 9 janvier 1924, un raz de marée provoque de graves dommages sur les côtes morbihannaises. Le niveau de la mer s'est brusquement élevé et le vent a soufflé en rafales de cyclone. A Belle-Ile, le baromètre est descendu à 728. A Lorient-Plage, la dune qui protège contre l'invasion de la mer les terrains de l'ancien étang de Kerderff est détruite sur environ un kilomètre. Monsieur Artus, sollicite du ministère des travaux publics une subvention pour reconstruire cet ouvrage. Un refus lui est notifié au motif que, contrairement à son engagement pris en 1908, il a prélevé dans la dune 2500 m3 de sable, la rendant ainsi plus fragile, pour faciliter l'assèchement et la vente de ses terrains.
Le 9 janvier 1925 de nombreux propriétaires de lots dans le futur centre balnéaire de Lorient-Plage décident de former un "syndicat de défense de leurs intérêts communs".
Le 19 octobre 1925, monsieur Artus est autorisé à construire sur son terrain un mur de protection en béton contre la mer avec un clayonnage devant, destiné à retenir le sable. Il fait édifier une forte digue en béton d'environ 2,50 m de haut, ancrée à 1 m de profondeur ayant 40 cm de large et 70 cm à sa base sur environ 500 m, partant de Locqueltas vers l'ouest.
Ensuite, vers Kerpape, la digue élargie à 15 m artificiellement vers l'intérieur au moyen de remblais provenant des kaolins et fixée par des plantations de tamaris, assure une protection efficace contre la mer.
Des modifications ont été apportées à la canalisation permettant un écoulement rapide des eaux stagnantes dans les prairies basses et l'assèchement permanent des bas-fonds.
En 1943, M. Dieulangard, huissier de justice, intervient auprès du préfet à la demande de M. Artus. Il a constaté la présence de camions et d'ouvriers étrangers travaillant pour le compte de firmes au service de l'Organisation Todt, occupés à enlever du sable.
Si ces prélèvements continuent, une rupture des digues est à craindre et tous les terrains au-dessous du niveau de la mer seront en péril.
L'ingénieur en chef des ponts et chaussées, s'adressant au préfet, constate que :
1° une brèche a été pratiquée dans le mur en béton pour permettre le passage d'une voie Decauville qui s'étend sur la plage.
2° des extractions de sable ont été pratiquées en arrière de la dune, du côté opposé à la plage.
Les excavations ainsi faites compromettent la solidité de la dune qui protège de la mer les lotissements de Lorient-Plage et la route côtière de Larmor-Kerpape.
Par lettre du 10 septembre 1942, j'ai adressé à M. le Kreiskommandant à Lorient la carte des côtes du département où sont indiquées les zones où les extractions de sable sont interdites […] il y aurait donc lieu d'intervenir auprès des autorités supérieures allemandes afin que l'ordre persiste.
La violente tempête du 24 octobre 1949 a considérablement rongé la dune. En face de l'hôtel des Mouettes, elle n'a plus que 3 m de large. Les propriétaires riverains adressent au préfet une pétition le 9 novembre dans laquelle ils se plaignent que leurs propriétés et habitations sont sérieusement menacées par la mer suite aux enlèvements de sable pratiqués par les Allemands pendant l'occupation.
L'ingénieur des travaux publics chargé de l'affaire divise le secteur de 1,2 km en 3 tronçons.
Il constate que dans le tronçon AB la crête de la dune a reculé d'environ 6 m avec une paroi verticale côté mer et que le niveau de la plage a considérablement baissé. En effet, de 1940 à 1943 les Allemands ont fait dans la dune et dans la plage des extractions massives de sable pour la construction de nombreux blockhaus et ouvrages divers. Ces extractions ont entrainé un changement du régime de la plage et un mouvement de destruction de la dune côtière.
Le blockhaus O1 déchaussé s'est couché sur la plage.
Dans le deuxième tronçon entre l'hôtel des Mouettes et l'hôtel de l'Océan, la dune s'est aplatie avec de nombreuses et profondes excavations à l'intérieur suite aux extractions faites par les Allemands, créant ainsi des points faibles.
Dans le troisième tronçon le mur est renversé en deux endroits tandis que les Allemands ont ouvert deux autres brèches pour leur permettre l'accès direct à la plage.
L'ingénieur des travaux publics considérant qu'il est urgent de prendre des mesures de défense si l'on ne veut pas voir les terrains asséchés en arrière et la route reliant Larmor à Lomener recouverts par les eaux, propose la construction d'un mur de défense en béton armé dans les endroits où il est démoli et dans ceux où il n'y en a jamais eu, ainsi que la consolidation de celui encore debout. Il évalue les dépenses à 30 millions à la charge de l'état (Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme) en tant que dommages de guerre.
Mais l'ingénieur en chef conteste les extractions de sable comme cause de la dégradation de la dune : cette opinion parait discutable lorsque l'on constate l'engraissement de la plage.
Etant donné l'utilité de ces défenses, il est possible de demander à diverses collectivités de s'intéresser à des travaux de réfection dont la plus grande partie doit rester à la charge des propriétaires riverains, aucune voie publique n'étant intéressée par les défenses en question.
La commune demande que soit effectués les travaux et décide de solliciter la participation financière des administrations et des propriétaires concernées.
Le mur existant est reconstruit et des ouvrages de défense provisoires sont effectués devant les hôtels.
Quelques années plus tard les tempêtes de novembre et décembre 1954 mettent en évidence le caractère provisoire des ouvrages réalisés. Le maire et le député sont alertés par les riverains.
Mais les ponts et chaussées déclarent qu'il ne peut incomber à leurs services la charge de protéger des terrains privés.
Le 6 février 1955, la commune exclut de financer les travaux et les propriétaires n'y sont pas plus disposés.
L'ingénieur des travaux publics estime qu'une aide financière importante est indispensable aux riverains pour entreprendre un travail de défense contre la mer qui intéresse une large zone en arrière des terrains bordant le littoral. Mais si la commune persiste à refuser de prendre en charge sa part des dépenses, il ne semble pas possible de demander une contribution tant à l'état qu'au conseil général.
Il semble que progressivement l'ensemble de la plage s'engraisse à nouveau particulièrement vers l'est.
En février 1959, les ponts et chaussées, constatant que les 50 hectares de terrains plus ou moins menacés continuent à se couvrir de constructions, réalisent un avant-projet de travaux de protection consistant en un parement en pente au-dessus de la ligne des plus hautes marées et un épis transversal pour retenir les sables dans la partie ouest dont le coût est estimé à 41 millions de francs.