Agression et vol à Keramzec

 

Sauvage agression

Marc Rustuel, vingt-cinq ans laboureur, et son épouse Perrine Le Bail, trente ans, demeurent à Keramzec, paroisse de Ploemeur.

Le 15 juin 1785, Marc Rustuel fait une très mauvaise chute en tombant d'un arbre. Le lendemain soir, alors qu'il est allongé sur une paillasse gravement malade, sa femme ainsi que quelques parents et amis sont venus le veiller. Il y a là :
- Pierre Le Pape, son beau-frère, marin âgé de trente-six ans, demeurant au Ménez ;
- Anne Kerihuel, sa belle-sœur, femme de Joseph Le Bail, marin, âgée de dix-huit ans demeurant au village de Keramzec ;
- Marie Magado, sa cousine, femme de Louis Le Parc, pilote de la patache ambulante des fermes du roi, demeurant au village de Kervaugam ;
- Marie Le Deleter fille de feu Louis Le Deleter maitre de chasse-marée, âgée de dix-sept ans demeurant au village de Keramzec ;
- Marie Le Bris, vingt et un ans, servante domestique chez Laurent Raudas, marin, demeurant à Keramzec.

Vers onze heures et demie un bruit se fait entendre du côté de la porte d'entrée. Aussitôt Pierre Le Pape se précipite vers l'extérieur où il voit une douzaine d'hommes en chemise et grande culotte de toile, ayant les cheveux ramassés sous un tissu qui leur recouvrait la tête, le visage blanchi avec du blanc d'Espagne ou de la farine, chacun tenant un gros bâton à la main.

Deux malfaiteurs présents dans l'allée sont sur le point d'entrer dans l'appartement d'en bas. Pierre Le Pape tente de les contraindre à se retirer, mais deux autres appelés à la rescousse lèvent leur bâton sur lui et menacent de le tuer s'il crie et s'il résiste d'avantage. Ils le forcent à entrer dans la maison et le poussent vers la fenêtre. Les quatre hommes menacent alors de tuer les personnes présentes si elles crient ou si elles remuent. Un cinquième malfaiteur garde la porte une masse de fer à la main, tandis que les autres font la garde dehors.

Ils disent qu'ils auraient par force ce qu'on leur refuserait par beau.
Après avoir fouillé deux bancs coffres joignant la table et vidé tout ce qui était dedans, ils demandent à la femme Rustuel la clé de son armoire. Ayant répondu qu'elle ne l'avait pas, l'un des malfaiteurs la pousse et la fait tomber sur son mari. Il prend une hache près de la cheminée, la donne à l'un de ses complices qui brise les deux battants de l'armoire.
Ils prennent dans le haut un sac de cuir blanc contenant deux cents écus de six livres et dans le bas un sac de toile renfermant quatre-vingts écus.
Rapidement ils comptent cet argent sur la table et disent à la femme Rustuel qu'elle en a d'autre ailleurs. Si elle ne leur remet pas le reste, ils menacent de prendre son linge et autres effets. Elle se jette à ses pieds, tendant la main en priant de lui laisser au moins cinq à six écus de six livres pour secourir son mari. Le malfaiteur lui présente alors quelques écus, puis comme elle refuse de dire où se trouve le surplus, les remet avec les autres dans le même sac.

Pendant ce temps d'autres malfaiteurs venant de dehors entrent dans la chambre à côté. Ils la fouillent de fond en comble et prennent tous les effets qu'ils peuvent emporter. Puis l'un deux demande aux autres s'ils sont prêts et ils sortent tous ensemble après avoir éteint les lumières. Ils ferment la porte à clé de l'extérieur et l'un dit à la fenêtre "si vous ne voulez pas mourir sur la paille, vous n'avez qu'à sortir pour savoir qu'elle route nous prendrons, vous serez assurés de mourir sur la terre".

Peu de temps après, ayant rallumé les chandelles, la femme Rustuel fait l'inventaire de ce qui a été volé. Outre l'argent : un drap fin garni de dentelle appelé drap de chapelle, le chapeau de son mari et son habit de noce en drap de Rouen tirant sur le jaune, une jupe brune de drap de Rouen, une mante de drap de Vire brune, deux paletots l'un bleu de Bergopzoom doublé de serge blanche et l'autre tirant sur le jaune, une culotte de drap noire, une autre culotte de coton de Lyon brune, une paire de bas de coton blanc, onze chemises d'homme et de femme, des pelotes de fil de chanvre prêt à ouvrager.

 

 

Vol au Grand-Hanvot

Un autre vol avait déjà eu lieu deux semaines plus tôt sur la paroisse. En effet, le mardi 31 mai 1785 vers cinq heures du matin, Le Chaton du village du Grand-Hanvot est victime du vol de six cents livres contenus dans deux sacs, de deux cent soixante-dix livres dans un autre sac appartenant à Vincent Hellec, son domestique, et de deux tasses d'argent.

Les auteurs présumés de ce vol seraient Mathurin Auffret et Pierre Le Miton ou Mitage, tous deux jeunes gens errants et d'une conduite fort suspecte. On les a vus tirer beaucoup d'argent de leurs poches. La veille des faits, ils sont remarqués dans le village où Le Miton demande à boire à un domestique qui refuse de le servir. Le jour même du vol, ils passent au Resto vers les 5 h ½ du matin et vers les 6 h ils sont encore remarqués au village de Locmaria-er-Hoat où ils passent pour se rendre du côté de Kerentrech.

L'enquête nous apprendra plus tard qu'ils ont tous les deux participé au vol commis à Keramzec.

Dans le cadre de cette affaire, le 17 août 1785, Mathurin Auffret, se disant originaire de Plœmeur, âgé d'environ 16 ans et Jean Blaise son frère utérin demeurant à Kerentrech, sont arrêtés et confiés à la garde des geôliers de la prison de Lorient, où ils sont interrogés.
Mathurin Auffret, environ quatre pieds six pouces, ayant une barbe blonde naissante, menton fourché, cheveux et sourcils châtains, yeux gris, nez pointu et retroussé, vêtu de deux gilets l'un d'étoffe noir et l'autre brun clair, d'une grande culotte de toile, ayant ses pieds nus, tenant un chapeau noir à la main.

 

 

Audition de témoins

Maitre Louis François Le Gallic de Kerizouet, avocat au Parlement et procureur fiscal, demandeur et accusateur contre les auteurs et complices du vol fait à Keramzec, charge Maurice Toussaint Maujoüan du Gasset, sénéchal de la juridiction de Lorient de procéder à l'audition des très nombreux témoins.

Assisté de Joseph Marie Moulac commis greffier et ayant pour interprète de la langue bretonne Louis Gouelan, il enregistre les premières dépositions le 1er juillet 1785.

Les premiers à être entendus sont les victimes et les personnes présentes lors des faits.
- Marc Rustuel dépose qu'il y a 18 à 19 mois, après la vente à Jean Discot des immeubles dépendant de la succession de Pierre Rustuel son père, lui et sa sœur Yvonne s'étaient partagé la somme de douze cents écus dont il ne lui reste qu'un peu moins de trois cents.
Ayant fait une mauvaise chute en tombant d'un arbre, des malfaiteurs qui sans doute le savaient très mal, profitèrent de l'occasion pour venir le voler.

- Perrine Le Bail, femme de Marc Rustuel, a cru reconnaitre à la voix et par la taille que celui qui brisa l'armoire était le nommé François Guegan, forgeron au Kernével, travaillant à la forge du sieur Henry, et que celui qui avança la hache était le nommé Renaud cordier de Larmor, travaillant également pour le sieur Henry à la corderie du Kernével.

- Pierre Le Pape fournit une description très détaillée des événements.

- Anne Kerihuel a entendu dire que le nommé Chaton et la veuve Le Montagner avaient été volés précédemment.

- Marie Magado, remarque que les malfaiteurs ne parlaient entre eux que français, mais qu'ils faisaient leurs demandes en breton. Elle croit avoir reconnu par le son de sa voix, sans cependant en être bien assurée, que l'un des malfaiteurs qui était entré dans la chambre à côté de celle où elle était, s'appelle Jean Charles, tisserand au bourg de Plœmeur.

- Marie Le Deleter et Marie Le Bris, font également leur déposition en breton.

 

 

Premières arrestations

François Guegan et Renaud Quistebert
Le 2 juillet 1785, à la demande du procureur fiscal, le sénéchal Maurice Toussaint Maujoüan du Gasset, assisté de son greffier, d'un interprète de la langue bretonne et en compagnie d'Yves Marie Nicolas serrurier et de Mathias Le Gall menuisiers de Lorient en qualité d'experts se rendent chez Marc Rustuel. Ils procèdent à son audition pendant que les experts constatent les dommages.

Sur la proposition du procureur fiscal, le sénéchal ordonne l'arrestation de François Guegan forgeron au Kernével et Renaud Quistebert cordier de Larmor. Arrêtés, ils sont interrogés chez Marc Rustuel.
Renaud Quistebert : un homme d'environ cinq pieds et deux pouces, ayant cheveux, barbe et sourcils châtains, les yeux bruns, couvert d'un habit bleu, un gilet brun, une grande culotte de toile, souliers aux pieds, tenant un bonnet de laine brun. Il déclare s'appeler Renaud Quistebert, cordier, âgé de trente-cinq ans, demeurant à Larmor. Interrogé sur son emploi du temps le jour du vol, il dit avoir passé l'après-midi au Kernével à jouer aux boules avec François Guegan, Bourhis charpentier et un autre dont il ne se rappelle pas le nom. Il passa la nuit avec sa femme et ses enfants, n'étant sorti qu'un quart d'heure après souper pour aller boire une chopine de cidre chez Guilloteau. Ce n'est que le lendemain en allant à son travail au Kernével qu'il apprit le vol commis chez Marc Rustuel.

Ils sont écroués le jour même dans la prison de la seigneurie. Geoliers des prisons, vous avez pour recommandation à la police les nommés Guegan et Quistebert desquels vous ferez bonne et sure garde jusqu'à nouvel ordre.

 

Yvonne Evanno, femme de Vincent Corlay
Le 4 juillet, le sergent Tircot et Claude Serpeuil, cavalier de la brigade de maréchaussée de Lorient, se rendent chez Marc Rustuel. Ils demandent à sa femme, Perrine Le Bail, de les accompagner au cabaret situé sur la route de Port-Louis à Landévant que l'on soupçonne d'être la retraite des malfaiteurs qui ont commis le vol, afin d'être présente à la perquisition qu'ils ont ordre de faire et de voir en cas de découverte si elle reconnaitrait ses effets.
Ils arrivent à une petite maison couverte en paille servant de cabaret, sur la gauche au bord du grand chemin de Port-Louis à Landévant, à environ une lieue de Port-Louis. La femme présente dans l'auberge déclare être la maitresse du logis, qu'elle vend du cidre, qu'elle s'appelle Yvonne Evanno et son mari Vincent Corlay. Son mari, tailleur d'habit, est absent depuis quelques jours, en train de travailler dans divers villages.
Puis ils se font ouvrir les meubles et vider leur contenu. La femme Rustuel déclare reconnaitre pour appartenir à son mari et faire partie des effets volés une culotte de drap de laine brune doublée de toile, garnie de boutons rougeâtres et de jarretière de padou de soie barrée de jaune et de bleu et à la ceinture de deux boutons d'étain empreints du numéro seize ; de plus cinq morceaux de même étoffe faisant partie soit d'une jupe, soit d'un manteau qu'on avait déjà dépiécés ; de même plusieurs morceaux de toile faisant aussi partie des chemises qu'on lui avait volées
La femme Corlay déclare avoir acheté ces effets à un particulier inconnu qui s'était arrêté chez elle pour y boire une chopine, il y a un mois pour trois livres.

En vertu d'un ordre dont ils sont porteurs, la maréchaussée constitue prisonnière la femme Corlay. Elle est conduite à la prison de Lorient et les effets saisis chez elle sont remis au geôlier comme pièces à conviction, pour être représentés à la justice.

Le lendemain, 5 juillet, le Sénéchal procède à l'interrogatoire d'Yvonne Evanno femme de Vincent Corlay : environ quatre pieds, cheveux châtains et gris, sourcils blonds, yeux bleus, vêtue d'une camisole brune, jupe de flanelle rayée blanc et vert, tablier de coton à barres bleues et blanches, ayant une coiffe de toile sur la tête et des souliers aux pieds. Elle a environ cinquante ans, est native de Languidic et demeure à Kerouarin en Riantec.
Elle affirme que son mari n'est pas rentré chez elle depuis le jour du vol, qu'il n'a pas défait les hardes en question qu'elle a achetées dans cet état, qu'elle ne connait pas François Guegan ni Renaud Quistebert, et qu'elle n'a jamais entendu parler du vol de Keramzec.

 

 

Publication de monitoires

Le 20 juillet, le sénéchal autorise le procureur fiscal à faire publier des monitoires partout où il sera besoin pour obliger tous ceux et celles qui ont connaissance des auteurs du vol commis dans la nuit du 16 au 17 juin dernier chez Marc Rustuel d'en faire la révélation.

Le lendemain, 21 juillet, Alphonse Pierre Blanchet de la Sablière, vicaire général de monseigneur l'évêque de Vannes, demande aux recteurs, vicaires et curés du diocèse de bien et fidèlement admonester par trois dimanches consécutifs aux prônes des grand-messes, tous ceux et celles qui savent et ont connaissance des faits (relatés en détail) et généralement ceux qui ont vu, su, entendu ou aperçu quelque chose, soit pour y avoir été présent, donné aide ou conseil ou autrement. Ils doivent déposer dans les six jours après la troisième publication.
Autrement nous procéderons contre eux par censure ecclésiastique et nous nous servirons de la peine d'excommunication.

A Plœmeur et à Riantec, la publication de cette lettre monitoriale est faite les dimanches 31 juillet, 7 et 14 août.
Guillouzic, curé de Riantec informe le sénéchal que plusieurs personnes se sont présentées pour déposer :
                Jeanne Le Tesson, veuve d'Yves Leissen du village du Distrot ;
                Pierre Le Fur du Distot, gendre de la dite veuve Leissen ;
                Jean-Pierre Le Frapper de Kergouarin ;
                Joachim Daniel, boucher à Port-Louis.

 

 

Nouvelles auditions

Au cours du 2e semestre 1785 les auditions de témoins se succèdent au gré des révélations.
Ø Le 12 juillet
- Henry Le Mentec, forgeron, âgé d'environ cinquante-huit ans, demeurant à Kervennic paroisse de Riantec dépose qu'il y a environ quinze jours, étant allé au Kernével chercher du fer dans le magasin du sieur Henry, on lui raconta qu'un vol considérable avait eu lieu à Keramzec. Les forgerons lui demandèrent s'il ne hantait pas des vagabonds dans les auberges sur le chemin du Port-Louis à Landévant. Il leur répondit que trois jours auparavant, s'en retournant de Landévant et passant devant un bouchon habité par Vincent Corlay, tailleur, où il était entré un instant pour boire une chopine de cidre, il en aperçut quatre avec deux femmes inconnus de lui.

- Jacques Bouvier, employé des fermes du roi (douanier), quarante-quatre ans demeurant à Larmor dépose que le 16 juin vers dix heures et demie le soir, étant à veiller avec le sieur Mahé son confrère, sur la falaise à Toulhars entre le Kernével et Larmor, en face de la citadelle de Port-Louis, ils virent passer près d'eux un homme et une femme inconnus allant vivement du côté du Kernével.

- Pierre Mahé, sous-brigadier des fermes du roi, cinquante ans demeurant à Larmor fait la même déclaration.

 

Ø Le 29 juillet
- Guillaume Michel, négociant âgé de quarante-huit ans, demeurant au Kernével déclare que la femme de Marc Rustuel lui a dit qu'elle croit que François Guegan est le principal auteur du vol. De son côté, il a remarqué que le lendemain du vol, Guegan n'a pas travaillé, paraissant inquiet. Il y a onze mois, passant à Auray, on lui a dit que Guegan avait quitté le pays avec une mauvaise réputation.

- Léandre Bouduelle, perruquier, âgé de cinquante ans demeurant au bourg de Plœmeur dépose que cinq à six jours après le vol il a entendu en parler des clients inconnus venus se faire raser chez lui. L'un d'eux qui parlait français lui a dit qu'il connaissait un jeune homme qui ne faisait que pleurer depuis le vol, le premier dans lequel il avait été entrainé, étant ivre et n'osant pas toucher à l'argent qu'il en avait retiré.

- Guillaume Bourhis, charpentier, âgé de soixante ans, demeurant au Kernével déclare se rappeler qu'un des logeurs de Guegan avait dit que la nuit du vol, Guegan, qui couchait dans la même chambre que lui, vint voir s'il dormait. Le croyant endormi, Guegan descendit par la fenêtre entre dix et onze heures du soir.

- Louis Le Quellec, forgeron âgé de vingt-sept ans demeurant au Kernével déclare que le jour du vol, François Guegan, avec qui il logeait alors, se mit au lit sur les neuf heures du soir. Le lendemain il le vit se lever à cinq heures et ils allèrent travailler ensemble à la forge du sieur Henry jusqu'à huit heures. Guegan s'en alla boire avec Jean Joseph Le Montagner au Kernével jusqu'à midi. Après il partit pour Lorient d'où il ne revint que le samedi, ayant dit qu'il avait couché chez Le Montagner.
Il raconte également que Le Mentec, forgeron de Riantec, étant venu à la forge pour acheter du fer dit qu'il avait vu il y a deux ou trois jours, dans une auberge sur le chemin de Port-Louis à Landévant occupée par un tailleur, cinq ou huit particuliers faire rouler sur une table des écus de six livres et le maitre de la maison leur accommoder des hardes.

 

Ø Le 1er août
- Pierre Plunian, journalier âgé de quarante ans, demeurant au village de Lesteno, paroisse de Merlevenez dépose qu'il y a environ trois semaines, allant travailler avec sept autres ouvriers, il trouva dans un champ de seigle un manteau de drap de Vire brun qu'une paysanne de Keramzec réclama huit jours après pour lui avoir été volé avec d'autres effets. Il lui remit le manteau en présence de témoins.

- Jacquette Orvoen, femme de Guillaume Guillou, marin, âgée de quarante-neuf ans demeurant au Ménez déclare que le dimanche après le vol, Marie Le Bail lui dit qu'elle tenait de la femme de Renaud Quistebert que son mari avait aidé Guegan à transporter les effets volés.

- Marie Le Bail, femme de René Charles, journalier, âgée de trente-six ans, demeurant au Ménez confirme ces dires tout en précisant que la femme ne lui en avait jamais parlé !

 

Ø Le 21 octobre
- Joachim Daniel, boucher âgé de quarante ans, demeurant à Port-Louis déclare que le jour de la saint Pierre il vit au Port-Louis François Guegan qui portait sous le bras une culotte noire. Il s'en retourna au Kernével à sept heures du soir, remportant la même culotte.

- Jean Pierre Le Frapper, laboureur âgé de quarante ans, demeurant au village de Kerouarin en Riantec, dépose que, quelque temps après le vol, Vincent Corlay, cabaretier sur le chemin du Port-Louis à Landévant lui dit que s'il était pris, il découvrirait ceux qui avaient fait le vol.

- Jeanne Tesson, veuve d'Yves Lessein laboureur, âgée de cinquante et un ans demeurant au village de Lestron en Riantec, déclare qu'elle a vu trois à quatre particuliers et quatre femmes inconnus d'elle, si ce n'est qu'on nommait deux de ces particuliers qui n'avaient point de demeure fixe, l'un Louis Kerner et l'autre François Iziquel, et deux des dites femmes, l'une Marie Le Dain et l'autre Marie Kerner, hanter dans la paroisse de Riantec avant le vol fait à Keramzec. Elle a remarqué que ces particuliers étaient mal vêtus et que depuis le vol, elle les a encore vus roder dans les mêmes endroits, mais que l'un deux était alors vêtu d'un paletot bleu, Iziquel étant aussi vêtu d'un habit jaunâtre et qu'un autre qu'elle croit se nommer Henry portait une culotte de drap noire. Elle ajoute que le nommé Mathurin, natif de Plœmeur qui hantait ces inconnus lui a dit qu'il avait vendu à Vincent Corlay, cabaretier sur le chemin de Port-Louis à Landévant, le manteau de drap brun à collet de laine bleue, trouvé quelque temps après le vol dans un champ près du village du Distrot douze ou quinze livres. Elle a entendu dire que les dits Henry, Iziquel, Kerner, et Marie Kerner étaient actuellement dans les prisons d'Hennebont.

- Marie Le Troidec, veuve d'Yves Jego marin, âgée de quarante ans, demeurant au Petit Distrot en Riantec confirme ces propos.

- Pierre Le Fur, laboureur âgé de vingt-deux ans, demeurant au Distrot dépose avoir remarqué plusieurs hommes et femmes inconnus à roder dans la paroisse avant et après le vol fait à Keramzec. L'un de la paroisse de Plœmeur se nommait Mathurin et les autres se faisaient appeler Pierre Le Mitage, Jean Le Gal, Louis Pierquen, François Iziquel dit Toulmelin et Louis Kerner. Mathurin lui dit un mois après le vol qu'avec six autres camarades il avait fait un bon coup dans la paroisse de Plœmeur. Peu de jours après, il lui dit encore qu'il voulait ruiner les paroissiens de Plœmeur.
Il observe aussi qu'avant le vol de Keramzec, il avait vu ces vagabonds assez mal vêtus mais que depuis ils étaient mieux habillés, ayant un paletot bleu et un habit jaunâtre dont ils se revêtaient alternativement. Mathurin lui a dit avoir vendu un manteau à Vincent Corlay, aubergiste.

 

Ø Le 28 octobre
- Louis Le Floch, charpentier âgé de cinquante-six ans demeurant à Keramzec déclare que Guegan lui a dit que les voleurs étaient connus et que Le Mentec les avait vus dans une auberge tenue par un tailleur et qu'il avait vu celui-ci défaire des hardes d'hommes et de femmes, et plusieurs hommes et femmes qui étaient à boire ensemble et qui disaient "buvons, mangeons et quand cela sera fini, nous ferons encore un autre bon coup", ayant remarqué parmi eux une femme borgne habillée à la mode de Plœmeur et piquée de petite vérole.

 

Ø Le 14 novembre
- Marie Le Bruchec, servante domestique chez Vincent Le Bozec laboureur à Kervern en Riantec dépose que le fils du cabaretier qui demeure sur le chemin de Port-Louis à Landévant, dont la femme est en nos prisons, lui a dit que son père avait acheté à des vagabonds qui rodaient dans la paroisse un manteau de drap brun. Il fut réclamé peu de jours après par une femme de Plœmeur à qui on l'avait volé, puis on l'avait trouvé caché dans un champ de blé.

 

En tout, quarante et un témoins auront ainsi été entendus par le sénéchal de la juridiction de Lorient.

 

 

Prises de corps

Le 8 janvier 1786, le sénéchal ordonne l'arrestation de Vincent Corlay, d'Yvonne Evanno sa femme qui avait été libérée et d'un dénommé Mathurin, natif de Plœmeur, pour être interrogés. Ils seront constitués prisonniers aux prisons de la juridiction.

Yvonne Evanno
Le 12 janvier, il est procédé à la prise de corps d'Yvonne Evanno. Ecrouée à la prison de Lorient, elle sera nourrie au pain du roi.
Interrogée une seconde fois, Yvonne Evanno reconnait que dans le courant de l'été elle a vu plusieurs inconnus roder dans le village avec deux filles, qui sont entrés quelques fois boire chez elle mais qu'elle ne leur a vu aucun argent ni effet. Parmi eux, elle ne se rappelle que du nom de Mathurin à qui elle a acheté les vêtements trouvés chez elle. Pour ce qui est du manteau, son mari ayant désapprouvé qu'elle l'ait acheté, il s'en empara pour s'en débarrasser dans un champ.
Enfin, elle ignore ce qu'est devenu son mari depuis qu'elle a été arrêtée.

Mathurin Auffret
Le 13 janvier, le dénommé Mathurin, en fait Mathurin Auffret, prisonnier, est interrogé. Il dit avoir environ seize ans, être marin et habiter chez Masson, charretier à Lorient. Il confirme s'être souvent rendu au cabaret à Riantec, mais pas chez Corlay et ne pas connaitre les suspects qui le fréquentaient.
Il nie avoir eu connaissance du vol de Keramzec et avoir vendu un manteau à la tenante d'une auberge.

François Guegan
François Guegan, trente-trois ans, forgeron chez Henry de la Blanchetais au Kernével, affirme n'avoir eu connaissance du vol que le lendemain et ne pas connaître les malfaiteurs. Mais à Port-Louis chez la femme du grand Gillet, canotier de la ferme du roi, il a entendu Mathurin Auffret dire qu'il avait des vêtements et de l'argent. Il dit avoir passé la nuit du 16 au 17 juin chez lui.

Quistebert est également interrogé une deuxième fois.

Vincent Corlay
Le 20 janvier, Vincent Corlay, tailleur d'habits, est interpellé au village de Saint-Diel où il s'est retiré depuis l'arrestation de sa femme. Il est aussitôt écroué à Lorient et interrogé le lendemain.
Grand d'environ cinq pieds deux pouces, cheveux sourcils et barbe châtains, yeux bleus, vêtu d'une mauvaise veste brune, gilet de laine blanche, culotte de drap bleu, bas de laine, ayant des sabots aux pieds et tenant un chapeau noir à la main.

Après avoir entendu les monitoires au sujet du vol à la grand-messe à Riantec, il se rappelle que vers la mi-juin six particuliers qui rodaient depuis quelques jours sont entrés dans son cabaret les uns après les autres.
Le premier qui se nommait Louis, âgé d'environ seize à dix-sept ans était vêtu en toile. Un autre qui se faisait appeler Henry, vêtu surtout de bergopzoom bleu doublé de blanc et paraissant âgé de quarante ans lui demande une pinte de cidre. Ensuite survint le nommé Mathurin vêtu d'une veste de toile, qu'il connait depuis une quinzaine de jours pour l'avoir rencontré dans divers cabarets. Puis vinrent Jean, environ vingt-cinq ans, vêtu d'une culotte de drap brun et d'un gilet croisé de toile doublé d'étoffe, un autre qu'on appelle François vêtu d'une veste de toile et d'une mauvaise culotte de drap noir, paraissant âgé de quarante ans, puis Pierre environ vingt-six ans, vêtu d'une veste blanche doublée d'une serge verte et d'une culotte de toile courte.
Un peu après le soleil couché, trois femmes de la même société survinrent aussi. L'une s'appelant Marie, paraissant âgée d'environ quarante ans, ayant la figure brune et vêtue d'un mauvais cotillon de drap bleu et d'un mauvais corset, l'autre se nommant Catherine âgée d'environ vingt-cinq ans vêtue d'un cotillon à barres blanches et bleues, d'une étoffe appelée en breton brich et en français flanelle, et d'un corset noir, coiffée à la mode des paysannes de Plœmeur, la troisième s'appelait aussi Marie âgée d'environ trente ans, vêtue d'un cotillon semblable à celui de la précédente et d'un corset bleu ou noir. Peu de temps après l'entrée de Pierre survint également une autre femme appelée Jeanne, borgne et piquée de petite vérole, paraissant âgée de vingt-trois à vingt-quatre ans, vêtue d'une jupe de ratine brune, d'un corset de drap brun, d'une moyenne taille et coiffée comme les autres.

Le lundi suivant, Henry revint et lui demanda de mettre une doublure au surtout de bergopzoom dont il était vêtu et de le reformer pour sa taille. Il refusa. Deux jours après, François lui porta trois morceaux de drap qui paraissaient avoir déjà été défaits d'une veste déjà usée et le pria de lui en faire une veste à sa taille ce qu'il fit.

Pourquoi recevait-il ces malfaiteurs chez lui et leur achetait-il des effets ? Il répond que si ces personnes passaient dans le pays pour être sans aveux, il ne pouvait se dispenser de les recevoir dans la crainte d'être incendié ou maltraité.
Pourquoi connaissant ces personnes pour être malfaisantes il n'en avertissait pas la justice pour les faire arrêter ? Il répond que les vagabonds ne pouvant être tous pris à la fois, il y avait à craindre tout de ceux qui n'auraient pas été pris.
Pourquoi, ayant eu connaissance des monitoires publiés dans la paroisse de Riantec, n'a-t-il pas donné son nom au recteur ? Il répond qu'il n'a pas osé par crainte d'être arrêté comme sa femme.

 

 

L'enquête avance

Le 17 mars 1786, un décret est pris pour que toutes les personnes citées par Vincent Corlay soient prises et appréhendées au corps et constituées prisonnières.
Mais n'ayant pas de domicile connu, elles demeurent introuvables, aussi le 12 avril, sur les places Dauphine, Saint-Louis et Royale, Claude Bonhomme, tambour ordinaire de la ville ayant battu la caisse, nous avons par cri public et à haute et intelligible voix assigné les dits Louis, Henry, Jean, François, Pierre, Marie, Catherine, autre Marie et Jeanne à comparaitre sous huitaine par devant monsieur le sénéchal.

Le 10 juillet 1786, à la demande du procureur du roi, les deux plaintes relatives aux vols commis au Grand Hanvot et à Keramzec sont jointes et il est décidé de procéder à un nouvel interrogatoire de Vincent Corlay et de sa femme ainsi que de Mathurin Auffret.

Evasions de prison
Mathurin Auffret et Henry Mascado parviennent à s'évader à trois reprises.
Guillaume Le Bihan dit Mitage ou Miton et Louis Le Nahennec s'évadent deux fois.
Vincent Corlay s'évade de sa prison d'Hennebont dans la nuit du 15 au 16 mars 1787.

Confrontations
Le 19 mai 1789, il est procédé à l'audition de Vincent Corlay, Yvonne (ou Anne) Evanno sa femme, Mathurin Auffret, Jean Le Bihan ou Guillaume dit Mitage, accusés des vols de Kermazec et du Grand Hanvot.

Les noms des individus entrés dans le cabaret de Vincent Corlay à la mi-juin 1785 et dont il a donné une description en janvier 1786 sont maintenant connus. Il s'agit de Louis Guillemot, Jean Kerner, Mathurin Auffret, François Gicquel, Louis Nahennec, Catherine Le Bescond, Marie Le Dain, Marie Kerner, Jeanne Marquet.

A partir du 18 juillet 1789, les principaux témoins ayant fait des dépositions en 1785 ainsi que François Guegan originairement accusé et actuellement sous décret d'ajournement personnel, sont confrontés à Mathurin Auffret.
Le même jour, Vincent Corlay est confronté au témoin Jean Pierre Le Frapper.

Le 14 août a lieu la confrontation de Vincent Corlay à Mathurin Auffret, Mascado et Nahennec. 

Prises de corps
Le 27 juin 1789 un décret de prise de corps est pris à l'encontre de Henry Marie Mascado et de Louis Nahennec. Ils sont interrogés en la chambre de la geôle des prisons royales d'Hennebont le 3 juillet.
Henry Marie Mascado, âgé d'environ trente ans, originaire de Quimperlé, sorti des galères par congé de grâce le 1er mars 1785, sans domicile fixe depuis quelques mois.
Environ cinq pieds un pouce, ayant cheveux, barbe et sourcils noirs, les yeux gris, le nez pointu, vêtu d'une veste brune avec des boutons noirs, d'un gilet croisé de mignonette grise couvert de fil ou coton, grande culotte de toile, bas de laine, souliers aux pieds, tenant un chapeau noir à la main.

Louis Nahennec, âgé d'environ trente-quatre ans, originaire de Lanvénégen, sans état, travaillant à la campagne comme journalier, vendant du tabac en fraude et mendiant son pain, sans domicile fixe depuis plusieurs années.
Environ cinq pieds, cheveux et sourcils châtains, la barbe un peu rousse, les yeux bleus, le nez long, couvert d'une veste de toile, un gilet garni de boutons d'os, de grande culotte de toile, de sabots aux pieds et un mauvais chapeau noir à la main.

Disparition des pièces à conviction
Le 6 octobre 1790, on s'aperçoit que les pièces à conviction ont disparu de la chambre du conseil. Annette Guilloux femme de Joseph Gaudin, concierge des lieux, ayant récemment perdu sa place est rapidement soupçonnée. Interrogée, elle finit par reconnaître avoir pris et vendu un manteau, une culotte, des morceaux de drap et de chemise. Elle justifie son geste par le fait que manquant de moyen pour sustenter une famille nombreuse, elle avait pris le fâcheux parti dont aujourd'hui elle rougit et s'accuse coupable.
Elle est aussitôt conduite en prison et écrouée.

Nouvelles confrontations
Le 25 février et le 2 mars 1791 Guillaume Le Bihan dit Miton, Mouton ou Mitage est confronté à sept témoins au sujet du vol commis au Grand Hanvot. Il révèle que son vrai nom est Pierre Le Puillan, d'Arzano, les autres n'étant que des sobriquets.

Jean Le Chaton, Vincent Le Hellec, Albin Le Chaton, Marie Le Hunsec femme de Louis Bienvenu, Joseph Rouard, Marc Tanguy, Marguerite Plunière veuve de René Le Marec, confirment leurs dépositions que Miton affirme être toutes fausses. Il se dit également incapable de commettre un vol.

Libération de Corlay
Le 1er octobre 1791, Vincent Corlay fait une requête demandant sa libération. Depuis près de six ans il est retenu et promené dans les prisons de l'état pour avoir acheté de Mathurin Auffret un manteau de femme qui par le plus grand des malheurs, s'est trouvé avoir été volé à Keramzec par Henri Mascado, Mathurin Auffret, et Louis Le Nahennec, coaccusés et détenus avec lui.
En fait, Vincent Corlay, créancier de Maturin Auffret de la somme de trente-cinq sous, accepta de lui acheter un manteau de femme en guise de paiement.
Yvonne Evanno (parfois prénommée Anne ou Jeanne) son épouse, également compromise dans ce vol, arrêtée avec lui, périt de chagrin de se voir accusée d'un vol auquel son époux et elle n'eurent jamais aucune part. Elle est en effet décédée le 22 juillet 1789 en prison à Hennebont. Son fils Jacques Corlay a assisté à son inhumation par permission des juges en la paroisse Notre-Dame du Paradis.
Le tribunal ayant égard à cette requête ordonne que Vincent Corlay sera provisoirement élargi des prisons sous sa caution juratoire.
Il jure, promet et s'oblige par serment de se représenter et de se réintégrer aux prisons de cette ville toutes les fois et quand il en sera requis et est aussitôt remis en liberté.

Arrestation de Mitache
Le 11 décembre 1791, le brigadier et des cavaliers de la gendarmerie nationale en résidence à Hennebont se rendent à Inzinzac, Lanvaudan, Inguiniel et Plouay à la poursuite des évadés des prisons de Lorient et notamment les auteurs d'un vol commis dans la matinée au moulin du Connant en Inzinzac. Ils trouvent enfin le nommé Mitache, évadé dans la nuit du 18 au 19 novembre. Ils arrêtent également Charles Fréval qui s'enfuyait devant eux. Ils l'attachent à Mitache et arrivent à la prison à huit heures le lendemain matin.

Dernières confrontations
Le 8 mars 1792 Mathurin Auffret est confronté à sept témoins Pierre Le Pape, Marc Rustuel, Marie Magado, Anne Kerihuel, Marie Le Deletter, Marie Le Bruchec, Pierre Pluniau, au sujet des vols du Grand Hanvot et de Keramzec.
Il conteste toutes leurs dépositions, affirmant ne pas faire partie des malfaiteurs.

Le même jour, Louis Nahennec et Pierre Puillan autrement dit Guillaume Le Bihan, Mitage, Miton ou Mouton, sont confrontés à neuf témoins. Ils nient toutes les accusations portées contre eux.

Jonction de plusieurs affaires
Le 18 juillet 1792, Charles François Lozach, accusateur public près le tribunal du district d'Hennebont siégeant à Lorient demande à joindre plusieurs affaires estimant que les accusés sont en général complices de tous les délits.
Il s'agit des vols de Keramzec et du Grand Hanvot en Plœmeur, de la Villeneuve en Arzano chez Jean Le Brisoual dans la nuit du 5 au 6 avril 1787, du moulin du Cabrec en Inguiniel chez Jeanne Juguet veuve de Mathurin Poirier dans la nuit du 6 au 7 décembre 1787, de celui de Stang er Gonan en Bubry chez Jean Le Tavasec le 8 septembre 1791, du vol et assassinat commis sur le grand chemin de Lorient à Quimperlé envers les sieurs Esnoult et Aché le 16 septembre 1787, et des divers bris de prison.

 

 

Conclusions définitives

Le 23 août 1792, soit 7 ans après les faits, l'accusateur public présente ses conclusions définitives.
Vous avez à statuer sur différents vols faits à diverses époques et un assassinat sur grande route commis par une société de malfaiteurs qui se sont réunis pour commettre tous ces crimes. Vous avez à juger quatorze accusés.
Tous les faits laissent entrevoir que presque tous les accusés ont eu une part plus ou moins directe à chacun des délits. De là est résulté la nécessité de joindre toutes les informations et les procédures faites sur chacun de ces délits pour être statué sur le tout par un seul et même jugement.
Ma tâche est donc aujourd'hui, messieurs, d'approfondir la part que chacun des accusés a prise à chacun de ces délits et de porter en définitive un jugement sur l'ensemble de tous ces crimes et sur tous leurs auteurs.
Je vais donc prendre chaque délit suivant les époques et les suivre dans tous les détails que présentent les instructions.

Vol de Keramzec en Plœmeur chez Marc Rustuel
L'accusateur public expose dans le détail toute la procédure et conclut par : jusqu'ici, messieurs, vous n'avez pas acquis de preuves suffisantes contre les accusés qui viennent de vous être indiqués. Mais en même temps qu'on instruisait contre eux pour le vol commis à Keramzec, une pareille instruction se faisait en la même juridiction de Lorient pour le vol fait au Grand Hanvot chez le nommé Le Chatton.

Vol du Grand Hanvot en Plœmeur chez le nommé Chatton

Bris de prison et évasions
- Dans la nuit du 1er au 2 février 1786 Henry Mascado, Louis Le Nahennec, François Iziquel et cinq autres détenus s'évadent de la prison d'Hennebont. Mascado est repris le 1er mars et Le Nahennec le 1er juillet.

- Dans la nuit du 15 au 16 janvier1787 Henry Mascado et quatre autres prisonniers se font la belle.

- Dans la nuit du 15 au 16 mars 1787 Vincent Corlay et quatre autres prisonniers.

- Dans la nuit du 7 au 8 juillet 1787 Mathurin Auffret s'évade seul de la prison d'Hennebont.

- Dans la nuit du 2 au 3 septembre 1787 huit prisonniers s'échappent.

- Dans la nuit du 19 au 20 septembre 1787 Louis Le Nahennec, Louis Bellanger, Mathieu Melin, et onze autres détenus s'évadent.

- Dans la nuit du 9 au 10 octobre 1787 Mathurin Auffret et trois autres détenus s'évadent.

- Dans la nuit du 17 au 18 novembre 1791, des prisonniers s'enfuient de la prison de Lorient. Le lendemain matin, Joseph Rio et Pierre Marie Rosé, officiers municipaux se rendent à la prison pour enquêter. Jacques Matard, le concierge, leur explique que vers cinq heures du matin, alors que le temps était très mauvais, sa femme aurait entendu dans le cachot au-dessus de leur appartement des coups sourds et redoublés. Lui était au corps de garde depuis plus d'une heure, sa femme a crié pour l'avertir. Il ouvre alors les cachots. Celui à droite est complet et tranquille. Mais dans celui de gauche, des prisonniers se sont sauvés.
Il remarque que la fenêtre au nord était creusée dans le mur, que ce trou donnait dans une loge à chiens d'où ils ont percé le mur mitoyen de la cour du palais de justice et après s'être déferrés, les prisonniers ont pu s'évader. Ils étaient six dont : Mascado, Mitage, Auffret et Pied de Poule.
Leurs fers ont été coupés et sciés avec une lime ou scie très fine.
Les pierres avaient été enlevées avec tant d'adresse et replacées avec tant de soin qu'il était impossible de remarquer l'endroit où les prisonniers avaient travaillé.
La pluie et le vent étaient si forts que les hommes de garde n'ont rien entendu. A l'approche des cachots, les sentinelles trouvaient les prisonniers tranquilles et les croyaient endormis. 

Vol à la Villeneuve en Arzano chez Jean Brisoual
Dans la nuit du 6 au 7 avril 1787, vers une heure du matin, une troupe de malfaiteurs armés entre par violence chez Jean Brisoual. Ils le tiennent en joue ainsi que sa famille et menacent de les tuer au moindre mouvement de résistance.

Jean Brisoual et ses domestiques, racontent ainsi les faits.
Ils sont réveillés au bruit de la porte de la maison qu'on vient d'ouvrir en déplaçant la barre de bois qui la tenait. Des individus entrent dont certains tiennent des chandelles allumées. Un des malfaiteurs se saisit du déshabillé de Jean Brisoual qui était sur le banc coffre près de son lit, en fouille toutes les poches et retire de celle de son gilet trois écus de six livres, un ou deux de trois livres avec quelques liards ainsi qu'une petite clef, celle du petit tiroir de son buffet où est tout son argent. Pendant ce temps, les autres qui sont sept ou huit, armés de pistolets et de bâtons, et l'un du fusil de Brisoual, font la fouille dans toutes les armoires, bancs-coffres et tables à coffre.
D'autres sont entrés dans la cuisine, dans les chambres des domestiques et retirent des bancs-coffres et armoires tous les effets qu'ils décident de prendre.
Celui qui a fouillé le gilet de Jean Brisoual s'approche de lui et lui dit qu'il allait lui couper le col s'il ne confesse pas sur le champ où est son argent. Du tiroir où est l'argent ils enlèvent trois sacs : l'un de cuir contenant neuf cents livres en écus de six livres, un de toile renfermant quatre-vingt écus ou plus en écus de six livres et quelques écus de trois livres, et le troisième qui est en vessie de cochon séchée où il y a cinq louis d'or neufs de quarante-huit livres chaque, plus soixante livres en écus de six livres. Ils prennent aussi dans un banc-coffre vingt-quatre écus à Pierre Le Brisoual, fils, une culotte de toile au gendre de Jean Le Brisoual, deux tabliers, un chapeau, une ceinture de cuir de bœuf, une paire de souliers, cinq paires de bas de laine, un gilet de bure tout neuf, trois pièces de toile, deux chemises, un fusil, le lard du charnier.
Louis Le Nahennec, Louis Bellanger et Mathieu Melin sont inculpés pour ces vols.

Vol du moulin du Cabrec en Inguiniel chez Jeanne Juguet
Dans la nuit du 6 au 7 décembre 1787, des malfaiteurs poussent avec violence la porte du moulin du Cabrec dont est locataire Jeanne Juguet, veuve de Mathurin Poirier. Quatre cinq d'entre eux parviennent dans la chambre à feu où sont couchés la meunière, Marguerite Callac sa servante et Joseph Therien son valet. L'un d'eux tire de ses poches deux pistolets, en met un sur la table et avec l'autre tue le chien qui était couché sous la table. Un autre s'empare d'un fusil chargé qui était suspendu contre une poutre et dit qu'il s'en servirait contre quiconque bougerait. Il enlève un berceau qui est sur le banc, dans lequel est couché l'enfant de la meunière et le met par terre. Deux autres dont l'un nommé Pierre Le Lard gardent le valet dans son lit, lui tenant un gros bâton levé sur la tête et menaçant de le tuer s'il bouge. Le nommé Henry qui a tué le chien vient à lui avec le second pistolet menaçant de le traiter comme le chien s'il faisait le moindre mouvement pour se lever.

La meunière qui était levée avec une simple camisole s'adresse à Henry lui demandant pour l'amour de dieu de ne pas lui faire de dommage. Il lui donne deux soufflets qui la font tomber. N'ayant pas réussi à forcer le banc, il demande à la meunière où est la clef. Elle était assise sur le foyer et se lève pour la lui donner, mais Henry la repousse avec violence et la jette par terre. Craignant de plus fâcheux traitements, elle leur indique que la clef est dans le petit tiroir de son buffet. Dans le coffre il trouve sept à huit cents écus de six livres en deux sacs de fil de toile et une bourse de fil brochée. Il renverse les deux sacs sur la table et compte les écus un à un, les jetant à mesure dans un grand sac tenu par un de ses camarades.

La meunière supplie qu'on lui laisse au moins quelque chose pour payer son seigneur, énervant le dit Henry qui la gifle de nouveau. L'un des malfaiteurs expose à Henry qu'il a conscience de ruiner complètement cette pauvre femme et qu'il faut lui laisser de quoi payer sa ferme. Henry arrache avec humeur des mains de son camarade le sac et met six à sept écus sur la table. Puis ils partent emportant avec eux l'argent et le fusil.

Mathieu Melin, Joseph Le Cam et Louis Bellanger, Henry Mascado, Mathurin Auffret sont accusés de ce vol.

L'accusateur publique fait ce constat : depuis longtemps les campagnes sont désolées par des affaires de mendiants et de vagabonds qui à main armée prennent et se font donner. De toutes parts, on n'entend parler que de vols et d'attaques sur les chemins.

Vol et assassinat envers les sieurs Esnoult frères et Aché
Le 16 septembre 1787 sur le grand chemin de Lorient à Quimperlé, les sieurs Esnoult Deschatelet frères sont attaqués dans leur voiture attelée de deux chevaux ainsi que le sieur Aché, leur cousin. Une troupe de coquins les assaillit, les maltraita et les vola.

Les frères Esnoult Deschatelet, après avoir dîné dans la maison de campagne de leur mère, se rendent à pied avec le sieur Aché, leur cousin, jusqu'au village de la Trinité où ils ont donné rendez-vous à leur voiture. Ne la trouvant pas, ils pensent que c'est par une méprise du postillon qui ne peut pas être éloigné. Ils tirent en l'air quatre coups de fusil pensant qu'à ce signal il les rejoindra, et voient bientôt arriver leur voiture derrière laquelle est assis un homme. Celui-ci dit qu'étant extrêmement fatigué, c'est avec la permission du cocher qu'il s'est installé et demande à y rester jusqu'à Lorient. Puis ils reprennent leur route.

Soudain, près du pont du Run, ils voient face à eux des hommes qui marchent en file sur le bord du chemin. Celui qui est en tête se détache et vient vers le postillon lui disant : où vas-tu B….?, arrête ou je te tue. Ne se doutant pas que c'est une attaque sérieuse, Jean Marie Deschatelet prend son fusil pour intimider l'agresseur, le mettant en joue et menaçant de le tuer s'il ne lâche pas la bride du cheval. Au même moment les autres voleurs cherchent à coups de pierres et de masses à enfoncer la voiture. L'un d'eux crie d'un ton menaçant le premier B….. : qui sort de la voiture est mort. Jean-Marie Deschatelet s'élance hors de la voiture disant : eh bien, c'est moi ! Il lui met le bout de son fusil sur la poitrine, ce qui le fait reculer de plusieurs pas. Enhardi par ce succès, il se tourne vers celui qui tient la bride du cheval et lui met aussi le bout du fusil sur la poitrine, lui disant : si tu ne quittes pas la bride, je te fous trois balles dans le corps. A cet instant, il est manqué à trois reprises par un pistolet qui ne part pas et reçoit par derrière quelques coups d'une arme tranchante. Il lui semble que trois des voleurs s'occupent particulièrement de lui et que les autres se réservent pour son frère Laurent. En effet, dès qu'il descend de la voiture avec son fusil qui n'est pas plus chargé que les autres, il est assailli et malgré sa défense qui est vigoureuse puisqu'il terrasse un des voleurs, il lui faut succomber sous le nombre et la violence des coups qui lui sont portés. Jean-Marie Deschatelet veut alors charger son fusil pour délivrer son frère, mais n'y parvient pas.

Désespéré de voir son frère terrassé et assommé par les voleurs, il se met à crier. Aussitôt, trois ou quatre hommes de bonne volonté accourent. Les assassins après avoir délibéré s'ils achèvent son frère et inquiets du secours qu'il vient de recevoir se décident à l'abandonner et le forcent à monter dans la voiture pour qu'il ne voit pas le chemin qu'ils vont prendre.
Les assassins tentent plusieurs fois de lui éclater la cervelle avec des pistolets, mais soit que la poudre soit mouillée, ou que le pistolet soit en mauvais état, leurs tentatives restent infructueuses.
Jean-Marie Deschatelet, rassuré sur le sort de son frère s'inquiète de celui de son cousin Aché qu'il a perdu de vue dès le début de l'attaque. En fait il était parti chercher du secours.

Les objets volés à Laurent Deschatelet : une montre, une paire de boucles d'argent pour souliers, un couteau anglais à manche de corne grise, un mouchoir de toile, une paire de souliers, une poire à poudre, un sac de cuir de plombs à gibier, un canon de fusil très court d'un armurier de Paris, un écus de six livres, un autre de trois et environ trente à quarante sols de monnaie.

Le soir même, Laurent Deschatelet, négociant à Lorient, de retour chez lui fait venir Louis Cayeux et Jean-Baptiste Ferrand, chirurgiens, pour l'examiner et faire un rapport. Nous l'avons trouvé sur une chaise, couvert de sang, la tête découverte. Ils décrivent les très nombreuses plaies observées sur sa tête et son thorax, faites par des coups contondants et tranchants. Ils estiment qu'il faudra une trentaine de jours pour guérir, sauf complications.

Vol au village de Stang er Gonan en Bubry chez Jean Le Tavasec
Le 8 septembre 1791 vers minuit, Jean Le Tavasec est victime du vol de deux pièces de toiles, un fusil, et environ quatre cent soixante et quelques écus.
Isidore Tual, François Paimpont, Yvonne Le Gallo et Marie Catherine Le Corre sont accusés de ces vols.

 

Réquisitoire
Après ce très long exposé des faits, l'accusateur public résume les délits et rapproche les preuves qui doivent contribuer à faire connaitre les coupables.
En conséquence, je conclus à ce que :
- Pierre Le Puillan dit Guillaume Le Bihan, Miton ou Mitage convaincu d'être entré chez Marc Rustuel, d'avoir brisé une armoire à coup de hache de laquelle lui et ses complices volèrent six cents livres et deux cent quarante livres d'une autre, et divers autres objets, soit condamné à vingt-deux années de fers.
- Vincent Corlay convaincu d'avoir recelé une partie des effets volés soit déclaré acquitté de peine du fait de tout le temps qu'il a passé en prison, mais soit condamné à une amende de dix livres.
- Louis Le Nahennec convaincu d'être entré chez Jean Le Brisoual et d'y avoir volé avec ses complices la somme de quinze cents livres soit condamné à trente années de fers.
- Louis Bellanger et Mathieu Melin, tous deux convaincus du même crime que Louis Le Nahennec et convaincus également ainsi que Joseph Le Corre d'être entré au moulin du Cabrec où ils volèrent environ seize cents livres à Jeanne Juguet et divers autres effets soient condamnés chacun à trente années de fers.
- François Paimpont (aussi écrit Penpoul) ou Pied de Poule convaincu de s'être introduit chez Jean Le Tavasec et d'y avoir volé environ quatorze cents livres, avec Isidore Tual et d'autres complices et d'avoir commis le vol par violence, soit condamné à vingt-deux années de fers.
- Mathurin Auffret convaincu d'avoir contribué aux vols de Keramzec et à celui du moulin du Cabrec, convaincu de plus d'être un des malfaiteurs qui attaquèrent sur le grand chemin qui conduit de Lorient à Quimperlé les sieurs Deschatelet et Aché, frappère et faillirent assassiner Laurent Deschatelet et lui volèrent divers effets, soit condamné à la mort.
- Henry Marie Mascado, convaincu des vols faits chez Marc Rustuel, au moulin du Cabrec et de l'assassinat et du vol commis contre Esnoult Deschatelet et Aché soit condamné à la peine de mort.
- Isidore Tual convaincu des mêmes assassinats et vols et depuis d'avoir commis avec François Paimpont et les autres complices le vol chez Jean Le Tavasec ; Pierre Le Tutour, Pierre Quinjeux convaincus d'avoir commis avec eux les vols et assassinat soient condamnés à la peine de mort.
- Yvonne Le Gallo et Catherine Le Corre seront renvoyées devant la police correctionnelle pour y être jugées.

Pierre Le Puillan, Louis Bellanger, Louis Le Nahennec, Mathieu Melin, Joseph Le Cam et François Paimpont seront attachés à un poteau qui sera établi à cet effet sur une des places publiques de cette cité, sur un échafaud. Ils resteront exposés pendant six heures ayant au-dessus de leur tête un écriteau inscrits en gros caractères, leurs noms, professions, domiciles, la cause de leur condamnation et le jugement rendu contre eux.
Mathurin Auffret, Henry Marie Mascado, Isidore Tual, Pierre Le Tutour et Pierre Quinjeux seront conduits au lieu de leur exécution revêtus d'une chemise rouge.

 

 

Jugement

Le 5 septembre 1792, le tribunal du district d'Hennebont siégeant à Lorient rend son jugement. Pour réparation, il condamne Henry Marie Mascado, Mathurin Auffret, Pierre Le Tutour, Isidore Tual et Pierre Quinjeux à la peine de mort.
Henry Mascado, Pierre Le Tutour et Pierre Quinjeux, étant fugitifs et contumaces, un écriteau installé sur la place de la Fédération de Lorient exposera aux yeux du public pendant douze heures leurs noms et le jugement.
Il condamne Louis Bellanger, Mathieu Melin, Louis Le Nahennec, Joseph Le Cam, et le nommé Louis à vingt-quatre années de fers, François Iziquel et François Paimpont à vingt-deux années de fers. Louis Bellanger, François Iziquel, François Paimpont et Joseph Le Cam étant fugitifs la même sanction sera appliquée que pour les condamnés à mort, mais seulement pendant six heures.
Il condamne en outre tous les accusés solidairement aux dépens.
Vincent Corlay, Yvonne Le Gallo, Catherine Le Corre, Catherine Le Corre, Pierre Le Puillan, Renaud ou René Quistrebert, François Guegan, Louis ou Jean Kerner et les nommées Marie, Jeanne, Catherine et autre Marie sont renvoyées hors d'accusation. 

Le jour même, le commis-greffier se rend aux prisons pour donner lecture du jugement aux intéressés. Mathurin Auffret, Isidore Tual, Louis Le Nahennec et Mathieu Melin décident de faire appel et choisissent le tribunal de Quimperlé pour statuer.

 

 

Jugement définitif

Le 30 mai 1793, le tribunal du district de Quimperlé, saisi en appel par Mathurin Auffret, Isidore Tual, Louis Le Nahennec, Mathieu Melin et Henri Mascado, rend son jugement.
Attendu que de la réunion de toutes ces circonstances, il résulte que les dits Tual, Le Tutour, Mascado et Auffret sont les auteurs et complices des vols et attaque en question, que cette attaque accompagnée d'ailleurs de vol et attroupement à main armée a été faite à dessein de tuer et doit conséquemment être qualifiée d'assassinat.
Attendu que sur la proposition des assaillants d'achever Laurent Esnoult, tous ne furent pas de cet avis, que Mathurin Auffret l'aida à remonter dans la voiture, il s'en suit que le dit Auffret doit être présumé n'avoir pas eu le dessein de tuer.

Le tribunal dit qu'il a été mal jugé et bien appelé en ce que le dit Mathurin Auffret aurait été condamné à la peine de mort, corrigeant et reformant à cet égard, le condamne pour réparation des crimes à la peine de vingt-quatre années de fer.
Pour le surplus du jugement, il le dit bien jugé et mal appelé.

 

 

Exécution de Mascado

Le 6 novembre 1793, Jean-Marie Raoul, commissaire national près le tribunal du district d'Hennebont, accompagné de Jean-Marie Lasalle, huissier, se rend à la Place de la Fédération de Lorient vers les quatre heures de l'après-midi. Ils se retirent dans une chambre de la maison du citoyen Bousset au premier étage d'où nous avons vu arriver le dit Mascado avec cortège ordinaire. Lequel a subi son jugement par l'exécuteur des jugements criminels en présence d'une multitude innombrable.

 


Dernières volontés de Pierre Le Tutour

Le 28 mars 1794, Pierre Le Tutour, condamné à mort par le tribunal de Quimperlé, étant sur le point de subir son jugement, demande à faire une révélation. Il déclare que Françoise Jégoux avec laquelle il vivait et qu'il se proposait d'épouser est enceinte de lui. Il demande qu'on lui remette son portefeuille contenant cinq assignats de dix livres et quelques cartes, saisi par le juge de Paix de Languidic lors de son arrestation, afin de soulager cette femme dans sa misère. Il désire également qu'on lui donne, si c'est possible, les vêtements dont il est couvert.
Il est exécuté aussitôt après sur la place de la Montagne (actuelle place Alsace-Lorraine) à Lorient.