Scène de pêche en 1893
Une fois rendu sur le lieu de pêche, le bateau enserre ses voiles, couche ses mâts et arme ses avirons en nageant debout au vent.
Le filet, vaste rectangle qui a en moyenne 30 brasses de long sur 6 de large ou de haut, est amarré à l'arrière par l'une de ses extrémités. Il se tend alors verticalement dans l'eau, formant une barrière à peu près invisible tellement le fil des mailles est ténu.
Le plus grand silence règne à bord. On n'entend que les commandements brefs du patron, debout à l'arrière et faisant face au filet. A ses pieds est un baquet contenant un mélange de sable fin et de rogue qu'il lance par poignées sur l'eau, avec un grand geste de bénédiction.
Quelques sardines arrivent, attirées par l'appât. Leur nombre s'accroit de plus en plus : c'est comme un bloc d'argent se ruant sur les mailles. Chaque rang pousse le précédent. Cependant la première ligne a heurté le filet. Le banc entier s'arrête ; un léger mouvement de recul se produit dans la masse grouillante et aussitôt tout disparait . . . Mais le filet dans l'eau, que traversent les rayons du soleil, semble une brillante tenture échappée des palais d'Astarté !
Au commandement, on rentre les avirons et on procède à la rentrée du filet. Les hommes le halent à bord, pendant que l'un d'eux, armé d'un haveneau, retient les sardines démaillées. Au retour, cet haveneau, planté verticalement à la poupe, signale aux intéressés qu'il y a eu pêche.
C'est généralement au port que le dénombrement s'effectue, tout en remplissant les paniers qui servent à transporter le poisson à la presse. Chaque récipient en contient nominalement, selon la grosseur de 200 à 500, quelquefois 1000. Effectivement, il doit contenir un vingtième en plus. C'est la dîme que prélève l'acheteur en gros.
Quand la période de pêche est finie, en novembre, les pêcheurs dessalent leurs filets, puis les raccommodent précieusement pour la saison suivante. (Le Nouvelliste du Morbihan)