Observatoire de Toulhars
Le site
L'établissement par la marine de l'observatoire intérieur de Toulhars et de ses dépendances s'est fait par emprise "sauvage" sur la parcelle 2655 appartenant aux communs du village de Kerblaisy. L'acquisition des terrains n'a eu lieu qu'en 1886.
En 1895, le terrain du poste est entouré d'une palissade et supporte également des cabinets d'aisance et une cabane en bois renfermant du charbon.
L'ouvrage
Divers plans dressés en 1896 nous font découvrir l'observatoire intérieur de Toulhars qui est une construction enterrée quasiment invisible de la mer et dont l'entrée se fait au nord.
Il se compose d'une cour intérieure et de 4 pièces : le poste de l'officier, celui des hommes, un magasin et l'observatoire proprement dit qui comporte trois tables de visée avec vue sur l'océan et le barrage de torpilles. Chaque table de visée est dotée d'un appareil de visée et d'un système de liaison électrique destiné à la mise à feu des torpilles.
Des expropriations
Le 26 octobre 1898 le président de la république, Félix Faure, considérant qu'il est nécessaire d'acquérir pour le service de la défense fixe diverses parcelles situées à Toulhars, signe un décret autorisant l'expropriation pour cause d'utilité publique de terrains d'une superficie totale de 10 a 81 ca.
Il s'agit d'un lot de 5 a 36 ca appartenant en copropriété à Joséphine Bourlaouen épouse de Jean Goulven, Françoise Théauden, Marie-Anne Théauden,
et d'un deuxième lot de 5 a 45 ca appartenant à Marie-Françoise Fichaut, épouse séparée d'Adolphe Romieux.
Le décret précise dans son article 2 qu'il y a urgence de prendre possession des terrains précités, destinés à recevoir les fils du réseau de la défense fixe.
Le 9 novembre 1898, Louis Cousyn, docteur en médecine, et son épouse vendent à la marine une portion de terrain de 165 m² comprise dans la parcelle n° 2655 dite Communs au village de Kerblaisy. Le prix d'acquisition est fixé à 1,50 F du m².
Délimitation du terrain maritime
Le 12 février 1903, un plan présente la délimitation du terrain maritime voisin du poste de Toulhars.
La maison du gardien
Depuis 1891, il est question de construire un logement pour le gardien, mais le projet stagne.
Le 21 juillet 1904, le directeur des travaux hydrauliques s'adresse au directeur des défenses sous-marines au sujet de la construction de logements de gardiens des postes de la défense fixe à Locqueltas et à Toulhars.
Il signale que pour Toulhars, il n'y a eu aucun projet spécial de présenté et afin de faire des propositions fermes, il conviendrait que la défense fixe fit connaitre le type de bâtiment qu'elle désire.
Une semaine plus tard, la réponse suivante lui est faite :
Le bâtiment qu'il y a lieu de construire à Toulhars pour le logement du gardien en temps de paix et celui du personnel en temps de guerre devrait être du même type que celui proposé pour Locqueltas. Il faudrait le pourvoir des installations nécessaires pour recevoir 20 seconds, quartiers-maîtres ou marins et 1 premier maître (crocs à hamacs, casiers à sacs, bastingages à hamacs, emplacement pour une couchette), de latrines et d'une toiture en tuiles, comme celles des maisons environnantes. Un local devrait être aménagé pour le dépôt des 8 jours de vivres de mobilisation.
Quant au terrain nécessaire pour cette construction, le plus simple sera de prélever sur celui appartenant déjà à la marine et compris dans l'enceinte actuelle du poste. Il serait peut-être utile d'acquérir un nouveau terrain en contrebas, dans le but de défiler la maison des vues du large ; le poste est en effet dominé, à quelques mètres de distance, par une grande habitation très visible de loin. L'adoption, pour la maison du poste, d'une toiture en terrasse de ciment, diminuerait un peu la hauteur de l'édifice, la rendrait moins apparente qu'une couverture d'ardoises ou de tuiles, et éviterait pour l'avenir les frais de réparations à prévoir, l'endroit étant très exposé au vent.
La maison pourrait être édifiée sur le côté est du terrain, assez loin du rivage pour ne pas avoir à craindre les empiètements de la mer ; elle aurait une façade tournée à l'ouest, ses pignons l'un au nord, l'autre au sud. Les dispositions intérieures figurées sur les plans paraissent convenables. Il semble cependant que l'entrée de l'escalier pourrait être du côté de la porte et que la cuisine pourrait être un peu réduite au profit de la chambre.
Fin 1905, comme à Locqueltas, le logement du gardien est enfin construit.
Sur la butte de Toulhars, les trois sabords de l'observatoire, la maison du gardien et en retrait sur la gauche, la maison Lepage, construite un peu plus tard.
La mer ronge la butte
Le 17 février 1905, le capitaine de frégate de Spitz, commandant la défense fixe de Lorient signale au directeur des défenses sous-marines que la mer ronge la partie nord-est de la butte de Toulhars sur laquelle est installé l'observatoire intérieur de la ligne de torpilles de fond. Sur trois côtés déjà on a élevé de petites murailles pour retenir le sable qui forme la butte. On n'a rien fait du côté NE qui parait en ce moment gravement exposé. En cet endroit, la côte se termine par une falaise rocheuse verticale très friable. Au cours de ces dernières années, la mer y a creusé plusieurs enfoncements tels que ceux indiqués en A, B, C sur le croquis ci-contre. Plus au nord, elle a enlevé une large bande de terrain et a détaché du littoral deux ilots D et E. dans la région C, il ne reste plus à l'extérieur de l'enceinte du poste qu'un passage ayant environ 1 mètre de largeur. En faisant appel au souvenir des plus anciens marins de la défense fixe, j'ai appris que ce passage avait autrefois une largeur de 4 ou 5 mètres, plus peut-être. Depuis un an que je le connais, il s'est déjà rétréci et il suffit d'examiner les débris de roche et les blocs de terre gazonnée écroulés au pied de la falaise pour voir que le travail de destruction se poursuit d'une façon continue.
Si l'on considère combien soudains sont quelquefois les ravages de la mer, on estimera qu'il est urgent de prendre des mesures pour protéger contre son action destructive le terrain de la marine à Toulhars. La partie C qui est en ce moment celle la plus activement attaquée autour de notre poste n'appartient pas, je crois, à la marine dont la propriété ne s'étend pas d'après les renseignements qu'on a pu me fournir, au-delà de la palissade d'enceinte du poste. Mais la mer, dans son irruption, ne respectera pas la limite conventionnelle de notre terrain, et le jour peut-être prochain, où la bande étroite qui subsiste encore en dehors de notre palissade disparaitra, notre propre terrain sera sans doute entamé du même coup.
En résumé, je demande que le service des travaux hydrauliques étudie les mesures à prendre pour protéger contre la mer l'angle NE du poste de Toulhars et entreprenne le plus tôt possible les travaux de soutènement qui seront jugés nécessaires.
Evacuation et abandon du poste
Le 10 octobre 1910, Le capitaine de vaisseau Ricquer, commandant du Front de Mer signale au préfet maritime que le poste de Toulhars qui servait de poste intérieur pour la ligne de torpilles de fond vient d'être évacué par la défense fixe. Ce poste n'étant actuellement plus d'aucune utilité, il demande l'autorisation d'en remettre les clés à la direction des travaux hydrauliques à laquelle appartiennent les bâtiments.
Il précise toutefois qu'il y aurait intérêt pour la Marine à conserver momentanément le poste et le terrain de Toulhars très bien situés à l'entrée de Lorient et dont on pourrait peut-être trouver un jour l'utilisation.
Cinq jours plus tard, le trousseau de clés provenant des locaux de l'ancien poste de torpilles est remis à la direction des travaux hydrauliques.
Le 14 août 1913, un rapport décrit l'état du poste de Toulhars abandonné par la Marine depuis près de 3 ans. Les pointes des paratonnerres sont à portée de main et pourraient être démontés et volées. Les clôtures sont brisées, les serrures sont violées, les cadenas et les barrières arrachées. Les portes des appartements étaient ouvertes à tout venant, les vitres étaient brisées.
En vue d'éviter des réparations par suite de la malveillance de personnes qui considèrent ce local comme abandonné, et pour garder ce poste qui est confié à nos soins, je vous prierai de demander à l'autorité compétente de vouloir bien autoriser un ouvrier (chargé de famille) de notre service, ou l'un de nos surveillants à résider dans ce local.
On pourrait leur céder sous bail peu élevé, ou mieux, le lui prêter, à charge pour lui d'avoir le cas échéant à le rendre dans un délai fixé, aussi court que possible.
Location du poste
Le vice-amiral Berryer, préfet maritime, décide que les pointes des paratonnerres seront démontées et qu'il sera établi une note pour le ministre demandant à louer le poste et en donnant une description.
Le poste de Toulhars comprend deux corps de bâtiments. L'un, bâtiment civil est destiné au gardien du poste, l'autre est le bâtiment militaire proprement dit.
Le logement civil habitable comprend deux pièces au rez-de-chaussée et deux pièces formant mansardes.
Le logement militaire (en casemate) ne peut être habité, néanmoins il n'est pas sans valeur locative et servirait à l'occasion de celliers et de caves. Il se compose de trois pièces. L'une donne sur la mer et servait de poste de vigie, les autres étaient réservées au commandement.
Le 18 septembre lors d'une autre visite des lieux, l'agent technique constate de nouveaux dégâts et signale la présence d'enfants de 14 à 16 ans ayant pénétré dans la propriété sans aucune méchanceté, mais dont il donne néanmoins le signalement :
de la Maison Neuve Fernand et Jean,
Moignet Jeanne, Suzanne et Yvonne,
Le Dantec Christiane.
Le 3 novembre, le ministre de la marine approuve les conclusions du rapport du service des travaux hydrauliques qu'il charge de se concerter avec l'administration des domaines pour la location. Toutefois, par une clause spéciale, la marine se réservera la faculté de résilier le bail à tout instant, à charge de prévenir le locataire trois mois à l'avance.
Le 29 mai 1914, après avoir remis le poste de Toulhars en état, le directeur des services hydrauliques demande au receveur des Domaines de faire le nécessaire pour le louer.
Aucune suite n'a été donnée puisqu'en 1919, monsieur Louis Bernard de Keramzec écrit à l'Amiral en attirant son attention sur l'intérêt qu'aurait l'état à faire fructifier cette habitation en la mettant en location. Il se propose de la louer.
Mais il ne peut être donné suite à sa demande du fait que la procédure d'adjudication s'impose.
Il est finalement loué le 14 octobre par bail 3-6-9.
En 1925, Antony Fravallo ancien adjoint au maire de Plœmeur et ancien huissier, constatant que le poste de Locqueltas a été vendu, demande au ministre de la marine la cession à son profit de l'ancien poste de torpilles de Toulhars.
Mais le commandant du secteur rappelle que la propriété est louée et estime que la situation de ce poste à l'entrée de la rade de Lorient ne permet pas sa remise aux domaines pour être vendu.
La dépêche ministérielle du 10 septembre 1926 stipule qu'outre l'interdiction d'aliéner le poste, il peut par contre être loué à un fonctionnaire.
C'est ainsi que le 27 août 1928, monsieur Donval, médecin-chef de la marine, demeurant 16 rue François Jégou à Lorient devient locataire du poste déclassé de la marine à Toulhars, comprenant la maison du gardien, le petit jardinet devant et l'observatoire. La location est consentie moyennant le prix annuel de 930 francs.
Plus tard
En 1940, la pointe de Toulhars est incluse dans le système de défense allemand. Une mitrailleuse lourde y est installée sous 3,50 m de béton armé. Un abri bétonné est construit côté est ; un bunker côté ouest. Le quatrième blockhaus au sud coïncide exactement avec l'observatoire qu'il recouvre en respectant l'ouvrage ancien.
Actuellement propriété de la commune, ce blockhaus est loué au club de cyclotourisme de Larmor-Plage.