Harmonisation des limites de la paroisse
avec celles de la commune
Le 5 juin 1931, A. Guillevic, vicaire général, écrit à M. Le Gouguec, curé de Plœmeur au sujet de la séparation de certains villages de Plœmeur pour être rattachés à la nouvelle commune de Larmor créée depuis 1925.
Les habitants des villages de Quéhello-Congard, Kergalan et de Vieux-Moulin du Ter, situés sur le territoire de la commune de Larmor et actuellement rattachés, au point de vue de l'exercice du culte à la paroisse de Plœmeur, demandent à Monseigneur d'être rattachés à la paroisse de Larmor dans laquelle se règlent toutes leurs affaires administratives civiles.
Monseigneur vous prie de vouloir bien donner votre avis au sujet de cette pétition. Quels avantages, quelles difficultés voyez-vous à la séparation de ces pétitionnaires de Plœmeur pour les rattacher à Larmor ? Y a-t-il d'autres paroissiens qui soient également attachés à la commune de Larmor ?
Je vous serais bien obligé de vouloir bien nous adresser aussitôt que possible, votre réponse à ce sujet.
Opposition du recteur de Plœmeur
Quatre jours plus tard, le curé de Plœmeur adresse une très longue réponse au vicaire général.
Il est certain que quand les limites de la paroisse correspondent avec celles de la commune, les habitants trouvent plus de facilité pour le règlement de leurs affaires tant religieuses que civiles. Encore qu'il est des paroisses uniquement composées d'agglomérations appartenant à différentes communes, sans qu'elles forment elles-mêmes une commune. . . Ce n'est pas l'idéal.
Aussi, par principe, je ne suis nullement opposé à ce que l'on rattache à la paroisse de Larmor-Plage les villages ou les parties de villages dépendant de la commune de ce nom.
Permettez-moi de vous faire remarquer ni que tout le village de Kergalan, ni que tout le village du Vieux-Moulin ne dépendent de la commune de Larmor, la plus grande partie même de Kergalan est en Plœmeur. La grande route qui conduit à Kerpape sert de ligne de démarcation entre les deux communes et tout ce qui est à gauche de cette ligne quand de Plœmeur on se rend à Kerpape est en Larmor-Plage, tout ce qui est à droite est en Plœmeur. De telle sorte qu'à Kergalan une seule ferme et une ou deux maisons ouvrières dépendent de Larmor-Plage.
Le recteur illustre son propos avec le schéma ci-dessous.
Il en est de même de Vieux-Moulin. Le village comprend deux fermes séparées par un étang desséché lequel sert de ligne de démarcation entre les deux communes. La ferme de droite quand de l'étang on regarde la rivière du Ter et exploitée par la famille Le Guen, dépend de la commune de Larmor, mais celle de gauche appartenant à la famille Roperch dépend, elle, de la commune de Plœmeur. En revanche, tout le village de Quéhello-Congard est situé sur la commune de Larmor.
A ma connaissance, il n'y a pas d'autre village dans cette situation. Puisque vous me faites l'honneur de me demander quels seraient à mon avis les avantages pour les habitants de ces villages à être rattachés à la paroisse de Larmor, je vous répondrais simplement que je n'en vois pas d'autres que la facilité plus grande qu'ils auraient de régler par un seul voyage à Larmor-Plage leurs affaires civiles et leurs affaires religieuses principalement lors des naissances et des décès.
Quant à la pratique de leurs devoirs religieux, surtout en ce qui concerne l'assistance à la messe et aux autres offices, peut-être leur sera-t-elle rendue plus difficile étant donné que ces villages n'ont pas, du moins pour le moment, de chemins très praticables pour se rendre à Larmor tandis qu'ils ont des grandes routes pour venir à Plœmeur.
Aussi, bien qu'officiellement rattachés à Larmor, ils continueront, comme d'ailleurs les habitants de villages de Larmor de se rendre à Plœmeur pour y assister à la messe, surtout que Plœmeur est pour eux le centre des affaires, étant le siège du syndicat agricole, du marché aux veaux le dimanche matin à la sortie de la messe de 8 heures. On en fait seulement les prix, ils sont livrés dans la semaine. C'est à Plœmeur également qu'ils livrent leurs petits pois, leurs haricots, qu'ils décident du prix des choux dont il se fait un grand commerce. D'autre part, plusieurs ont des concessions au cimetière de Plœmeur et dès lors, ils continueront, du moins très probablement, à y faire inhumer leurs morts.
Chose assez étrange, quelques signataires sont venus après réflexion sur les avantages et les inconvénients de la chose, me demander de ne rien changer à la situation actuelle. "Nous avons sans doute signé la pétition, disent-ils, mais c'est surtout pour ne pas déplaire à monsieur le maire de Larmor qui en a été l'instigateur".
Il est certain, comme cela a d'ailleurs lieu partout, que si l'on faisait circuler parmi eux une seconde pétition demandant le maintien de l'état actuel des choses, ils la signeraient avec autant de conviction qu'ils ont mis à signer la première, le dernier qui parle ayant toujours raison. Ils y mettraient plus d'enthousiasme encore, je le sais, s'il s'agissait de les rattacher à la commune de Plœmeur car les impôts sont beaucoup plus lourds à Larmor-Plage qu'ils ne le sont à Plœmeur.
Il y a aussi des raisons de milieu, de sympathie. "Quant à moi me disait un paysan de Quéhello-Congard, je ne désire nullement être rattaché à la paroisse de Larmor. A cette préférence, il n'apportait aucune raison bien sérieuse, tout au plus des raisons de convenance. Larmor n'a guère que des marins, tandis qu'à Plœmeur, nous sommes surtout des paysans. C'est pourquoi, je suis d'avis qu'on doit laisser les paysans avec les paysans".
De ces raisons de sympathie et de convenance, il n'y a pas à en tenir compte. Ce que je crains le plus, c'est que les enfants de ces villages qui actuellement fréquentent tous les écoles chrétiennes ne s'en aillent aux écoles communales de Larmor qui n'a pas d'école libre. Quand les parents seront sans aucune attache avec Plœmeur, comme le font d'autres parents de certains villages de Larmor aussi rapprochés de Plœmeur que ceux dont il est question, n'enverront-ils pas leurs enfants aux écoles de Larmor ? Le maire de Larmor ne sera-t-il pas le premier à conseiller aux parents de les y placer ? Il est certain que le maire de Larmor, M. Coutillard, je le tiens de plusieurs mères de famille, il y a trois ans en 1928, a fait des démarches en ce sens auprès de certains parents habitant ces villages.
Bref, le rattachement à Larmor-Plage des villages ou parties de villages dépendant de cette commune peut procurer aux habitants de ces hameaux plus de facilités pour le règlement de leurs affaires civiles, mais et la chose n'est pas contestable pour qui connait la situation des lieux, leur vaudra plus de difficultés pour la pratique de leurs devoirs religieux, étant surtout donné qu'ils n'ont pas encore de route pour se rendre à Larmor et que cette paroisse ne leur offre pas, actuellement du moins, d'écoles chrétiennes pour l'éducation de leurs enfants.
Décision de l'évêque
Dix mois plus tard, le 12 avril 1932, le vicaire général fait part au curé de Plœmeur de la décision de l'évêque.
Monseigneur a longuement réfléchi sur votre lettre du 11 juin 1931 au sujet du rattachement à la paroisse de Larmor-Plage des habitants qui font partie de la commune de Larmor.
Il a pesé toutes les raisons que vous avez formulées contre : les relations anciennes avec Plœmeur, la sépulture de leurs parents, leurs signatures extorquées, leur antipathie à l'égard des marins de Larmor, le danger de l'école laïque, etc. . . il est certain que ces sortes de disjonctions ne se font pas sans heurter des habitudes prises et changer des relations anciennes. Si d'ailleurs les familles de cette région tiennent à vos écoles chrétiennes, le rattachement de leurs villages à Larmor n'allongera pas le chemin qui conduit aux écoles de Plœmeur, qu'ils pourront continuer à fréquenter comme par le passé.
De nouvelles instances venues de Larmor obligent Monseigneur à prendre une décision et à réaliser l'adjonction demandée par les habitants de cette région à la paroisse de Larmor, c'est-à-dire
1° tout le village de Quéhello-Congard, 41 habitants ;
2° la partie de Kergalan située en deçà de la grande route limite du côté de Larmor, 3 familles et 10 personnes ;
3° la maison qui se trouve sur la rive droite du Ter, du côté de Larmor ;
4° le village de Fons qui a été oublié dans l'énumération de 1912 et dont les habitants se considèrent déjà de la paroisse et de la commune de Larmor.
La séparation de ces familles de Plœmeur et leur rattachement à Larmor leur permettra de se rapprocher de leur centre religieux, leur donnera plus de facilités de remplir leurs devoirs de chrétiens et leurs obligations civiles d'autant plus que Quéhello-Congart va avoir prochainement une grande route qui conduira directement à Larmor.
La qualité de ces paroissiens exotiques ne privera d'ailleurs pas votre grande paroisse d'éléments très fidèles et de quantité très négligeable.
Trois jours plus tard, M. Le Gouguec accuse réception de sa lettre au vicaire général.
L'an dernier, dans ma lettre du 19 juin, je vous disais que d'une façon générale, il était préférable que les limites de la paroisse et de la commune fussent les mêmes. Je n'ai pas changé d'avis. Si à ce moment, je vous ai donné les raisons que je croyais militer pour le statu quo, c'est que vous me les aviez demandées. Je vous les ais données en toute sincérité. Mais je n'étais nullement opposé, pas plus alors qu'aujourd'hui, au rattachement de ces villages à Larmor-Plage.
Ce que je désire et ce que je cherche avant tout, c'est le bien spirituel de mes paroissiens, et le jour où l'évêché jugera bon de créer une nouvelle paroisse à Lanveur, car c'est la seule solution, raisonnable, je serai le premier à m'en réjouir.
J'espère que l'adjonction de ces villages à Larmor facilitera à leurs habitants les pratiques religieuses et que M. l'abbé Le Néchet verra accroitre le nombre de ses paroissiens aux offices religieux.
Aussitôt, l'évêque de Vannes prend une ordonnance qui modifie les limites des paroisses de Plœmeur et de Larmor-Plage.
Nous, Hippolyte Tréhiou, par la miséricorde divine et la grâce du Saint Siège Apostolique, évêque de Vannes ;
Vu le canon 1427 du nouveau Code de Droit canonique, permettant aux Ordinaires de démembrer une paroisse pour une cause juste et canonique ;
Vu que cette cause existe pour plusieurs villages et agglomérations de Plœmeur ;
Vu l'avis favorable du Chapitre de notre église cathédrale ;
Vu l'enquête faite près du Curé et du Recteur intéressés ;
Considérant qu'une des obligations de notre charge est de faciliter à nos diocésains l'accomplissement de leurs devoirs religieux ;
Considérant qu'un tel avantage serait obtenu par l'annexion de plusieurs villages et agglomérations de Plœmeur à un autre centre religieux plus rapproché ;
Avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Seront désormais dans la paroisse de Larmor-Plage les villages de Quéhello-Congard, Kergalan (partie est), Le Fons et le Vieux Moulin qui se trouvent dans la commune de Larmor.
Fait à Vannes sous notre seing, le 2 mai 1932.
Hippolyte Tréhiou, Ev Vannes