Chaque année, le 24 juin, des milliers de pèlerins des paroisses voisines se pressent à Larmor pour participer à la cérémonie qui perd néanmoins de son faste religieux. De très nombreux badauds se déplacent également pour assister du rivage à ce grand rassemblement.
Ils arrivent à pieds, mais aussi par mer à bord de leurs embarcations, accompagnés de leur famille. Certains, venant de Lorient, empruntent les navires de la Compagnie des Vapeurs Port-Louisiens qui pour la circonstance assurent un service régulier de quart d'heure en quart d'heure à partir de 9 heures du matin. Puis au départ de la procession de Larmor, ils prennent du monde pour l'accompagner en mer au prix de 0,50 francs en 1890.

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En 1891 le "Cahier de la paroisse de Plœmeur" nous révèle que ce 24 juin à la grand'messe à Larmor, M. le curé a fait une instruction bretonne sur la fête du jour.

Seule la paroisse de Gâvres s'est unie à la paroisse de Plœmeur pour prendre part à cet acte religieux. Autrefois Port-Louis, Groix et Riantec n'y manquaient jamais.

Cette année monsieur le curé de Plœmeur a écrit au curé de Port-Louis et aux recteurs de Groix et de Riantec pour leur demander s'ils voyaient quelque inconvénient à revenir aux anciennes traditions.
Le curé de Riantec a oublié de répondre.
Celui de Port-Louis déclare qu'il ne viendra pas processionnellement.
Quant à la réponse de celui de Groix, nous l'avons évoquée à propos des évènements de 1877.

Pour "Le Nouvelliste du Morbihan", c'est la fête des pêcheurs, c'est la fête de tout le littoral, c'est en un mot, l'inauguration de la pêche à la sardine.
Il y a quelques années un navire de l'Etat se rendait sur les lieux, mais aujourd'hui ce n'est plus ça, car sur la réclamation de quelques parisiens, il est bien permis au préfet maritime d'envoyer le Caudan aux régates de Nantes ou d'ailleurs, ce n'est pas trop cher, mais le jour de la fête de Larmor, il faut faire des économies. C'est bien compris, n'est-ce pas ?
Heureusement, M. Méry, banquier à Lorient, met gracieusement le vapeur "Tony" à la disposition du clergé et la procession peut se rendre en pleine mer où a eu lieu la traditionnelle bénédiction.
Puisse cette année être plus fertile que les années précédentes, car nos malheureux pêcheurs sont désespérés depuis que la sardine a quitté nos eaux.

"La Croix du Morbihan" évoque la cérémonie :
Une procession religieuse sur la mer immense est quelque chose de magnifique : les matelots de Gâvres chantaient dans notre vieille et sainte langue les cantiques des Gâvrais à Sainte-Anne.
Le curé de Plœmeur évoque l'esprit religieux de la fête, avant de bénir les flots si perfides qui engloutissent tant de braves pères de famille, tant de jeunes gens dans la force de l'âge.

Tandis que "La Semaine Religieuse" estime que cette bénédiction apporte une consolation et une grande espérance au cœur de nos marins. La mer est le grand cimetière où des corps aimés flottent, sans cercueils et sans tombes. Parents ou amis ne s'agenouillent pas sur leurs dalles funèbres. Les morts sont à jamais inconnus.

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Le 26 juin 1892 publication d'un article signé Francis EVA relatant le déroulement de la cérémonie autrefois et cette année.

De tout temps, l'homme s'est senti si petit devant la mer immense, qu'avant de se confier à elle, il veut se concilier un appui surhumain.
Les anciens ne mettaient jamais à la voile sans avoir invoqué sur le rivage, les dieux protecteurs et imploré la clémence du farouche Neptune ; si les présages étaient favorables, ils partaient sans crainte, sûrs qu'Eole n'oserait point déchaîner sur les amis des divinités d'En-Haut la fureur de ses tumultueux sujets.
Aujourd'hui encore, le marin qui va s'embarquer pour un long voyage est plus confiant peut-être lorsqu'il sait que la coque de fer ou de bois qui l'emporte a reçu, avant de plonger dans les flots bleus, la bénédiction du prêtre.

Mais tous ces pêcheurs de la côte, exposés sans cesse dans leurs faibles embarcations à la houle furieuse du "suroît", ont demandé, en un siècle moins incrédule les prières des ministres de Dieu pour obtenir du ciel le calme sur l'océan et l'abondance dans leurs filets.
C'est une cérémonie grandiose et imposante que cette bénédiction de la mer.
Autrefois, elle semblait plus belle encore car la foi, vivace dans les cœurs simples des Bretons, lui donnait un caractère de solennité sublime qu'on chercherait en vain aujourd'hui.

ThonierLe jour de la Saint-Jean, un bateau "grésillon", un de ces solides thoniers qui vont se livrer à la pêche sur les côtes d'Espagne, quittait le petit abri de Port Tudy, portant la croix et le clergé de l'île ; aux mats et aux cordages flottaient des pavillons multicolores, et, derrière, les barques pavoisées suivaient le sillage, lentement, portant les familles des pêcheurs aux visages graves et recueillis.
Dans les coureaux, la procession était rejointe par deux autres venues de Larmor et de la baie de Locmalo.
Les prêtres et les bannières prenaient place sur le thonier, et la longue file des embarcations enguirlandées, se mettait en marche, au chant des cantiques.
Puis, un grand silence se faisait tout à coup, à peine troublé par le clapotis de la vague ou le cri plaintif de la mouette. Et le prêtre faisait le tour du bateau en bénissant la mer. (La bénédiction était donnée chaque année à tour de rôle par l'une des paroisses de Groix, Plœmeur, Gâvres et Riantec.)

Alors le chant du "Te Deum" s'élevait, sorti à la fois de ces centaines de poitrines bronzées, dominant le long murmure des flots et porté au loin par la brise légère.
Le pêcheur rentrait chez lui plus calme, plus confiant dans l'avenir, et touchante croyance ! il jetait ses filets avec un meilleur espoir dans ces eaux que Dieu avait bénites…
Aujourd'hui la procession se fait encore, mais c'est un vapeur qui vient prendre les prêtres à la cale de Larmor.
C'est la curiosité et le simple attrait d'une promenade en mer qui amène là tous ces Lorientais et ces Lorientaises en élégantes toilettes d'été. Ce sont les vapeurs Port-Louisiens qui suivent, amarrés au "Tony" et emportant tout ce monde de joyeux incrédules grisés par le soleil d'une journée de juin.

Derrière, dans cinq ou six chaloupes - pas plus !- quelques fervents, venus de Gâvres et, en grand nombre, des femmes dont les coiffes blanches oscillent comme une tente vivante.

Ceux-là seuls répondent aux cantiques, et ces chants majestueux, mêlés aux bruits du flot et aux battements sourds de l'hélice produisent encore sur l'âme une émotion sincère qui l'élève pour quelques instants. Lorsqu'on arrive dans les Coureaux le prêtre prend la parole, debout à l'arrière du "Tony", et ce sermon pendant la marche vers le large, n'est pas dépourvu d'une certaine grandeur qui fait taire les groupes joyeux et maintient la foule attendrie.

ProcessionAprès la bénédiction et le chant du "Te Deum", le Tony, qui porte à son avant la croix étincelante, évolue lentement et la procession entière se débande : chaque vapeur, dégagé des amarres, reprend sa libre allure et vient débarquer sur le môle de Larmor ses nombreux passagers.
Le clergé prend terre et le cortège reformé sur la cale étroite remonte vers l'église ornée de guirlandes vertes et d'oriflammes.

Il y a sur la place, toutes les petites boutiques qui fréquentent assidument les "assemblées", avec leur léger toit de toile blanche qui garantit à peine l'étalage des rayons du soleil.

Mais la foule, qui, en grande partie suivait de la plage et du môle la marche dans les coureaux, après les avoir entourés un instant, reprend bientôt le chemin de la côte où la vague l'attire.
En haut de la plage, le sable est brûlant mais au bord même de l'eau, on sent une fraicheur bienfaisante qui invite à s'étendre sur le lit moelleux tout parsemé de brillant mica.

Là-bas à l'horizon, dans la ligne bleuâtre qui sépare le ciel de l'océan, entre la pointe de Gâvres et celle des "Chats" on aperçoit la silhouette brune des barques de pêche.

Jadis, on n'eut point eu ce spectacle, mais, de nos jours, les temps sont durs et le matelot ne veut pas sacrifier une journée de gain à une vieille pratique trop ancienne qui le laisse incrédule.
C'est pourquoi cette bénédiction des Coureaux, si touchante, est appelée à disparaitre, lorsque la curiosité annuelle des Lorientais, dernier soutien de son prestige, aura fait place à de l'indifférence. Espérons que ce sera le plus tard possible car, Dieu merci, cette dernière qualité leur fait complètement défaut.

"La Croix du Morbihan" publie également un compte rendu de la cérémonie.
La fête avait commencé le matin par la grand-messe dans la curieuse église de Notre-Dame de Larmor ; une foule énorme remplissait les rues du petit bourg, et débordait partout sur la plage et le port.

A l'heure où les vêpres finissaient trois bateaux arrivaient de Gâvres au chant des cantiques…….

 

La musique des Frères de Lorient était venue prêter son concours précieux à la musique des Frères de Plœmeur ; toutes les deux alternativement ont fait entendre les plus jolis morceaux de leur répertoire, ou accompagné les chants liturgiques, le "Magnificat", le "Te Deum", et les beaux cantiques qui sont un témoignage de notre foi toujours vivante.
…….Au milieu des Coureaux, M. le recteur de Gâvres, délégué par M. le curé de Plœmeur, bénit les flots de la mer au nom de celui qui commande aux vents et aux tempêtes…..Nous sommes en pleine mer, le gouffre est sous nos pieds, demandant sa proie ; il ne faut qu'un caprice, une énorme vague venant du large, et ces chants d'allégresse se changeraient en cris de désespoir…..c'est l'existence quotidienne du marin, suspendu par un fil entre la vie et la mort.
Après avoir évoqué les côtes alentour il conclut : Quiconque ne sent pas à ce moment, grand monsieur, belle dame ou gentille demoiselle, envahir son cœur par les sentiments de la petitesse de l'homme devant les œuvres du créateur, celui-là ou celle-là doit avoir dans les veines du sang de barbare.
La mer est belle et Dieu est grand !
……..Puis nous reprenons le chemin de Larmor. On chante un psaume ou un cantique, et dans les intervalles, on jouit du spectacle….
La fête est finie : on débarque à Larmor, où l'on va porter aux pieds de Notre-Dame ses dernières prières, ses dernières hymnes saintes, et le soir on regagne son toit, un peu meilleurs, nous l'espérons, vivifiés dans la foi qui sauve, dans l'espérance qui console, dans la charité qui aime.

Procession"Le Cahier de la Paroisse de Plœmeur" quant à lui, relate dans un tout autre style, cette journée du 24 juin :
Cette année la fête de Saint-Jean-Baptiste tombait le vendredi dans l'octave du Saint-Sacrement. Ce jour-là il n'y eut pas de grand-messe au bourg, (de Plœmeur) mais seulement deux messes basses annoncées l'une à 6 heures et l'autre à 7 heures. Le soir à 8 heures ¼, complies et bénédiction comme les autres jours.

A Larmor grand-messe à 10 h ½ chantée par le curé de la paroisse. Instruction française sur la fête du jour. A 2 h vêpres. Immédiatement après les vêpres, la procession se rend au quai au chant des litanies de la Sainte-Vierge. Ensuite a lieu la bénédiction du Coureau.

Pour cette cérémonie, M. Méry, banquier à Lorient, a la diligence de mettre tous les ans son bateau à la disposition du clergé et de la musique de Plœmeur.
Cette année la musique des Frères de Lorient dirigée par M. l'abbé Le Corre, vicaire de Lorient est venue, sur l'invitation de M. Méry ,- sans avis donné préalablement au curé de Plœmeur -, donner plus d'éclat à la cérémonie.

Dans ces conditions, la musique de Lorient à une fête qui regarde la paroisse de Plœmeur, et dont la présidence revient au curé de Plœmeur, a paru assez inopportune.
"C'était une intrusion. Chacun chez soi". Si le clergé de Lorient tient absolument à rehausser les fêtes de Plœmeur, qu'il ait d'abord le bon goût d'en aviser le curé.
La bénédiction a été donnée par M. Bochez, aumônier de la marine, Chanoine de Smyrne, Corfou et Tinos.

 

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En 1894 pour la première fois depuis de nombreuses années, la bénédiction des coureaux tombe un dimanche permettant ainsi aux Lorientais de se déplacer en masse, d'autant plus que le soleil est présent.

Une foule évaluée à 15 ou 20 000 personnes s'est donné rendez-vous sur l'immense plage de Larmor. Chevaux et voitures avaient été réquisitionnés ; les bicyclettes, reines du jour sillonnaient sur la route ; les péagiers du pont de Kermélo étaient sur les dents.
Mais la cérémonie n'est plus aussi belle qu'autrefois. Cependant, grâce à de généreuses initiatives, la fête semble vouloir retrouver un peu de son ancienne splendeur. Mais qui lui rendra, hélas, sa touchante sincérité d'antan ?
Vers trois heures, le clergé de Larmor et la musique des frères de Plœmeur se sont embarqués sur le Tony coquettement pavoisé, suivi de la Margaëte, de l'Abeille, de la Marie-Ange. . . Tous ces vapeurs noirs de passagers sont rentrés vers 4 h ½ , après s'être approchés de Groix à quelques encablures.
La procession est alors rentrée à l'église et la prise d'assaut des vapeurs par la foule a commencé. Pareille journée ne se verra plus qu'en 1905.

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UNE LEGENDE DES COUREAUX
(Traduction d'un fragment d'une chanson bretonne)

 

Or, Rosyloysis, un soir,
En sa robe de désespoir,
          Frôlait les ondes,
Des fleurs de crainte en ses yeux bleus,
De pâle angoisse en ses cheveux,
          Aux boucles blondes,

Oublieuse de sa chanson,
Elle interrogeait l'horizon
          Avec tristesse,
Pour voir si ne venait là-bas
Le bien-aimé ne voulant pas
          De sa tendresse.

Elle attendait le troubadour
Qui berçait de ses chants d'amour
          Les jolis rêves,
Celui qu'on rencontrait parfois
Par les cieux les monts et les bois
          Et par les grèves.

Mais lasse de l'attendre en vain
Elle prit colère à la fin
          Et, dans sa rage
Elle ameuta les flots aigris
Contre les rochers noirs et gris
          Contre la plage.

C'est pourquoi six marins de Groix
Qui conduisaient le "Saint François"
          Vers La Perrière
Dérivent en quelques instants,
Sans avoir pu trouver le temps
          D'une prière.

Et si, depuis lors, les bateaux
Evitent souvent les Coureaux
          Et leur écume
C'est qu'ils voient errer au ciel gris
La blonde Rosyloysis
          Ou Fleur-de-Brume.
                                         Victor SLANE

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ViergeEn 1895 la veille de cette cérémonie une publicité parue dans la presse signale que la compagnie des vapeurs mettra à la disposition du public autant de navires qu'il sera nécessaire pour suivre la bénédiction, au prix de 0,50 F la place.

De son côté, Le Nouvelliste du Morbihan publie un long article intitulé "Un pardon sur la mer".
Le bourg (de Larmor) est en fête, les familles au complet. A cette occasion la discipline a perdu de sa rigueur. Les cols bleus des matelots s'harmonisent avec les rouges épaulettes des soldats de la France.
Larmor ce jour-là pavoise la flèche de sa vieille chapelle. Les douze apôtres, gardiens muets du sanctuaire, ont la tête ornée de couronnes de fleurs.
La statue de Marie, la vierge aux yeux bleus, se détache dans un nimbe doré au milieu des corbeilles de flambeaux brulés en son honneur.

barqueLe 24 juin de chaque année la côte morbihannaise célèbre la fête de Notre-Dame de Larmor, protectrice des matelots isolés sur les lointains océans.

Cependant les barques des pêcheurs, se détachent des criques du rivage. Marins de Gâvres, pêcheurs au teint bronzé de Riantec, Plouhinec, Port-Louis, hardis gars de Groix, tous accourent, les lourds bateaux chargés de leurs femmes et de leurs filles.
Ils viennent apportant à l'image fêtée, sur leur domaine, les tributs de leurs prières et de leurs vœux.

Sur le rivage, nobles et bourgeois assistent recueillis et silencieux à la grandiose manifestation.
Quand les derniers appels des cloches auront vibré jusqu'au-delà des horizons, une barque toute enguirlandée chargée de bannières, et portant la croix rallie autour d'elle la flottille improvisée. Ces mille bouches chanteront les cantiques de ce grand jour, tel l'appel de la terre aux puissants du ciel.
Et les marins de la Bretagne imposeront pour un moment, silence aux rumeurs des flots. Femmes et vieillards, travailleurs de la mer rappellent en leur poésie simple et touchante que Marie, adorée à Larmor, a reçu de Dieu le pouvoir de protéger les marins.
Leur culte pour elle est l'expression de leur reconnaissance. Combien des acteurs de cette scène émouvante ont échappé à une mort certaine grâce à son intervention.
                                                                    Nous t'adorons, Vierge immaculée
                                                                    Qui protège et nos marins et nos bateaux,
                                                                    Qu'à jamais ton nom soit vénéré…
Voici que tous se taisent ; le silence succède aux cantiques ; c'est l'heure de l'invocation.
Seule la voix du prêtre se fait entendre. Puis la cloche de la chapelle vibre de nouveau et sa voix de cristal s'unit à la voix du ministre de Dieu pour transmettre à Notre-Dame de Larmor les prières des marins de Bretagne.
Quelques gouttes d'eau bénite, une fumée d'encens qui monte droit dans le ciel sans nuage, et la même foule recueillie, reviendra au prochain été avec autant de ferveur fêter Marie patronne des marins.
Qui pourra nous dire la première origine de cette ancienne coutume ? Nous croyons qu'elle est assez peu répandue. Sa rareté fait sa valeur, son théâtre lui donne sa poésie, ses fidèles ajoutent encore à son côté pittoresque.
Osera-t-on soutenir qu'il est venu jusqu'ici le dragon rouge annoncé par Merlin ?

La bénédiction a eu lieu près des côtes de Groix où l'un des vapeurs a accosté. A ce propos, nous avons appris que 200 barques de cette île vont partir incessamment pour la pêche au thon, sur les côtes d'Espagne.

"La Croix du Morbihan" souligne l'affluence de monde ce lundi malgré les retraites de premières communions de toutes les paroisses Lorientaises et note que l'on revient de plus en plus à la piété antique. 

M. le curé-doyen de Plœmeur présidait : M. le Recteur de Gâvres a béni la mer.
Espérons que cet acte de piété attirera sur la pêche la bénédiction de Dieu, et que nos braves marins auront du pain pour leurs familles si nombreuses, si attachées encore à la vieille Foi.
Qu'ils n'oublient pas de sanctifier le jour du Seigneur car des exemples et des souvenirs douloureux sont là pour montrer que le travail du dimanche ne porte pas bonheur.
                                                             Signé Un Matelot

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1896 La vapeur a tué la voile. Les élégants et confortables petits bateaux à hélice de la compagnie des vapeurs Port-Louisiens détrônent à jamais les lourdes barques qui conduisaient à N.-D. de Larmor, les promeneurs d'autrefois. La cale Ory est déserte et seule, une plaque de faïence émaillée désigne par ce nom l'une des rues de la ville.
Les passagers n'ont que quelques pas à faire pour atteindre le ponton de l'avant-port de commerce et embarquer en un clin d'œil pour une traversée de moins d'une demi-heure. Les vapeurs ne tiennent pas compte des marées ni du vent.
Les Lorientais partent sans crainte et l'heure du retour est exactement précisée. Ils se confient avec une foi aveugle à l'habileté des capitaines chargés de la conduite de "Marie-Ange", de "Marie-Rose" et de " Margaët".

L'affluence est telle qu'il a été nécessaire d'avoir recours à cinq vapeurs pour conduire l'imposante procession en mer, avec en tête la "Célestine" bientôt suivie par le "Tony", le "Louis", etc... Et les barques font voile vers le large en suivant les navires.

Au départ de Larmor, a eu lieu un accident qui heureusement n'a pas eu de suite fâcheuse.
En faisant machine arrière, la "Célestine" ayant très peu de place pour évoluer, a faussé un des porte-manteaux du "Tony". Les capitaines, aidés de l'équipage ont sur les lieux porté remède à ce léger incident.

Parmi le clergé nous remarquons de nombreux prêtres des paroisses de Lorient, Kerentrech, Merville, M. l'abbé Scanvic, curé du Marin (Martinique) qui officiait à la grand-messe et aux vêpres a cédé la place à M. le Chanoine Duparc, curé de Lorient, qui préside la procession.
On chante le magnificat, l'Ave Maris Stella, le Veni Creator, puis on dit un De Profundis pour les marins décédés. L'abbé Duparc prend l'eau bénite et fait le tour du navire en aspergeant la mer.
Le retour promptement effectué, la foule des passagers emplit le village d'une joyeuse animation.

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En 1898 depuis la veille au soir la fête est commencée. Sur toutes les falaises, sur les plages et sur les rochers flambent mille feux de joie. Ce ne sont plus les feux criminels d'autrefois que les écumeurs de mer, les pilleurs des côtes allumaient pour multiplier les naufrages mais le feu de vie, la flamme d'espérance.
Saint-Pierre, Saint-Jean, bénissez la mer, épargnez-nous des naufrages, donnez-nous bonne pêche et année heureuse aux pêcheurs, nos frères.

La bénédiction est présidée par M. le recteur de Gâvres. Outre le clergé de Plœmeur, y assistaient MM. Le Tohic curé doyen de Pluvigner, Tabourny supérieur de l'institution Saint-Louis (Lorient) avec quelques-uns de ses professeurs, Le Maner recteur de Silfiac, Le Blavec aumônier des petites sœurs des pauvres (Kerentrech), Jouanno vicaire à Cléguérec.

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"La Semaine Religieuse" de juillet 1899 évoque rapidement la cérémonie puis nos marins et pêcheurs exposés à tant de périls.
Leur barque est si petite et la mer est si grande, qu'ils ont bien raison d'appeler la bénédiction du ciel sur cet océan qui les nourrit et, trop souvent hélas ! devient leur tombeau.
La fête est présidée par l'abbé Le Bras qui après avoir fait tant de bien à Larmor en tant que vicaire, vient d'être nommé recteur de Riantec.