Débarcadère avec chaussée

 

 

 

Suggestion de M. Hecaen
Le 7 août 1893, monsieur Zéphyr Hecaen, syndic de faillites à Paris, attire l'attention du préfet sur les conditions de débarquement des passagers à Larmor.
J'habite Larmor une partie de la belle saison et j'ai peine à m'expliquer l'indifférence que l'administration semble manifester pour cette plage qui cependant se développe tous les jours et tend de plus en plus à devenir la promenade favorite des Lorientais.
Du logement que j'occupe et qui a vue sur les rochers où sont débarqués les voyageurs à marée basse, j'ai le triste privilège d'assister aux chutes qui à chaque débarquement se produisent sur ces rochers d'autant plus difficiles à franchir qu'ils sont couverts de goémon, et par conséquent fort glissants.
Souvent même devant le danger qu'offre le débarquement des voyageurs, des femmes surtout, refusent de descendre et préfèrent s'en retourner avec le bateau qui les amène.
Dans ces conditions, l'administration ne pourrait-elle faire prolonger de quelques mètres l'une ou l'autre des deux petites cales qui servent aux pêcheurs de façon à ce que les bateaux puissent y aborder à marée basse, ou bien encore ne pourrait-elle, à l'extrémité des rochers où abordent ordinairement les bateaux, faire établir une plateforme qui permettrait aux voyageurs de descendre du bateau sans courir le risque de se rompre les os. (Cette suggestion ressemble beaucoup au futur débarcadère dit "cale en T").

La dépense serait minime et ce serait en même temps qu'un acte d'humanité, un véritable service rendu au nombreux public qui fréquente aujourd'hui Larmor.
Vous m'excuserez monsieur le Préfet si je prends la liberté d'appeler sur cet état de choses votre bienveillante sollicitude.

Deux semaines plus tard, jour de grande marée, un journaliste écrit dans "Le Nouvelliste du Morbihan" : le vapeur loge son étrave dans une anfractuosité de rocher et c'est alors curieux de voir les prodiges d'équilibre auxquels se livrent les malheureux passagers pour ne pas dévaler sur les goémons gluants parmi les crabes et les crevettes. Quelquefois, le vapeur obligé de mouiller à quelque distance du rivage entasse son monde dans un méchant canot. Pour comble de bonheur le canot lui-même ne peut accoster la cale. C'est l'heure des résolutions héroïques où l'on voit les robustes matelots prendre dans leurs bras messieurs obèses et frêles demoiselles.

1893 Petition Hecaen 4S3068L'ingénieur des ponts et chaussées répond à la lettre de M. Hecaen le 4 octobre.

La situation signalée par M. Hecaen est bien connue de l'administration des ponts et chaussées, qui s'en est depuis bien longtemps préoccupée. Il ne suffirait pas d'ailleurs pour y porter remède de prolonger les cales actuelles de quelques mètres. En raison de la faible déclivité de la plage, il faudrait prolonger beaucoup ces cales, qui auraient toujours le grand inconvénient d'être absolument exposées à la grande mer.
Notre service a présenté en 1881 un projet d'amélioration d'ensemble du port de Larmor qui s'élève à 54 000 francs. Un concours de 14 000 francs a été demandé aux intéressés directs pour la mise à exécution de ce projet; mais ce concours n'a pas pu être été donné par eux, et pour ce motif, le projet n'a pas encore été exécuté.
Cependant il est incontestable qu'en présence de l'extension considérable qu'a prise le port de Larmor comme station balnéaire, la situation actuelle ne pourra pas se prolonger longtemps encore.
Les marins, armateurs, propriétaires, etc. qui ont des intérêts à Larmor, s'en sont émus, et d'après les renseignements que nous avons recueillis, une pétition signée de plus de 80 personnes formulant les désidérata des habitants de Larmor a été adressée récemment à M. le Ministre des Travaux Publics.
Cette pétition ne nous a pas encore été transmise ; dès que nous l'aurons reçue, nous examinerons quelles sont les modifications dont le projet de 1881 est susceptible pour répondre aux besoins nouveaux du port de Larmor, sans donner lieu à des dépenses exagérées et nous espérons qu'avec le concours de la commune de Plœmeur, qui sera très probablement réclamé, les observations de M. Hecaen recevront satisfaction, dans ce qu'elles ont de légitime.

 

Petition

 

 

 

Pétition des habitants
Dans la pétition en question, appuyée par messieurs Guieysse, Le Coupanec et Le Clech députés du Morbihan, les signataires soulignent que les moyens d'accostages manquent et font absolument défaut au moment des basses mers. Les moyens d'abri manquent également pour éviter la perte de nos embarcations et chaloupes.

Il y a plus de 10 ans, l'administration a fait un projet dont le montant s'élevait à 54 000 francs. L'état devait apporter 40 000 F, le solde devait être fourni par la commune qui a voté un crédit de 4 000 F et le département qui lui n'a jamais rien voté.
Nous prenons la liberté de vous faire remarquer, Monsieur le Ministre, que Larmor possède quatre usines de conserves alimentaires, que le commerce des sardines, poissons, rogues, vins et cidres y est considérable et que cette agréable station balnéaire possède une pépinière de marins qui méritent toute votre sollicitude.

 

Ce n'est que 7 ans plus tard que ce projet refait surface. Le 23 décembre 1900, monsieur Puren, conseiller municipal, expose au conseil, appelé à se prononcer sur une subvention pour le port de Lomener, que des dépenses relativement minimes permettraient à Larmor l'établissement d'une cale de débarquement allant de la petite cale sud à la roche du père Boulay. Il demande que le conseil vote une subvention de 2000 F largement suffisante pour, avec les fonds du département et de l'état, établir la cale demandée qui est absolument indispensable pour le débarquement des nombreux voyageurs et des habitants de Larmor ainsi que pour l'accostage des bateaux à vapeurs.
Le conseil émet le vœu que l'administration des ponts et chaussées fasse l'étude des travaux nécessaires et vote le principe d'une subvention.

Le projet établi est beaucoup moins ambitieux que les môles envisagés depuis 20 ans et rappelle la proposition faite par M. Hecaen en 1893. Il conduit à une dépense de 11 000 F dont un tiers à la charge de la commune. Le 17 mars 1901, à la demande de son maire, monsieur Le Coupanec, le conseil vote une subvention de 3700 F correspondant à sa part dans les travaux de la cale du père Boulay et demande son exécution aussi prompte que possible.

Le 22 mai 1901, le conducteur des ponts qui s'est rendu sur place écrit dans son rapport :
A toutes les basses mers de vives eaux, l'accostage ne peut se faire que par la plature de rochers qui existe au sud du port dont la surface est très accidentée, recouverte de goémon et sur laquelle la circulation est très difficile sinon dangereuse.
Actuellement lorsque la hauteur d'eau n'est plus suffisante pour permettre l'accostage des cales existantes, les bateaux à vapeurs sont dans l'obligation de mouiller à une certaine distance du rivage, puis de transporter leurs voyageurs à terre dans un bateau à fond plat, à faible tirant d'eau.

1902 Debarcadere 4S1247Lorsque la mer est bien calme, ce bateau peut accoster la plature rocheuse près de la roche du père Boulay ; les voyageurs doivent alors traverser cette plature dans toute sa largeur. Mais lorsqu'il y a un peu de clapotis, même quand la mer est belle, le voisinage des roches émergentes et de celles disséminées sur le fond ne permet pas de débarquer à la roche du père Boulay. Le bateau plat doit alors se diriger vers la petite cale sud dont il s'approche autant que le permet la hauteur de l'eau et le débarquement s'opère à dos d'homme.
Le projet consiste en l'établissement d'un débarcadère à la roche du père Boulay. Les bateaux pourraient accoster franchement l'ouvrage le long duquel ils trouveraient la plus grande profondeur d'eau. Le débarcadère serait ensuite relié à la cale sud par une chaussée en maçonnerie établie sur la plature, destinée à rendre possible sans danger la circulation sur les rochers. Ces ouvrages submersibles ne seraient utilisés qu'au moment des basses mers.

Observons que le "Petit Port" actuel était alors dénommé "Grand Port".

La société des vapeurs Port-Louisiens sollicitée par la commune pour une participation financière aux travaux envisagés vote une subvention de 700 F pour construire la nouvelle cale.

  

1902 Debarcadere 4S461

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Certaines modifications apportées au projet ont ramené son coût à 8225 F.
Le 28 mars 1902, le ministère prend en considération le projet et fixe la part contributive de la commune à 45 %, soit toujours 3700 F. Il demande à recevoir son engagement financier, à soumettre le projet à la commission nautique et à ouvrir les conférences mixtes réglementaires.

Le 13 avril le conseil maintient à l'unanimité sa subvention de 3700 F.

La commission nautique se réunit le 23 mai. Elle est présidée par monsieur Le Romancer, syndic des gens de mer et composée de messieurs :

                                         Goulven Etienne, ancien capitaine au long cours ;
                                         Créour Marc, patron pêcheur à Larmor ;
                                         Esvan Joseph, patron pêcheur ;
                                         Romieux Louis, propriétaire ;
                                         Desforges, propriétaire ;
                                         Le Bras Eugène, négociant
La commission serait reconnaissante à monsieur le préfet du Morbihan de vouloir bien avoir la bonté de faire aboutir le plus tôt possible le projet en question.

Le dossier est ensuite transmis aux administrations concernées qui toutes (direction des travaux hydrauliques, génie à Brest, ministères de la guerre, de la marine et des travaux publics) donnent leur accord à la construction du débarcadère. Muni de toutes ces adhésions le ministère des travaux publics clôt l'instruction mixte le 6 septembre 1902.

Le 8 novembre, le projet définitif est rédigé avec devis et cahier des charges pour être adressé au ministère qui le valide le 8 janvier 1903.

Les travaux sont mis en adjudication à la préfecture de Vannes le 14 mars. 7 concurrents ont fait des offres allant d'une augmentation de 5% à un rabais de 7%. C'est M. Frédéric Borgat, qui emporte le marché pour 7014,93 F.

1903 Debarcadere02 4S463Les travaux démarrent rapidement et, selon l'administration, devraient être terminés avant la fin de l'année. Mais le 27 août 1903, l'ingénieur des ponts et chaussées intervient auprès de monsieur Borgat.
J'apprends que, contrairement à ce qui avait été convenu entre nous, et malgré le beau temps, vous n'avez pas profité des vives eaux de mardi et mercredi, pour établir les fondations du débarcadère de Larmor.
Je crois devoir en conséquence vous adresser un nouvel ordre de service et vous prévenir que je n'hésiterai pas, au cas où vous persisteriez dans votre inaction à prendre au besoin des mesures de rigueur contre vous.

Le 14 octobre, M. Borgat informe l'ingénieur des ponts et chaussées que les travaux de maçonnerie constituant le débarcadère ont subi d'importantes avaries occasionnées par la tempête des 11 et 12 octobre. Il demande à être indemnisé des dégâts subis.
Une nouvelle tempête, le 22 octobre, occasionne d'autres dégradations et retarde les travaux.
Le 28 janvier 1904, M. Borgat écrit au préfet que les travaux sont terminés et demande à être remboursé des dommages qu'il évalue à 1636,82 F. Le 31 mars, le ministère donne une réponse favorable à sa requête.

 

 

 

Nouvelle tempête
Entre le 1er et le 8 mars 1908, une violente tempête cause de nombreux dégâts sur tout le littoral. A Larmor, la cale sud, fragilisée depuis longtemps, a subi de graves dégradations. Une réfection sur une vingtaine de mètres s'impose, soit une dépense évaluée à 3200 F. Le ministère donne son accord le 29 avril.