1900 La bénédiction des coureaux, qui depuis toujours se célèbre le 24 juin, a lieu cette année le 1er juillet. La coïncidence de la Fête-Dieu survenant ce jour-là a été la seule cause de cette dérogation à un usage consacré par le temps. On pouvait compter que la fête reportée au premier dimanche de juillet attirerait une affluence beaucoup plus nombreuse ; mais le temps incertain et menaçant a retenu les timides.

Malgré cela, les trains de voyageurs débarqués à chaque instant des vapeurs Port-Louisiens eurent bientôt fait de garnir comme aux plus beaux jours les cales et les jetées du petit village.

Les pèlerins embarqués, la flottille s'ébranle et bravant la fureur des éléments soulevés par une forte brise du sud, elle s'avance vers le large. L'épais brouillard qui couvrait la mer faisait bientôt disparaitre les vapeurs aux regards des curieux restés sur le rivage.

De grosses lames, arrivant du large, venaient à chaque instant se briser contre les flancs des navires et leur imprimaient des secousses redoublées. Aussi furent-ils nombreux les passagers et passagères qui durent payer aux flots l'inévitable tribut, sans que leur infortune éveillât le plus léger sentiment de commisération chez les témoins de leurs efforts !
La cérémonie ne dure que quelques minutes car la tempête ne s'apaise pas. Puis les bateaux de retour débarquent aux jetées les passagers heureux en grand nombre de sentir sous leurs pas un sol moins mouvant que les planches fragiles des vapeurs.

"Le Morbihannais" relate cette journée sur un ton beaucoup plus lyrique.

Le Casino sur la plage de Port-Maria

Assis à la terrasse du Casino…j'écoute la chanson de la vague…elle est verte de fureur…elle se met à rugir, l'écume aux lèvres, bardée de goémons sombres.
Puis elle fuit et avide de nouvelles forces, appelle au large des sœurs de renfort. Et ces sœurs accourent pour venger leurs amies mortes ; elles bondissent, se dressent, se creusent, et quoi ? s'abattent sur la grève, laissant après chaque assaut le flot en déroute se contempler dans son miroir.
                                           Elle monte, elle monte, la Belle que tout Breton adore…
                                           Et toujours c'est le même chant, et jamais ce n'est le même !
                                           Et toujours c'est la même vague, et jamais ce n'est la même !
                                           Et toujours ce sont les mêmes tons, verts, bleus, glauques et blancs et jamais ce ne sont les mêmes……
…Las de voir cette mer agitée et mauvaise, le ciel lui-même s'est tout attristé cet après-midi et il pleure sur ces méchantes vagues qui ont empêché tant de nos amis Lorientais de venir à la bénédiction annuelle. […].Le clergé s'est embarqué cependant sur le vapeur "Nantes-Lorient" et sur la mer grondeuse au milieux de la brume intense se transformant en petite pluie qui fouette le visage, nous sommes partis tanguant, roulant au milieu des cantiques. Le prêtre la bénit, cette gueuse pour tâcher de la ramener au Bien, de faire une Chrétienne de cette toujours païenne, broyeuse des braves marins bretons.

De retour vers quatre heures les Lorientais se sont engouffrés au Casino dont la terrasse et la salle ont été combles tout l'après-midi.
A six heures le dernier bateau à vapeur quitte la cale, ne laissant que peu de Lorientais à Larmor.
Au dehors, dans les ténèbres, la mer et le vent grondent furieusement et la pluie tombe à torrents. La "garce dure aux matelots" sera méchante cette nuit.
                                                                                                                                                                              Johel d'Armor.

◊ ◊ ◊

CroixBannièreEn 1901 le clergé sortait de la chapelle en habit de chœur, précédé de la croix et de la bannière de N.-D. de l'Armor, patronne vénérée des marins bretons et prenait place sur le vapeur Célestine.
La mer était couverte de barques de pêcheurs et de bateaux de plaisance venus des petits ports environnants.
Plusieurs milliers de spectateurs réunis sur la plage ou entassés sur les jetées observent la cérémonie.
M. Le Bras, recteur de Riantec, et ancien vicaire résident à Larmor, a béni la mer, pendant que la musique des Frères de Lorient, dirigée par M. l'abbé Martin faisait retentir sur les flots le chant de l'Ave Maris Stella.
Au retour, un petit incident s'est produit dans la traversée : les vapeurs "Tony" et "Célestine" naviguaient de front à deux encablures l'un de l'autre, lorsque le bateau de pêche "Fleur de lys de Saint-Jean", toute sa voilure au vent, est venu occuper l'espace qui séparait les deux bateaux. Il était gouverné par une main habile et gagnait de vitesse, aussi l'homme qui tenait la barre, offrait-il gracieusement aux capitaines des vapeurs de les prendre en remorque !
Puis changement de route, le voilier manœuvra pour passer à l'arrière du Tony, mais le beaupré du Fleur de lys heurtant la hampe du pavillon placé à l'arrière du vapeur le coupa net au ras du bord. Le drapeau rattrapé fut remis en place.

 ◊ ◊ ◊

Le 23 juin 1904, veille de la bénédiction des coureaux, les transporteurs maritimes rappellent leurs horaires. La Compagnie des Vapeurs Lorientais-Port-Louisiens assurera un service au départ de Lorient à partir de 9 heures. La Compagnie Union Groisillonne établira un service à partir de 8 heures du matin ; dernier départ de Larmor à 5 heures du soir au prix de 0,30 franc aller-retour.
Une foule nombreuse a profité du beau temps pour se rendre à la bénédiction des Coureaux. Malheureusement le départ a été marqué par un grave accident survenu à bord du vapeur de l'Union Groisillonne.
Au moment de l'appareillage vers neuf heures, un tube de vapeur a crevé dans la chaufferie. Le jet de vapeur a grièvement brulé le mécanicien Bouillard, demeurant rue Beauvais et le chauffeur Saliou. Le mécanicien surtout a été profondément atteint à la tête et l'on craint pour ses yeux.

◊ ◊ ◊

Deux ans tard, le 24 juin 1906 tombe un dimanche et la bénédiction attire une affluence considérable, le beau temps favorisant les départs vers Larmor. Depuis midi une foule de passagers se presse pour prendre les bateaux de la Compagnie Port-Louisienne mais il est impossible de transporter tout le monde et plusieurs centaines de personnes doivent renoncer au voyage. Ce qui provoque un grand mécontentement, dont celui de M. Le Frapper, premier adjoint au maire de Lorient qui adressera une lettre de protestation au Nouvelliste.
De 2 h jusqu'à 3 h ¾ il n'y a pas eu un seul bateau pour transporter les voyageurs. Pendant deux heures, 300 personnes au moins se sont morfondues sous le soleil ardent pour attendre un vapeur. Il considère cela comme une forme d'impolitesse envers le public.

Malgré les mesures d'ordre prescrites par l'Administration, il y eut un tel encombrement que les vapeurs, chargés à couler bas, ne purent suffire au transbordement. Quelques femmes tombèrent à l'eau et furent assez facilement repêchées. Pour sa part, le gendarme maritime Allaire en sauva plusieurs.

"La Croix du Morbihan" rend compte de la cérémonie. La mer étant houleuse, de nombreuses personnes sont incommodées par le mal de mer.
Au milieu des coureaux la flottille forme un cercle autour du "Port-Tudy" et l'abbé Toulliou, curé de Grézac, (Charente inférieure), natif de Larmor, bénit les coureaux dans un geste large et majestueux.
A l'arrivée à Larmor, la flottille est accueillie par les cloches de N.-D. de Larmor, patronne des marins d'Arvor, qui jettent dans les airs leurs plus beaux carillons. Une foule de plus de 20 000 personnes, assistait à Larmor, au retour des pèlerins de la mer.

◊ ◊ ◊

La veille de la bénédiction de 1908 les transporteurs maritimes proposent leurs meilleurs tarifs et publient leurs horaires :

Le service des chaloupes automobiles du Kernével sera assuré toutes les demi-heures à partir de 9 h. du matin, et, si l'affluence du public le demande, toutes les 10 minutes à partir de 1 heure. Dernier départ du Kernével à 8 h ½ du soir.

La Cie des vapeurs Lorientais-Port-Louisiens à partir d'aujourd'hui assure un double service toutes les demi-heures de 11 h ½ du matin, jusqu'à 7 h de Port-Louis, et 7 h ½ de Lorient.
Et à l'occasion de la bénédiction des coureaux de Groix, un service spécial sera fait sur Larmor mercredi 24 juin, à partir de 8 h du matin. Des vapeurs accompagneront la procession dans les coureaux. Prix des places 0,50 F.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

              Vapeur La Célestine                                                                                                                                 Vapeur La Cécile

Vapeur Le Port-Tudy

Le vapeur "Port-Tudy" brillamment pavoisé, quittait l'avant-port (de Lorient) emportant vers Larmor les organisateurs de la fête et s'arrêtait à la cale est du petit village, autour de laquelle se pressait la foule endimanchée.
Une soixantaine de bateaux-pêcheurs et autres, tous pavoisés, attendent le signal du départ……Au milieu des coureaux, plus de cent bateaux forment un immense cercle autour du "Port-Tudy".

◊ ◊ ◊

En 1909, la fête qui tombe un jeudi promet d'être exceptionnellement brillante si le temps se maintient au beau. Monseigneur Gouraud, évêque de Vannes, doit présider la cérémonie.

Malheureusement le temps est exécrable et l'évêque ne viendra pas.
Malgré tout, les offices religieux sont célébrés au milieu d'une foule compacte et il était difficile de pénétrer dans la chapelle que remplissait une foule recueillie.
En raison de la tempête qui depuis trois jours se déchaine sur nos côtes la bénédiction des coureaux perd de son éclat. On se demande même si elle aura lieu. Cependant le "Port-Tudy" accoste à marée basse à la cale sud et embarque clergé et passagers, puis semble faire route vers le large.
Il y aurait eu quelque témérité à s'éloigner du rivage, tant la mer était furieuse. Après avoir franchi une distance de moins de deux kilomètres, le capitaine jugea bon de revenir au port. Avant de toucher à la cale, le prêtre officiant fit le tour du bateau et bénit la mer, pendant que les passagers chantaient.

◊ ◊ ◊

En 1911 à cause de la température inclémente et d'une forte brise la fête a perdu son éclat des jours passés et tout semble se conjurer pour que nos arrière-neveux ne connaissent de la bénédiction des Coureaux, qu'une vague et obscure tradition.

Le "Port-Tudy" après avoir évolué dans les Coureaux de Groix, s'arrêta à un point fixé et, pendant que les fronts s'inclinaient, pendant que les pavillons tricolores saluaient le prêtre officiant, M. l'abbé Méry-Le Beuve, recteur de "Nore-Dame Auxiliatrice", monté sur la passerelle, bénissait l'océan immense.

◊ ◊ ◊

1912 voit un important changement en ce qui concerne la date de la cérémonie qui jusqu'à présent avait toujours lieu le 24 juin, jour de la Saint-Jean. Mais l'église a déplacé la date de la fête de Saint-Jean et l'a fixée au dimanche le plus rapproché du 24. Dorénavant, la bénédiction des coureaux suivra cette date.
La fixation de la bénédiction des coureaux au dimanche, aura pour résultat d'attirer à Larmor un plus grand concours de fidèles, toujours heureux d'assister à cette cérémonie si touchante et si émouvante.

Pont de Kermélo

 

 

Si beaucoup profitent en cette circonstance, des vedettes et vapeurs mis à leur disposition, le bon et brave élément populaire qui n'hésite pas à franchir les 6 kilomètres à pied, se demande, si le pont de Kermélo a encore assez de solidité.

 

Le pont de Kermélo vers 1900 Collection privée

Ce bon vieux pont de Kermélo, chanté jadis par Brizeux, comme toute chose, s'use, s'effrite, se décompose……bien qu'il fléchisse de plus en plus et qu'on en ait interdit l'accès aux charges lourdes, charrettes ou camions, il semble qu'aucune règlementation en ait interdit le dangereux passage aux pesantes automobiles.
La veille de la cérémonie, le préfet rappelle les arrêtés en vigueur pour le franchissement du pont et donne des instructions au gardien pour règlementer la circulation des automobiles à l'occasion de la fête des coureaux.
Dès le matin, vapeurs et vedettes déversaient sur la belle et vaste plage de Larmor des flots de pèlerins et de curieux en toilettes claires, pendant que, sur le pont branlant de Kermélo la foule des piétons était telle que, pour éviter un effondrement toujours possible de la vieille passerelle, on avait organisé un service d'ordre n'y permettant la circulation que par petits paquets.
Selon l'agent voyer, environ 10 000 piétons auraient emprunté le pont ce jour-là.

Le clergé local entouré de plusieurs prêtres des paroisses voisines en habits sacerdotaux, a pris place à bord du Port-Tudy gaiement pavoisé pour la circonstance. Le cortège, aux chants des cantiques et aux excellents accords de la fanfare des Enfants du Plessis, s'avança dans les coureaux. L'abbé Le Dortz, curé-doyen de Plœmeur, préside la cérémonie. Le goupillon à la main, d'un geste large il asperge la mer aux flots agités, champ fécond parfois en ressources pour nos braves pêcheurs, trop souvent, hélas, en revers et en catastrophes mortelles.

◊ ◊ ◊

L'année suivante, 1913, journée magnifique et affluence au village de Larmor. Vapeurs et vedettes regorgent de monde, tandis que par tous les chemins aboutissant au vénérable sanctuaire de Notre-Dame de la Mer se presse une foule innombrable et joyeuse soulevant des nuages de poussière ; à la vérité, plus de curieux que de pèlerins.

Au pont branlant de Kermélo qui va bientôt disparaître un service d'ordre dût être organisé pour n'y permettre le passage que par groupes de 10 personnes. La précaution n'était pas inutile.

Larmor est maintenant paroisse et pour la première fois, c'est son recteur, M. Jourdan, qui préside la cérémonie, accompagné de l'abbé Le Bars, aumônier du lycée de Lorient. Avec les enfants de chœur, les porte croix et bannières, et la fanfare des trompettes Port-Louisiennes, ils prennent place sur " L'Ile de Groix".
Trois autres vapeurs, des vedettes blanches et vertes recueillent la foule qui se précipite pour y trouver place puis l'escadre escortée de quatre thoniers aux coques bariolées, se dirige vers le large, aux accents du cantique français et breton : "Chrétiens et bretons ignorent la peur…"
A un mille de Groix se déroule l'habituelle cérémonie.
Et voici que sur le cimetière infini, où dorment tant de générations bretonnes, s'élève grave et lugubre, le cri d'appel angoissé du "De Profundis".
Au retour à la chapelle, l'abbé Le Bars parle de la Grande Bleue, mangeuse d'hommes, enjôleuse et traitresse, et montre en Notre-Dame de Larmor le refuge assuré des pauvres marins qui lui disputent, à si grande peine, le pain quotidien des familles.

◊ ◊ ◊

En 1914 la bénédiction des Coureaux aura lieu le dimanche 28 juin et si le temps le permet, la cérémonie sera encore plus grandiose et impressionnante que les années précédentes, dans l'ignorance qu'un mois plus tard ce serait le début de la Première Guerre mondiale.

 

Journée radieuse, idéale, fête des yeux, fête encore plus du cœur […] nombreux sont les pèlerins qui en début de période sardinière venaient implorer la protection du ciel sur leur dur métier de travailleurs de la mer.
A Larmor, la foule était tellement compacte qu'on y étouffait littéralement.
L'abbé Driannic, curé-doyen de Port-Louis célèbre les offices. Au port, la mer monte, clapote contre les cales d'embarquement et des passagers trop pressés prennent un bain de pied.
Le Port-Tudy portant le clergé est escorté des vapeurs Margaëte, Cécile, Louis, Rienzi, et d'une centaine de barques de toutes sortes, yachts, chaloupes, canots, etc.

 

 

◊ ◊ ◊

1915 Sauf à faire le trajet en vapeur ou vedette surchargée, le franchissement du pont de Kermélo est le passage obligatoire pour les piétons venant de Lorient.
C'est l'occasion pour la presse de polémiquer, une fois de plus, sur l'ancienne passerelle et le nouveau pont.
La blanche route qui descend de la buvette du Polygone à la Fontaine des Anglais, puis remonte vers Quélisoy et descend à nouveau délicieusement ombragée cette fois, à ce qui fut le pont de Kermélo, semblait couverte d'une noire fourmilière.
Malheureusement le pont risque de s'écrouler. Un autre ouvrage est en construction malgré les difficultés dues à la guerre, et pour le moment il faut emprunter une provisoire passerelle en bois. Toute la journée, il faut affronter le danger sur ce passage étroit et plus que branlant, de milliers de personnes que des gendarmes, postés aux deux extrémités, avaient toutes les peines à contenir pour que le poids d'une trop lourde masse ne fit pas céder le frêle appontement, fragilisé par la marée de solstice qui bat son plein et un violent souffle de vent.

Ceux qui ne craignent pas les Boches (de Alboche, vulgairement un Allemand), craignent encore moins les brutalités fantasques de la mer. Elle est pourtant si changeante qu'on ne sait vraiment à quoi s'en tenir avec elle. Mais elle est aussi si douce et si bonne quand elle le veut bien, notre sauvage mer bretonne, que si mangeuse d'hommes qu'elle soit, jamais n'ont été si nombreux nos petits gars d'Arvor qui brûlent de l'affronter chaque jour.
Et cet état d'âme s'est bien manifesté encore dimanche à Larmor, dont les plages si appréciées ont été envahies par de véritables flots de pèlerins et de curieux accourus d'un peu partout.

Ce serait au dernier point oiseux de revenir sur la cérémonie en soi : sauf les aménagements modernes, bateaux à vapeur et autres, c'est toujours à peu près la même chose.
Mais de cette même chose on ne se rassasie pas : c'est pourquoi nous avons pu avoir le plaisir de constater, dans ce joli village de "Notre-Dame de la Mer", un très appréciable afflux.
La cérémonie elle-même, si connue, surtout depuis les ouvrages de Souvestre et de P. Féval, (Le Poisson d'Or), s'est quelque peu accommodée au "modernisme". Mais l'essence en est restée telle.

◊ ◊ ◊

1916 Cette année, les deux dimanches de la Fête Dieu coïncident avec deux des principaux pardons de Larmor. Les cérémonies sont organisées ainsi :
- Dimanche 24 juin, le matin office et procession de la Fête Dieu. L'après-midi procession aux Coureaux, suivie de l'allocution de M. le curé-archiprêtre de Lorient, puis salut et bénédiction des petits enfants.
- Dimanche 2 juillet : L'après-midi, procession de la Fête Dieu et de la Clarté.

Le 27 juin, Le Nouvelliste du Morbihan titre :

Dimanche splendide et affluence record en raison surtout de l'appoint fourni par les mobilisés de toutes armes. Les routes sont noires de monde et les vapeurs combles à chaque voyage. Et malgré cela, pas de désordre, on se distrait, on s'écarte un peu pour un court instant des douloureuses préoccupations de l'heure présente; mais on est Français, on est Breton : ceux qui sont morts glorieusement, ceux qui se livrent en ce moment, là-bas, corps et âme, pour la victoire peut-être prochaine, ne sont pas oubliés….

Comme pour corser la fête, un navire de l'air - un hydravion - monté par un jeune officier de marine et un Belge, est venu survoler la procession navale se dirigeant vers les coureaux, au-dessus desquels il paraissait comme un messager divin chargé d'apporter à nos braves pêcheurs, une réconfortante promesse.

◊ ◊ ◊

En juin 1917 sous le titre "Propos d'un Lorientais", M. Léo Le Bourgo évoque la cérémonie telle qu'elle se déroulait au siècle dernier, lorsque la flottille des pêcheurs de Groix y participait. Le clergé de l'ile passait dans la chaloupe de celui de Larmor. Les deux croix paroissiales s'inclinaient et s'embrassaient. Le recteur de Plœmeur, debout sur un banc de rameur, après avoir récité une prière, aspergeait la mer en face des quatre points cardinaux.

Mais, depuis longtemps, les Grésillons ne prennent plus part à la fête; et cette année il leur serait impossible d'y assister ; la plupart d'entre eux ne ferait pas leur campagne de pêche, car ils ont presque tous abandonné leur ile pour faire une autre campagne !
Le 24 juin, la bénédiction des coureaux n'aura comme spectateurs que les gens de la côte et les Lorientais qui iront passer, s'il fait beau, le dimanche à Larmor.

◊ ◊ ◊

1919 Bien triste, cette fête de la mer bretonne pendant toute la période de la guerre qui vient de se clore victorieusement ce jour même de la Saint-Jean.
Mais hier, tout était à la joie, le temps du reste était superbe, et c'est au milieu des pavois de la Victoire, que les vedettes et vapeurs ont transporté à Larmor une véritable foule de pèlerins et de curieux.
L'officiant, assisté d'un nombreux clergé venu de Lorient, de Larmor, de Port-Louis, de Gâvres et de Groix bénissait les flots pour que Dieu acceptât, après tant d'épreuves d'être enfin clément à nos vaillants travailleurs de la mer, hier encore soldats et marins de France pour le Salut du Pays et de la Civilisation.

◊ ◊ ◊

Le jeudi 24 juin 1920 (et non plus le dimanche le plus proche), le pardon de Saint-Jean et la bénédiction des Coureaux, ont lieu sous la présidence de Mgr Le Hunsec, nouvel évêque de Dakar et enfant de la paroisse de Plœmeur.
A Lorient, il fait très beau et chaud à l'excès : aussi n'a-t-on vu que des toilettes tout à fait estivales, canotiers et panamas pour les hommes, jupes et corsages roses, azurés ou blancs pour les dames et les jeunes filles qui se pressaient, dès une heure sur les quais où les vapeurs et vedettes, bien que nombreux, menaçaient de ne pas suffire à les contenir tous.

Pour la procession maritime, le "Port-Tudy" est réservé au clergé, à la famille Méry Le Beuve qui l'affrète et à quelques amis de choix.
Une vedette de la Préfecture Maritime est destinée à M. l'amiral Belzons, préfet maritime par intérim, à sa famille et à ses invités.
La flottille fait escale à Larmor, pour assister aux vêpres. Puis elle reprend la mer, suivie par les embarcations des pêcheurs et des accompagnateurs en direction des coureaux pour la bénédiction des flots par Mgr Le Hunsec, évêque et Préfet Apostolique de Sénégambie.

Après le retour à Larmor, certains engagent la route à pied, en bandes joyeuses, les autres rentrent à Lorient par transports maritimes.