Le 12 juin 1921 a lieu à Groix la bénédiction instaurée en 1913, de la flottille groisillonne depuis qu'elle ne participe plus à la bénédiction des coureaux en 1877.
Près de 300 dundees sont rassemblés dans le port, pavoisés du haut en bas. La population vient en procession à Port-Tudy où se donne le sermon de départ avant la bénédiction de la mer.
A cette occasion, les "voyageurs" peuvent prendre les vapeurs à Lorient ou à Port-Louis.

Le 24 juin à Larmor, c'est la bénédiction des coureaux. Le recteur informe les habitants et les pèlerins qu'en vertu d'une permission épiscopale et en raison du pardon de Saint-Jean et de la bénédiction des coureaux, ils peuvent faire gras le vendredi 24 juin.

 

Les temps ont changé ; le nouveau pont de Kermélo est ouvert à la circulation automobile permettant de se rendre à Larmor plus rapidement. Il est toujours possible de continuer à emprunter les vedettes. Les sociétés de transports automobiles proposent leurs services.

 

 

                                                                                                                    ◊ ◊ ◊

En 1922 le mauvais temps fait craindre pour la réussite de la fête et le Nouvelliste du Morbihan écrit : un bon conseil : que les voyageurs ne s'embarrassent pas de paniers ni de colis avec des provisions ; ils pourront excellemment déjeuner, soit à l'Hôtel de la Plage, soit au Restaurant des Touristes, dirigés par MM. Daniels et Gretener, où le repas ne coute que six francs, cidre compris.

  ◊ ◊ ◊

En 1923 les restaurateurs Larmoriens font leur publicité pour le 24 juin.

La Saint-Jean et les Coureaux seront présidés par M. l'abbé Forbin, professeur à l'Institution Saint-Louis à Lorient.

Les propriétaires de bateaux de plaisance, et de canots à voile se feront un plaisir de venir aux Coureaux. Les bateaux à vapeur prendront une direction, et une vitesse, qui permettront aux embarcations de toutes les dimensions de les suivre.

....Ce fut une admirable journée !

Il faut dire que le Lorientais n'avait que l'embarras du choix. Préférait-il l'air de la campagne ? Il n'avait qu'à prendre le petit train pour Le Faouët et gravir la montagne où règne Sainte Barbe. Au contraire, la mer l'attirait-il ? Il n'avait qu'à choisir entre vedettes, vapeurs, autobus, pour s'en aller vers Larmor assister à la fête de la mer, la bénédiction des Coureaux.
Qui dira le nombre des citadins qui désertèrent leur foyer pour aller à Larmor ? Ce serait bien difficile mais les commerçants de la plage préférée doivent en savoir quelque chose.
…..Voici le "Tudy" qui apparait tout pavoisé sous Port-Louis et arrive à Larmor au moment précis où, les vêpres terminées, la procession descend vers la cale.
Puis après embarquement du clergé, de quelques privilégiés, des croix et bannières le Tudy prend le large… La plage est impressionnante avec ce fourmillement de monde où la coiffe blanche jette sa note éclatante.
Un chant s'élève répété par mille bouches :
                                                                       Reine de l'Arvor, nous te saluons,
                                                                       Vierge immaculée en toi nous croyons !
……Un coup de sifflet prolongé pour signaler aux vapeurs de ralentir et de s'approcher car la cérémonie va commencer.
……Après le chant du "Te Deum" qui s'élève majestueux comme un hymne de triomphe, le "Libera" vient jeter sa plainte désolée pour ceux qui dorment dans la profondeur des eaux. Un dernier geste de bénédiction sur eux et c'est fini. La flottille vire de bord et le Tudy fait route sur Larmor. Le peuple attend son arrivée. Il est étonnant de constater combien le Lorientais adore voir une procession quand elle se passe hors des murs de sa ville ! (à Lorient, les processions sont interdites sur la voie publique depuis les incidents survenus lors de la fête Dieu en 1898)

ThonnierDe retour à l'église, l'abbé Fortin prononce avec éloquence son allocution finale. Le journaliste lui rend hommage car il sait parler des marins pêcheurs et des Bretons. Il est natif de Gâvres et sait brosser des tableaux de la vie des pêcheurs. Il faut avoir perdu des siens dans l'orage ou dans la tempête, pour savoir les représenter roulant leur corps au fond des eaux, leur tête se heurtant de roche en roche et ne devant jamais connaitre la douceur d'une fleur sur une tombe que des parents entretiennent pieusement.

Parmi les navires perdus corps et biens, ce thonier disparu il y a moins d'un an, en septembre 1922. Le Suzanne Henriette immatriculé sous le numéro G 730, construit en 1898 est venu faire sa toilette sur la plage de Toulhars, en vue de la Bénédiction.

 

◊ ◊ ◊

1924 Le vapeur "Ile de Groix" est à la tête du cortège.

Au chant du Libéra semble répondre la voix des trépassés, ceux dont la mer garde jalousement les corps, mais dont les âmes en ce jour planent et protègent leurs parents et leurs camarades agenouillés dans les barques de pêche.
Le journaliste souligne un certain faste dû à la présence de nombreuses personnalités militaires : Parmi les embarcations, on avait reconnu les vedettes du préfet maritime, le contre-amiral d'Adhémar de Cransac, du contre-amiral Chauvin, chef d'état-major du vice-amiral Jéhenne, le contrôleur général Le Marquant, etc. etc.

La réaction ne se fait pas attendre. Le ministre de la Marine, Gaston Dumesnil, adresse aux ports une circulaire rappelant les règles à observer.

Je crois devoir vous rappeler les dispositions administratives qui règlent la participation du personnel militaire de la marine aux cérémonies civiles ou religieuses, et qui me paraissent avoir été perdues de vue le 24 juin dernier dans un de nos ports, celui de Lorient.

Individuellement et à titre privé les militaires de tous les grades de la marine de l'Etat ont toute liberté pour assister, sans autorisation, à des cérémonies de cette nature, sauf à répondre hiérarchiquement de l'exercice abusif de cette liberté.
Mais pour prendre part à ces mêmes cérémonies, collectivement et à titre officiel, il est de règle qu'ils se réfèrent préalablement à l'autorisation civile, en l'espèce le préfet du département avec lequel ils doivent se mettre d'accord.
De même, la participation par ordre, du personnel subordonné et celle des bâtiments de l'Etat dont l'usage peut être envisagé, doivent nécessiter l'autorisation expresse du ministre de la Marine.

◊ ◊ ◊

1926 Le journaliste du Nouvelliste du Morbihan rédige un article très détaillé.
C'est jeudi et il fait un temps splendide.
Le Port-Tudy, qui a arboré le grand pavois, attend au port de commerce de Lorient les invités lorientais. Sur une mer d'huile, il remonte vers la rade et met le cap sur Larmor où il arrive une demi-heure après et attend la fin des vêpres pour permettre au clergé de venir à bord.
Deux vapeurs port-louisiens et deux vedettes sont là aussi avec leur complet de passagers ; on remarque de nombreux enfants du sanatorium de Kerpape sous la surveillance des infirmières et des sœurs.

A 2 h 30, les croix, les huit bannières, les jeunes filles portant la statue de N.-D. de Larmor, charmantes sous leurs voiles blancs et leurs coiffes lorientaises, arrivent en procession sur la jetée et l'embarquement a lieu aussitôt.

Le chanoine Pouëzat, curé-archiprêtre de Saint-Louis de Lorient préside la bénédiction, accompagné de M. Le Néchet, recteur de Larmor et de nombreux prêtres, vicaires, aumôniers et même des professeurs qui profitent du jeudi de libre.
A bord, l'Ave Maris Stella monte dans le ciel, répété par mille poitrines. Deux vapeurs sont venus se ranger bord à bord avec le Tudy et les vedettes suivent derrière. On pourra suivre la cérémonie aussi bien qu'à bord du bateau amiral !
Et voici que ce mot venu sous notre plume, nous fait songer précisément à l'absence de la vedette de l'amiral qui apportait, il n'y a pas longtemps encore, le salut de la marine militaire à la marine marchande dans cette fête de la mer, si belle et si touchante. Brutalement, sans aucun motif sérieux, brisant une tradition que chacun aimait et respectait, un ministre de la Marine, il y a deux ans, interdisait le salut de l'amiral aux marins-pêcheurs. Le ministre a passé… mais l'interdiction est restée !...
Sept dundees mouillés sous Larmor, ne purent rallier la procession dans les coureaux, à cause de la faible brise, et c'est bien dommage.

Après l'Ave Maris Stella, le cantique "Sainte-Anne, ô bonne mère" s'élève à son tour.
……….Un coup de sifflet déchire l'air. Les machines cessent de battre, les fronts se découvrent, et c'est dans un silence solennel que le chanoine Pouëzat entonne les chants et dit les prières liturgiques. Puis, faisant le tour du bateau, il bénit la mer.
Le "Te Deum", chant de triomphe, monte vers le ciel, suivi de la plainte désolée du "Libera" pour ceux qui dorment au fond des eaux.

Puis la flottille fait demi-tour et retourne vers Larmor où une foule attend l'arrivée de la procession qui remonte vers la vieille église. Le chanoine monte en chère et s'inspire de la cérémonie qu'il vient de présider pour adresser à la foule une émouvante allocution.
"Ah! la vie du marin est pénible. Et cependant combien peu se l'imaginent telle qu'elle est ! Quand la campagne est ravagée par le mauvais temps, quand la récolte et la moisson sont en péril, on plaint le travailleur des champs parce que le malheur est là, tangible. Mais si sa récolte est perdue, lui, du moins, est à l'abri. Tandis que le marin isolé entre le ciel et la mer en furie, perd souvent sa vie avec sa récolte.
Le marin semble perdre de sa foi ; cependant quand il est en péril de mort, sa foi se réveille et il invoque le secours de Sainte-Anne d'Auray.
Ah! Certes, je vénère Ste Anne, moi qui ai vécu tant d'années auprès de son sanctuaire. Mais Ste Anne n'est toute puissante que parce qu'elle est la mère de Marie ; elle n'est toute puissante que parce qu'elle est la bonne grand'mère de l'enfant Jésus. C'est Dieu que le pêcheur doit reconnaitre avant d'aller en mer, c'est vers lui qu'il doit se retourner dans le péril de la mort".
La voix du chanoine tremble d'émotion car il connait bien la vie des marins pêcheurs. Il a bénit et prié pour ceux qui ont disparu dans les coureaux, dans la mer immense et dans ce nombre n'a-t-il pas lui-même des parents ?
Et par une pente naturelle, il en arrive à parler magnifiquement des morts de la Grande Guerre.
"Quand je voyais un soldat tomber pour ne plus se relever, je me promettais de demander pour lui des prières." Il dit avoir tenu le plus possible sa parole envers les soldats, mais n'a pas eu l'occasion de le faire autant pour les marins tombés au champ d'honneur ou qui dorment au fond des eaux.
"Aujourd'hui pensons à eux et prions pour les marins morts pour la France".

Le recteur de Larmor remercie le chanoine et tous ceux qui ont assisté aux cérémonies, puis la foule se répand dans le bourg. Les trompes des autobus et les sifflets des bateaux appellent les retardataires qui se décident à rentrer.
En mer, les dundees, toutes voiles dehors, prennent le large et certains, mentalement leur adressent leurs vœux.

◊ ◊ ◊

1928
Le journaliste commente une fois de plus l'absence remarquée de la marine. On reste stupide devant cette autre stupidité qui éloigne, en ce jour, le marin au col bleu de son frère, le marin au suroit, comme si le marin de l'Etat et le marin du commerce n'étaient pas égaux devant le péril de la mer en furie !...
Cette année, c'est le chanoine Kerhino, Supérieur de l'Institution Saint-Louis, qui préside la cérémonie.
De retour à l'église, l'abbé Fonteny, vicaire à St-Christophe, va s'adresser à la foule qui remplit l'antique sanctuaire et lui dire les raisons pour lesquelles les bénédictions du ciel doivent être attirées sur la mer, afin que celle-ci donne au pêcheur ses trésors et que le pêcheur soit conservé à sa famille.
La patriote de Merville a prêté son concours à la fête, ainsi que la fanfare des pompiers de La Garenne Colombes.

◊ ◊ ◊

articleEn 1930, la paroisse de Larmor célèbre la cérémonie de la bénédiction de la mer avec un faste exceptionnel, en présence de monseigneur Tréhiou, évêque de Vannes.

L'église est ornée de guirlandes azur, blanches et roses. Le chœur est richement drapé d'or.
La clique des Moutons Blancs de Noyal-Pontivy, se fait remarquer par sa fière allure.
Crosse en main, coiffé de sa mitre, l'évêque bénit la foule massée sur son passage jusqu'à l'embarcadère avant de prendre place sur le vapeur "Louis" escorté par un vapeur et trois vedettes. La flottille stoppée, la voix de l'évêque dominant le bruit du vent et de la mer, appelle les bénédictions du Bon Dieu sur les marins qui vont partir et fait appel à la divine miséricorde en faveur de ceux qui dorment ici de leur dernier sommeil.
Malheureusement la mer est un peu houleuse mais les nuages s'éloignent grâce à la brise qui se lève.
La procession en mer terminée, Larmor retentit à nouveau du bruit des tambours et clairons des Moutons-Blancs et le cortège se reforme pour se rendre à la nouvelle salle paroissiale que l'évêque doit bénir.
Il dit sa joie de célébrer par cette bénédiction l'anniversaire de son sacre, rappelant qu'il y a quarante ans il était déjà venu à Larmor avec ses parents, ignorant qu'il y reviendrait comme évêque de Vannes.

◊ ◊ ◊

En 1931 bien que les moyens de transports offrissent toutes les commodités désirables la cérémonie ne connait pas l'éclat des jours de grande affluence.
Le pardon semble souffrir d'une indifférence due au fait qu'il est fait uniquement appel au concours discipliné de la foule.
Où est le temps où le boutiquier Lorientais quittait son comptoir pour accourir se joindre au cultivateur de Plœmeur qui avait délaissé son foin et au marin de Lomener, avant tout soucieux de ne pas déserter la solennité religieuse célébrée à son intention ?
Le journaliste évoque le déroulement de la cérémonie il y a un siècle, avant de raconter celle du jour.
Le clergé embarque à bord du vapeur Louis qui a hissé son grand pavois. Le chanoine Corric, curé-archiprêtre de Saint-Louis de Lorient est accompagné de sept autres prêtres. Bien sagement, la chorale des jeunes filles vient prendre place à l'arrière du bateau où les enfants de chœur se sont blottis l'un contre l'autre, comme des oisillons rouges sur la maîtresse branche soutenant le nid.
De retour, la procession se rend à l'église. Le chanoine Kerhino monte en chair pour préciser le sens de la cérémonie. Puis après le salut du Saint-Sacrement, les enfants sont portés par leurs mères vers l'autel, afin d'être placés sous la double protection de Saint-Jean et de N.-D. de Larmor. Ainsi se termine, en vrai pardon breton, la bénédiction des coureaux, ce pieux pardon de la mer.

Le bulletin paroissial de Larmor précise que les deux fêtes toujours aussi populaires des Coureaux et de la Clarté tombent le même jour. Mais le mercredi étant jour de marché à Lorient, l'affluence est moins considérable, toutefois la procession en mer ne perd rien en recueillement.

◊ ◊ ◊

En 1934, cette année la bénédiction des coureaux tombe un dimanche et attire beaucoup de familles lorientaises. Les autobus n'ont cessé de sillonner la route, comme les vedettes d'aller et venir pour le transport des voyageurs. Mais le temps est orageux et des averses torrentielles se succèdent.……La procession sortit de l'église au son de cette cloche qui nous a plus d'une fois ému, alors qu'elle répondait au salut des trois coups de canon tirés en l'honneur de N.-D. de Larmor, par les bâtiments de guerre sur lesquels nous allions faire campagne.
La clique de l'Etoile d'Arvor sous la direction de l'abbé Gallais est de la fête. On peut reconnaitre le chanoine Guillo, directeur des Œuvres diocésaines, venu de Vannes pour représenter l'évêque des marins, Mgr Tréhiou, tous deux amis de la mer. L'abbé Le Néchet, le dévoué recteur de Larmor-Plage veille à tous les détails de la cérémonie qui est son œuvre.
Le Pen Men ayant donné trois coups de trompe, le Pen Er Vro et quelques petits bateaux et plusieurs thoniers s'approchent pour recevoir la bénédiction en même temps que celle de la mer.
Au retour, c'est une hâte sous la pluie, vers l'église pleine à craquer de monde, et magnifiquement décorée.
Le chanoine, très éloquent, après avoir évoqué les titres qui unissent la Vierge à la mer qui reste constamment propre et rejette tout ce qui peut entacher sa pureté ne peut s'empêcher d'évoquer un problème qui n'est pas nouveau : Mais pourquoi faut-il que la mer soit profanée par des indécences de costumes ? à tel point qu'il est souvent interpellé par des familles lui demandant s'il n'y a pas dans le Morbihan une plage au moins où elles pourraient envoyer leurs enfants sans crainte d'assister à des spectacles indécents.
Et de conclure : Aux catholiques de donner l'exemple et de faire que nos plages reviennent à la modestie d'autrefois.
Peu après une pluie torrentielle s'abattait sur Larmor et des familles venues par bateau repartaient aussitôt par les autobus.

◊ ◊ ◊

1935 Les fêtes de la mer tendent à reprendre leur splendeur et à s'instituer dans certains ports. C'est le cas à Dinard et à Boulogne-sur-Mer. L'interdiction faite en 1924 à la Marine Nationale de participer à ces évènements est maintenant levée et elle est largement représentée à Boulogne.

A Larmor, le nouveau recteur, l'abbé Le Tallec, de nombreux prêtres, les enfants de chœur, les jeunes filles de blanc vêtues portant la statue de N.-D. de Larmor, la chorale embarquent sur le Louis. La vedette Eugénie-Elvire des Vedettes d'Arvor, à bord de laquelle a pris place le contre-amiral de Spitz, embarque à son tour des passagers.
Un incident survient à bord du Louis. Un instant, on a cru qu'un homme était tombé à la mer alors qu'il s'agit seulement du chapeau d'une dame, que le vent a emporté et qui flotte sur l'eau.

Une quarantaine de thoniers évoluent en rade de Port-Louis et sous Groix, mais sans participer à la cérémonie.
Seule, une vedette de la Marine Nationale ayant à bord quatre officiers, suivra le "Louis" et participera à la cérémonie.
Après le Salut dans l'église et les chants de la chorale dominée par la voix si pure de Mlle Kersaho, on entend pour la première fois un cantique breton se terminant par ces vers :
                                                                               O Rouannez karet en Arvor,
                                                                               O Mam lan a druhé,
                                                                               Ar en doar, ar en mor,
                                                                              Goarnet hou pugalé.

◊ ◊ ◊

En 1936 à l'instar de l'expression utilisée dans les ports de Dinard et de Boulogne depuis quelques années, la presse parle du "Pardon de la Mer" et c'est bien là le mot qui convient à cette cérémonie entre le continent et la grande ile de Groix. C'est un pardon comme les pardons de nos campagnes bretonnes, avec cependant cette différence essentielle qu'au lieu du feu de joie, c'est le "Libera" qui monte en supplication vers le ciel pour les péris en mer qui n'ont pas de sépulture au cimetière du pays natal.

Le Pen er Vro, sous le commandement du capitaine Mobé, mouille au large pour attendre les vedettes qui font le transbordement des passagers. Une dizaine de prêtres participent à la cérémonie présidée par le chanoine Corric, curé-archiprêtre de Saint-Louis de Lorient.

◊ ◊ ◊

1939 Le "Pen Er Vro", plus grand bâtiment de l'Union Lorientaise-Groisillonne-Port-Louisienne, mis à disposition par M. Jacques Giband et commandé par l'excellent patron Gildas Yvon, embarque le clergé, les fidèles et de nombreux membres de la "Ligue Maritime et Coloniale" accompagnés de leur président, le commandant Masson. La Marine Nationale ne semble pas représentée.
A l'issue de la bénédiction, la Société des Hospitaliers Sauveteurs Bretons récompense plusieurs Larmoriens pour leurs actes de dévouement.

◊ ◊ ◊

C'est le lundi 24 juin 1940 que "les Allemands font leur entrée dans la paroisse" est-il écrit cinq années plus tard dans "La Liberté du Morbihan".Allemands

Les premiers qui nous arrivent sont misérablement vêtus. Ils sont arrogants et nous dévisagent avec un air méchant.
La procession de la Saint-Jean en mer est supprimée par ordre de l'autorité allemande et interdiction nous est faite de sonner les cloches.
Deux jours plus tard, le 26, un décret arrête que tout possesseur d'une radio doit la remettre aux autorités sous peine de mort ou de travaux forcés.

                                                                                                                                                  Allemands plage de Port-Maria - Collection privée

◊ ◊ ◊

1944, le 7 mai marque officiellement la fin de la Seconde Guerre mondiale mais le 19, avant le repli des Allemands à Lorient, plusieurs bateaux quittent le port pour se rendre en Grande-Bretagne ou vers le sud-ouest.
Malheureusement, c'est sans compter sur les mines sous-marines allemandes. Ce mercredi, le chalutier "La Tanche" chargé d'environ 200 personnes, jeunes, militaires, Français, Polonais, parfois avec leur famille et leurs maigres colis, saute près des coureaux, projetant dans les flots ou engloutissant dans sa coque disloquée tous ses passagers dont 190 furent portés disparus.
Il n'est pas question de célébrer les coureaux dans de telles conditions.

◊ ◊ ◊

1945 Lorient est libérée le 8 mai, dernière ville bretonne à retrouver la liberté.
La bénédiction des Coureaux n'est évidemment pas possible.

◊ ◊ ◊

1946 Par un temps peu encourageant la tradition a repris au mois de juin et le quotidien "La Liberté du Morbihan" évoque le retour de la bénédiction des coureaux avec un arrêt du navire "Le Palmier" devant les rochers des Trois Pierres. Monsieur l'abbé Collet donna l'absoute, en souvenir des victimes de "La Tanche" qui le 19 juin 1940, sauta sur une mine allemande avec ses passagers qui fuyaient vers l'Angleterre à l'approche de l'invasion.

◊ ◊ ◊

Le dimanche 24 juin 1956 la fête de la Saint Jean et la bénédiction des Coureaux coïncident. Le comité des fêtes de Larmor-Plage en profite pour organiser dès la veille au soir une retraite aux flambeaux, suivie d'un feu d'artifice et d'un bal, réjouissances qui attirent beaucoup de monde.
Le dimanche matin, une course cycliste occupe la foule venue passer la journée à la plage.
L'après-midi, la cérémonie religieuse des Coureaux fait suite aux festivités. Un remorqueur de la Marine Nationale, à bord duquel avaient pris place le clergé et le capitaine de frégate, major-général de Kersauzon, ainsi que quelques fidèles, a pris la mer vers les coureaux pour la traditionnelle bénédiction. Le navire était accompagné de deux vedettes de la direction du port transportant d'autres fidèles. De nombreux voiliers de plaisance et quelques bateaux de pêche se joignirent au cortège.

◊ ◊ ◊

"Plein Vent" le bulletin paroissial de Larmor rend compte de la fête des coureaux avec Bénédiction de la Mer le dimanche 25 juin 1972, favorisée par un très beau temps et une mer calme.
Elle s'est passée en présence de Mr. l'abbé Le Bras, supérieur du petit séminaire et de l'abbé Le Clanche, recteur de Sainte-Anne d'Auray et de l'ensemble du clergé de Larmor.
Madame Winter, épouse de M. l'amiral commandant la Marine à Lorient, MM. de Kersauzon et Plumet représentant la municipalité avaient pris place dans le puissant remorqueur de la Marine Nationale, auxquels étaient venus se joindre un grand nombre de Larmoriens et de nombreux touristes.
Des bateaux de pêche de Larmor et Gâvres, des vedettes et petits voiliers, la vedette de la Société Nationale de Sauvetage en Mer accompagnaient la flottille.
Le convoi s'arrêta et une couronne de fleurs fut jetée à la mer. Les chants religieux étaient dédiés aux marins disparus de la dernière guerre et en particulier aux passagers de "La Tanche".
…..Cette belle fête marquera une fois de plus que les vieilles coutumes et traditions auraient tendance à diminuer mais ne meurent pas.

◊ ◊ ◊

Le bulletin paroissial de juin 1987 signale que la procession est réduite au maximum et que par une brume épaisse, la flottille n'a pas pu se rendre aux "Errants".
C'était impressionnant de voir les voiles, comme en un paysage vaporeux, qui dansaient autour du remorqueur et des vedettes de la "Royale". Les plaisanciers qui prenaient part à la cérémonie ne voyaient pas grand-chose, mais au moins entendaient-ils la prière de la bénédiction diffusée jusque sur les plages grâce à une parfaite sonorisation.

◊ ◊ ◊

En 1993, le dimanche 20 juin, près de 200 personnes, réparties sur trois bateaux prêtés par la Marine Nationale, se rendent au large de Groix.
Une gerbe de fleurs est jetée en mer par l'amiral Dambier et le maire de Larmor-Plage, M Jégouzo.

◊ ◊ ◊

Le dimanche 27 juin 1999, la traditionnelle cérémonie prend une nouvelle tournure.
Pour la première fois les fidèles ne peuvent plus participer à la procession en mer. Ils se rassemblent au "Théâtre de l'Océan" où se déroule l'unique messe à 10 h.30.
Puis le recteur de Larmor et le maire ont rejoint l'Amiral Dupeyron à bord d'un remorqueur pour aller jeter solennellement en mer la couronne de fleurs tandis que les fidèles continuaient de prier au théâtre de l'Océan.

Depuis, la bénédiction des coureaux est célébrée au théâtre de l'Océan.

◊ ◊ ◊

"Ouest-France" relate la cérémonie du dimanche 27 juin 2004 : de nos jours, la Marine Nationale ne pouvant plus apporter son concours, la paroisse de Larmor-Plage continue néanmoins à commémorer les "péris en mer" et à bénir la mer de façon solennelle.
……..En ce 60éme anniversaire de la Libération, il était normal d'évoquer les marins disparus pendant le conflit, puis d'égrener les noms des marins péris en mer, entre Laïta et rivière d'Etel pendant l'année écoulée.

◊ ◊ ◊

Le 25 juin 2006, la fête de la mer est placée sous la présidence de Monseigneur Centène, évêque de Vannes.

Cette année, pour la première fois les fidèles se rendent en procession au théâtre de l'Océan.
Ils empruntent la rue du Presbytère et le boulevard de Port-Maria. Au cours de la messe célébrée en plein air, il est procédé à la bénédiction des coureaux.
Pendant ce temps quelques bateaux se réunissent pour assister au dépôt de la gerbe dans les coureaux.

◊ ◊ ◊

En 2011, L'amiral Prazuck assisté de M. Gambier, aumônier de la marine à Lorient, jette une gerbe de fleurs à la mer, pendant la messe célébrée au théâtre de l'Océan.