Amélioration du port

 

 

Prolongement de la cale
Le 22 novembre 1871, le conducteur des ponts et chaussées propose à son supérieur des améliorations à apporter au port de Larmor dont les cales sont fréquemment submergées par l'eau. En effet, à marée haute dans les vives eaux dès lors que la mer est un peu agitée, les bateaux sont obligés d'aller chercher un abri dans la crique située au nord de la jetée insubmersible.
Lorsque les marées atteignent la cote 5,20 m à l'échelle du bassin du port de Lorient, la cale sud est transformée en ile. Pendant deux heures, le commerce est interrompu pour les marins qui arrivent à la pleine mer pour écouler le produit de leur pêche. Les marins et les industriels du pays m'ont à différentes reprises fait remarquer la fâcheuse situation dans laquelle cet état de chose les plonge. Ce sont 150 bateaux de pêche qui fréquentent régulièrement le port de Larmor. Les pêcheurs demandent que la petite cale soit exhaussée et prolongée.
Les ponts et chaussées évaluent les travaux à 2000 F.

Dès le 28 novembre, monsieur Pierre Borgard, entrepreneur à Lorient s'engage à exécuter les travaux selon les instructions qui lui seront données. Il est probable qu'ils n'ont pas été réalisés puisque 3 ans plus tard il est à nouveau question de prolonger la cale nord.

En 1874, le conseil d'arrondissement de Lorient demande que la cale de débarquement située au nord soit prolongée. En octobre, le conseil général prend en considération cette requête du fait de l'importance du port de Larmor où existent des établissements importants alimentés par la pêche. La question est mise à l'étude.

Pétition
Le 8 novembre 1875, les habitants, pêcheurs et industriels de Larmor adressent une pétition au ministre attirant son attention sur la situation fâcheuse dans laquelle se trouvent les ouvrages du port.
Il serait indispensable d'y créer une jetée nouvelle donnant à la fois de l'abri et un facile débarquement aux chaloupes de pêche qui parfois au nombre de 300 viennent se presser autour des cales et essayent d'accoster. Le débarquement n'est possible qu'en pénétrant dans l'eau et souvent les pêcheurs y restent à mi-corps pendant tout le temps du déchargement.
Pour hâter les travaux, les usagers du port de Larmor, négociants, industriels, commerçants et pêcheurs vont jusqu'à proposer de concourir à la dépense en s'engageant chacun pour une certaine somme. A la date du 3 décembre, 833 francs sont ainsi promis par les intéressés.

Les ponts et chaussées pas vraiment favorables
Fin 1875, le capitaine de frégate Simon en résidence à Lorient prend l'initiative de réaliser une étude sur les améliorations propres à faciliter l'entrée de la rade de Lorient.
Il démontre l'utilité de la construction d'un port à Larmor qui servirait d'abri aux caboteurs lorsque le mauvais temps leur interdit l'entrée de la rade, les obligeant à se retirer au Kernével, à Port-Louis ou à Locmalo.
Il propose la construction d'une jetée de 300 m de longueur, enracinée dans les rochers qui sont au sud du port et se prolongeant jusqu'au fond de 3 m.
L'administration des ponts et chaussées, chargée d'étudier ce rapport, estime le 16 septembre 1876 qu'il n'y a pas lieu de donner suite à ces propositions. Cet avis est validé par le ministre des travaux publics le 3 avril 1877.

Un rapport de Boudvilain, conducteur des ponts et chaussées, du 15 mai 1878, rappelle que les pétitionnaires de 1875 réclament une amélioration des ouvrages existants pour leur fournir de la profondeur d'eau et de l'abri.
Il souligne qu'il existe à Larmor plusieurs usines de conserves alimentaires, un grand nombre de négociants en rogue dont les ventes peuvent être estimées à 5000 barils par an. Ces négociants font également l'expédition de poissons en vert. Enfin, un négociant en vins reçoit annuellement environ 250 tonneaux.
Les marins qui fréquentent Larmor sont presque tous étrangers. Les industriels se contentent de s'abonner pendant la saison de la sardine à plusieurs patrons de chaloupes de Port-Louis, Locmalo, Gâvres et Locmiquélic. Les bateaux inscrits au syndicat de Larmor ne dépassent pas le nombre de 10.
Pendant l'été, saison commerciale de l'endroit, les chaloupes de pêche doivent trouver, pensons-nous, avec les ouvrages existants des moyens sinon entièrement faciles d'embarquement et de débarquement au moins suffisants.
Reste maintenant la question des caboteurs chargés de rogue, d'huile, de caisses de sardines, de vin, etc. il est certain que la difficulté d'embarquer et de débarquer est plus grande pour eux. Ils ne peuvent guère faire cette opération que le long de la jetée, mais il arrive que le tirant d'eau de ces bateaux ne leur permette pas toujours l'accostage ; c'est ce qui doit arriver pendant les mortes eaux.

Ainsi par exemple, monsieur Léonce Boy transporte annuellement de Lorient à Larmor et vice versa :
                                        7000 caisses de sardines à l'huile, pesant      210 tonneaux,
                                        600 barils de rogue de morue                         180
                                        80 pièces d'huile d'olive                                    40
                                        Sel                                                                     30
                                        600 caisses de fer blanc, plomb…                    50
                                       7000 caisses vides                                             45
                                       Charbon de terre et de bois                                35
Soit au total 590 tonneaux de marchandises que je ferais transporter par mer avec une économie de 2 F par tonneau s'il y avait à Larmor un port convenable.

Donc les industriels et négociants ne peuvent employer le transport par eau que pendant les marées de vives eaux. Le reste du temps, ils emploient forcément le transport par voie de terre au détriment de leurs intérêts.
Le transport continuel par eau ne peut avoir lieu qu'avec l'exécution d'une jetée, c'est-à-dire en faisant supporter à l'état une dépense assez considérable. La question se résume par la présence de deux intérêts. L'un serait-il une juste compensation de l'autre ? L'importance du port de Larmor au point de vue commercial serait-il en rapport des sacrifices que l'état se verrait imposer ?
Il conclut : nous pensons que Larmor ne pourrait pas lutter avec Port-Louis, Locmalo et Gâvres où sont établies un grand nombre d'usines et où existent de très bons ports offrant toute la sécurité nécessaire pour la conservation des chaloupes de pêche.

Le 16 septembre, le conducteur des ponts et chaussées rédige un nouveau rapport.
Aux dires des marins, ils ne fréquentent le port de Larmor que pendant l'été, période de la pêche à la sardine. Monsieur Boy, négociant à Lorient, par exemple, possède 20 à 30 bateaux immatriculés à Concarneau. Ils sont présents à Larmor pendant la pêche et rentrent à leur port d'attache à l'entrée de l'hiver.
Pendant l'hiver, moins de 10 bateaux restent au port.
Les commerçants et les marins prétendent qu'un marché aux poissons s'établirait si un ouvrage d'abri était fait. Ils demandent qu'une jetée insubmersible soit construite à l'emplacement de la cale nord.
Enfin, il signale qu'il n'y a pas de cale pour l'usine Camus (à l'emplacement de l'actuelle école N.-D. de Larmor). Le débarquement du poisson se fait sur la grève ; les marins se mettent à l'eau jusqu'à la ceinture.
Mais il termine encore par une appréciation négative : le port abri demandé serait celui de l'avenir en supposant qu'un marché aux poissons s'établisse à Larmor et fasse concurrence à Locmalo et Port-Louis, ce qui est douteux.

Changement de position des ponts et chaussées
Cependant, le 30 janvier 1879, monsieur Bourdelles, ingénieur ordinaire des ponts et chaussées, faisant suite à une pétition, établit un rapport sur l'amélioration du port de Larmor.

Le petit port de Larmor n'est plus à la hauteur des besoins. Il assèche à peu près complètement à mi-marée. Les chaloupes pontées peuvent à peine y accéder . . . on est pratiquement obligé de renoncer à la voie maritime pour tous les transports.
Quant aux deux cales, submersibles, elles sont insuffisantes pour les bateaux de pêche.
L'importance de Larmor justifie suffisamment l'amélioration de son port. Cinq usines fabriquent annuellement des conserves à l'huile pour une valeur de 400 000 F environ. Les expéditions en vert atteignent le chiffre de 60 000 F. Ces industries occupent pendant la saison de la pêche plus de deux cents ouvriers. Elles sont alimentées par 56 bateaux abonnés aux usines et montées par 380 marins. Des bateaux libres en nombre à peu près égal viennent vendre de la sardine à Larmor et rentrent dans leur port d'attache en hiver.

La situation de Larmor est très favorable à l'industrie de la pêche. C'est le point de la côte le plus rapproché du chemin de fer et le mieux placé pour l'expédition du poisson en vert. Son emplacement est excellent au point de vue maritime.

Contrairement au conducteur Boudvilain son subalterne, l'ingénieur Bourdelles pense qu'avec un bon port Larmor serait choisi de préférence à Locmalo.
L'amélioration du port de Larmor, également réclamée par la chambre de commerce de Lorient, est amplement justifiée. En outre les intéressés offrent de concourir à la dépense pour la somme de 833 francs.

Il élabore un avant-projet d'amélioration du port de Larmor dont il évalue le cout à 39 000 F.

En avril 1879 une conférence mixte réunit messieurs Coville, chef du génie à Lorient, Herpin, ingénieur des travaux hydrauliques du port militaire, Bourdelles, ingénieur des ponts et chaussées pour étudier le projet élaboré par l'ingénieur des ponts.
Les travaux consistent en :
            - redressement de la cale existante ;
            - construction d'un môle adossé à la face nord de cette cale sur une longueur de 35,50 m et se prolongeant sur 32,50 m dans la direction nord-est ;
          - établissement d'une nouvelle cale intérieure adossée à la branche du môle et le dressement selon un plan incliné régulier de tout le rocher qui s'étend au-dessus des basses mers entre le môle projeté et la jetée du vieux port.
Le chef du génie, l'ingénieur des travaux hydrauliques, le département de la guerre, le directeur des travaux hydrauliques donnent tous un avis favorable à l'exécution de ces travaux.

Le 3 janvier 1880, cet avant-projet est approuvé par le ministre des travaux publics sous réserve de modifications importantes dans le mode de fondation et du concours financier de la commune. Un projet définitif devra être rédigé.

Le 14 mai 1881, le ministère s'inquiète de n'avoir toujours pas reçu le projet définitif. La raison de ce retard réside dans la nécessité d'effectuer des sondages. En outre, la commune de Plœmeur sollicitée pour un concours financier n'a pas encore répondu.

Finalement, le conseil municipal de Plœmeur est d'accord pour venir en aide, autant que possible, à l'accomplissement du travail en question et réserve sa participation en fonction de l'importance du chantier.

Le 16 novembre, l'ingénieur Herpin rédige le projet définitif avec devis et cahier des charges. Les sondages réalisés mettent en évidence des difficultés techniques à satisfaire la demande du ministère quant aux fondations du môle. Dans ces conditions, il propose d'utiliser le même système qu'à Arlan (ile d'Ouessant).
La dépense totale chiffrée à 45 575 F est supérieure à celle de l'avant-projet du fait d'une augmentation du cube de la maçonnerie nécessaire et du changement apporté au mode de fondation.

 

 

   

 

 

Le sous-préfet demande à la commune si elle accepte de participer à hauteur d'au moins le tiers du coût des travaux. Le 26 décembre 1881, le conseil déclare qu'il n'est pas possible à la commune de faire un pareil sacrifice en ce moment pour des travaux dont la nécessité n'est pas reconnue.

Le 26 janvier 1882, l'ingénieur en chef des ponts et chaussées estime que c'est là une fin de non-recevoir qui nous parait suffisante pour motiver l'ajournement absolu de ce travail puisque nous ne demandions en réalité à cette commune qu'une subvention de 6000 F soit 1/8e de la dépense totale du projet, proportion bien inférieure au concours que l'administration a toujours exigé en pareil cas.
Toutefois pour que l'étude complète que notre service a faite ne reste pas sans fruit et dans l'espoir que la commune de Plœmeur reviendra un jour à une plus juste appréciation de ses véritables intérêts, nous proposons de remettre à l'approbation de l'administration supérieure le projet.

Le 1er avril 1882, le ministère répond que les enrochements projetés autour de la jetée ne paraissent pas suffisants pour garantir les fondations. Il demande donc de modifier le projet en conséquence.

Ce n'est que le 7 juin 1884 qu'est présenté un projet modifié conformément à la décision ministérielle ainsi qu'un cahier des charges modifié par l'ajout de quelques articles.
Le devis estimatif s'élève maintenant à 54 000 F, étant entendu que l'exécution des travaux est conditionnée par le retour de la commune de Plœmeur sur son refus de participation financière.
L'ingénieur en chef Baum estime qu'il y a lieu pour l'administration supérieure :
- d'approuver les dispositions techniques ;
- d'ajourner sa mise à exécution tant que la commune de Plœmeur, ou à défaut le département, n'aura pas versé une subvention de 14 000 F égale au quart de la dépense totale.

Le 6 septembre, après avis favorable du conseil général des ponts et chaussées, le ministre des travaux publics approuve les propositions de l'ingénieur en chef.

Puis l'ingénieur en chef propose que le département participe à la dépense pour 4000 F et la commune pour 10 000 F.
En novembre, le conseil municipal fait observer que la commune a beaucoup de charges en ce moment. Elle a voté en mai une somme de 17 325 F pour le rachat du pont de Kermélo. Elle a des écoles à créer. Il serait très difficile d'emprunter une nouvelle somme de 10 000 F. Mais il accepterait de payer 4 000 F si le département prenait à sa charge 10 000 F.

En avril 1885, le conseil général est amené à se prononcer sur cette affaire. Mais la somme de 10 000 F est jugée trop élevée pour une seule commune et l'avis de la commission des finances est nécessaire. La question est ajournée et renvoyée à la session d'août au cours de laquelle la question de la subvention à accorder aux travaux d'améliorations du port de Larmor est largement débattue. Finalement le conseil prononce une nouvelle fois l'ajournement pour complément d'informations.

Le conseil municipal de Plœmeur restant inflexible sur sa participation à hauteur de 4 000 F, en mai 1886 le conseil général renvoie encore l'examen de l'affaire à la session budgétaire d'août. Finalement, le 25 aout 1887 en raison de la situation du budget départemental qui ne lui permet pas d'affecter une somme aussi élevée, le conseil général rejette toute participation aux dépenses tout en reconnaissant l'utilité des travaux.

Ainsi le projet d'amélioration du port de Larmor est définitivement enterré.