Entretien et réparations du pont

◊ Suite à une visite du pont, en septembre 1858, le préfet prend deux arrêtés.
L'un mettant en demeure les concessionnaires du pont d'établir un système de bute-roues et l'autre réglementant la circulation :
Art. 1 – Le passage de plus d'une voiture à la fois sur le pont suspendu de Kermélo est interdit.
Art 2 – Tout conducteur de voiture devra descendre et se tenir à la tête de son attelage pendant la traversée du pont.

Les frères Seguin contestent l'utilité des bute-roues et demandent un délai pour les réaliser lors d'une prochaine réparation en meilleur saison. Contre l'avis des ponts et chaussées qui considèrent qu'ils sont indispensables pour la sécurité des voyageurs qui passent en voiture, le préfet accède à leur demande.

◊ Le 24 avril 1861, suite à la visite annuelle de surveillance du pont, le préfet met en demeure les frères Seguin :
1° de faire visiter dans toute son étendue le tablier du pont et remplacer les madriers pourris ou rompus ainsi que les poutrelles avariées ;
2° de remplacer ou réparer toutes les autres parties défectueuses de la charpente ;
3° de repeindre et restaurer les tiges de suspension détériorées ;
4° de commencer immédiatement et terminer dans le délai de 2 mois, à dater de la notification du présent arrêté, toutes les réparations à faire.
Les réparations prescrites effectuées, il est constaté que les ouvrages de charpentes, les câbles et les tiges de suspension sont en bon état d'entretien.

◊ Trois ans plus tard, en juillet 1864, l'ingénieur des ponts et chaussées constate que par endroits, les fils constituant les câbles sont rongés par la rouille, qu'il est dangereux de laisser les voitures y passer et qu'une réparation urgente s'impose.

Arrêté de policeLe 1er août, le préfet J. Lefebvre prend un arrêté réglementant la circulation.
Art 1er La circulation des voitures est interdite sur le pont de Kermélo. Le concessionnaire devra en conséquence établir à chaque extrémité du pont une barrière disposée de manière à ne laisser passer que les piétons.
Art 2 Il ne devra pas se trouver plus de 20 personnes à la fois sur le pont tant qu'il n'aura pas été réparé.

Dans le même temps, il contraint les Seguin à assurer le passage des voitures au moyen d'un bac et les met en demeure de présenter dans un délai de 3 mois un moyen de rétablir par des câbles de suspension, dressés de telle sorte qu'ils soient accessibles et à l'abri de l'eau dans toutes leurs parties, et que la tension des fils au moment de l'épreuve prescrite par l'article 4 du devis de concession n'excède pas 15 kilogrammes par millimètre carré.
Le 19 septembre l'administration constate qu'on a suppléé au défaut de résistance au moyen de chaînes marines […] et que ces travaux donnent des garanties de sécurité suffisantes pour qu'on puisse autoriser le rétablissement de la circulation des voitures.
Le rétablissement provisoire est décidé le 23 septembre. Il reste encore à procéder à la restauration définitive du pont.

Le concessionnaire propose de renforcer les câbles au moyen de barres de fer. Ce procédé est accepté par les ponts et chaussées. Le 25 novembre, le préfet approuve le projet de restauration, ordonne l'exécution des travaux et décide de soumettre le pont à une épreuve avant d'autoriser le rétablissement définitif de la circulation.

Le 1er mars 1865, les travaux terminés, les frères Seguin estiment que soumettre le pont à l'épreuve est inutile et nuisible à sa solidité. Ils ajoutent que la largeur du pont ne parait plus en rapport avec les besoins et suggèrent de le transformer en pont fixe.
Les ponts et chaussées, tout en reconnaissant que les travaux paraissent convenablement exécutés maintiennent l'obligation de l'épreuve.

◊ L'épreuve a finalement lieu de 12 juin. Le jour même, l'ingénieur Guibert en rend compte. 

Le pont de Kermélo n'a pas résisté à l'épreuve. L'opération a commencé ce matin à 7 h.30 par le chargement de la travée de la rive droite. A midi quand cette travée n'avait reçu encore que les trois quarts de la charge à porter, le hauban du côté opposé s'est rompu.
Le tablier de la travée rive droite s'est affaissé et s'est gauchi en s'inclinant vers l'amont. Le tablier de la travée rive gauche s'est soulevé.
C'est un pont à refaire.
Des barrières ont été placées aux abords du pont pour empêcher que personne ne veuille y passer et le passage des piétons est assuré par un canot.

Arrêté d'inrerdictionQuatre jours plus tard, le préfet prend un arrêté d'interdiction de la circulation tant pour les piétons que pour les voitures.
Les frères Seguin sont mis en demeure d'établir un passage provisoire pour les piétons à l'aide d'un bac ou de bateaux.
Ils doivent également prendre les mesures nécessaires pour éviter les accidents qui pourraient résulter soit du passage fortuit sur le pont, soit de la chute spontanée du tablier.
Par ailleurs, ils ont obligation de présenter un projet de restauration dans les trois mois.

Le lendemain, les Seguin proposent une solution pour réparer le hauban cassé en fixant un hauban provisoire en chaine de fer. Cette réparation provisoire reçoit l'agrément des ponts et chaussées. Toutefois, en vue de la fête de Larmor qui doit avoir lieu le 24 de ce mois et qui attire sur ce chemin une nombreuse affluence, ils préconisent de limiter le passage à 20 personnes à la fois, d'empêcher qui que ce soit de s'arrêter sur le pont et faire en sorte que les passants marchent isolément sans courir et sans cadencer leur pas.

Satisfaits de leur travail, les Seguin demandent de procéder à une nouvelle épreuve pour avoir la certitude que nous pouvons avec toute sécurité charger notre pont.
Elle a lieu le 31 juillet. Vers 9 heures du soir, la travée de rive gauche s'est subitement effondrée tout entière. Cette chute a été produite par la rupture des deux câbles de suspension du côté aval qui se sont brisés l'un et l'autre près de leur point d'attache.
Nous avons constaté que les fils de l'un étaient entièrement oxydés, tandis que ceux de l'autre étaient dans un état de conservation convenable.
Le tablier est tombé, pour ainsi dire tout d'une pièce, à la mer.

 

Reconstruction du pont

Le 4 août 1865 le préfet s'adresse aux Seguin : Je viens d'être informé du mauvais résultat de l'épreuve. Dans ces conditions, je ne puis, messieurs, que maintenir l'invitation que je vous ai faite de me soumettre un projet de reconstruction et j'ajoute que je n'ordonnerai une nouvelle épreuve que dans le cas où j'aurai été mis à même d'apprécier par l'examen du projet, le degré de solidité.

Le concessionnaire propose d'établir un pont fixe, plus en rapport avec les besoins de la population, à condition d'obtenir une subvention de 70 000 francs. Le sous-préfet de Lorient reconnait son utilité, mais le préfet répond sans équivoque : le département n'est pas à même et ne le sera pas de sitôt de donner aucune subvention pour cette substitution.

M. Granet, termine le dossier de reconstruction de la suspension et du tablier le 22 octobre 1865. Il comporte la description des travaux, un métré très détaillé du plancher, des haubans, des tiges etc. et des plans.
Les dimensions des différentes pièces ont été calculées pour permettre la circulation des voitures pesant tout compris 5000 kilos.
Rien ne sera négligé pour donner à cette réparation la solidité et la durée. 

Les ponts et chaussées constatent que dans ses dispositions générales le nouvel ouvrage est la reproduction exacte de l'ancien. Toutes les parties fixes sont conservées, seuls les nouveaux câbles et haubans auront une section supérieure à celle des anciens. Néanmoins, ils pensent que le projet est bien conçu et peut être approuvé.

Courant mars 1866, les travaux de reconstruction sont terminés. L'épreuve est fixée au 29. Le pont résiste normalement à la charge et la circulation est rétablie le 31.