Le chemin du Kernével à Larmor,

chemin vicinal n°3

 

A l'origine, ce chemin passe par la grève. En 1844, le conseil reconnait son état de dégradation causé tant par le défaut d'entretien que par les empiètements de la mer. Il autorise le maire à traiter avec les riverains pour élargir le chemin et lui donner la largeur convenable pour rétablir les communications depuis longtemps interrompues.

En 1903, par une pétition, certains propriétaires de Larmor sollicitent l'établissement d'un chemin longeant la plage de Toulhars pour faciliter les communications entre Larmor et le Kernével.
Ce chemin faciliterait l'établissement de nouvelles constructions, donnerait un nouvel essor à Larmor et les propriétaires participeraient pour une part dans les frais de création du chemin qui deviendrait le boulevard de la côte.
Le 13 septembre le conseil municipal reconnait l'utilité de ce chemin mais considère que la construction d'autres chemins est prioritaire. Il renvoie sa décision après que les propriétaires intéressés auront fait leurs offres de subvention.

En 1911, monsieur Haloche demande la création d'un nouveau chemin reliant Kernével et Larmor. Reconnaissant l'utilité de ce chemin, le conseil nomme une commission chargée d'étudier les voies les plus convenables.
Un an plus tard, un lecteur du Nouvelliste écrit qu'il est temps d'infuser un peu de sang nouveau à ce vieux conseil qui depuis de longues années, n'avait d'attention que pour la section du bourg. Tout le monde sait que les intérêts des autres quartiers ont été sacrifiés et que la section de Larmor qui verse sous forme de contributions de toutes sortes, sa bonne part dans la caisse municipale, a été peut-être plus oubliée que les autres.
Il poursuit : depuis peu d'années, quelques familles de Lorient désireuses d'avoir une habitation sur le bord de mer et ne pouvant plus trouver ni à Larmor ni au Kernével le terrain rêvé, se sont décidés à bâtir entre les deux agglomérations et ont ainsi créé un village qui s'appelle "La Nourriguel". Je crois qu'il est du devoir du maire de Plœmeur de demander un classement pour lui permettre de réserver les droits de la commune en n'autorisant de bâtir qu'après l'obtention d'un alignement donné par lui.
Mais par où passerait ce fameux chemin ? Il faudrait le faire partir un peu au nord de l'avenue de M. Sevène et le faire emprunter le chemin qui existe jusqu'à la maison de M. Le Corre. De là il continuerait directement à travers champs pour déboucher au nord du débit Fougaras, sur la route de Kéramzec à l'usine de Toulhars.
Tous les propriétaires intéressés seraient heureux d'offrir le terrain nécessaire, persuadés qu'ils seraient largement dédommagés par la plus-value considérable qu'acquerrait le reste.
Et sur la plage, il suffirait de classer la partie s'étendant entre les villas et le niveau des plus hautes eaux.

En 1920, des habitants de La Nourriguel réalisent une pétition, sollicitant une subvention pour l'élargissement de la partie du chemin située entre les deux grilles de la propriété Sévène, au Kernével.
Les travaux comprennent le déplacement des grilles et l'établissement de la nouvelle chaussée pour un montant évalué à 2400 F, le terrain étant cédé gratuitement par les propriétaires. Monsieur Cren obtient de la commune une subvention de 800 F ; les pétitionnaires finançant le reste.
Mais pour une raison de ligne budgétaire cette subvention ne peut être entérinée par le préfet, ce qui conduit la commune à reconsidérer son vote. Il regrette que l'élargissement ne soit que de 3 m alors que cette partie destinée à faire partie du réseau rural ou vicinal dans un avenir plus ou moins proche devra être portée à 7 m.
Il vote néanmoins une subvention de 600 francs sur les fonds disponibles de l'exercice en cours.

Le 15 août 1932, le conseil municipal de Larmor adresse au préfet une demande de construction du chemin vicinal devant relier le Kernével à Larmor par le Ménez.au moyen d'une avance de l'état.

Officiellement, la route Kernével-le Ménez est classée n°3. Si la construction du tronçon est allant de l'intersection de la route Keramzec-Toulhars et rejoignant la route existant à proximité du phare du Kernével, ne semble pas poser de problème, il n'en est pas de même pour le tronçon ouest jusqu'au Ménez.
Selon la presse, deux projets qui ont leurs partisans sont envisagés pour établir une voie carrossable entre Toulhars et Larmor. Le prolongement de la chaussée de la route de Keramzec-Toulhars doit se faire par le chemin qui passant derrière la dune, mène de l'usine Lamy-Billiet à la plage. Il parait bien tentant de continuer cette route en bordure des villas pour la faire rejoindre le boulevard qui descend de Larmor jusqu'au milieu de la plage de Toulhars.
On aurait ainsi une promenade en corniche qui ne manquerait pas d'être vivement appréciée en même temps qu'une voie de communication de premier ordre.
Le tronçon est de la route Le Ménez-Kernével construit, on pourrait se rendre rapidement, par Toulhars, du bourg de Larmor à La Nourriguel ou au Kernével.
Mais les propriétaires du boulevard qui existe le long de la plage de Toulhars n'ont-ils pas déjà manifesté leur hostilité à tout projet de cette sorte. Des murs témoins ont été édifiés en travers de la chaussée et il a été placé bien en évidence des poteaux qui rappellent que ce boulevard est un passage privé à servitude strictement définie.
Chacun est libre de défendre son bon droit et comme le projet de boulevard de la plage si séduisant à priori, peut devenir un objet de litige, on a pensé à tourner l'obstacle et à relier Toulhars non plus au bourg de Larmor, mais au Ménez par une route passant derrière les propriétés dont les façades s'alignent devant la mer.

L'ingénieur-voyer informe la commune que l'achat des terrains nécessaires à la création de la route Kernével-Le Ménez initialement estimé à 58 000 F coutera deux fois plus cher compte tenu des prix très élevés demandés. Il estime que deux solutions sont envisageables, soit l'abandon du projet soit la continuation par expropriation. 

La commune se prononce le 15 septembre 1935 pour sa continuation par expropriation conditionnelle avec participation d'un jury.
Un courrier adressé trois jours plus tard par le sous-préfet de Lorient au préfet du Morbihan nous apprend que selon lui, la solution préférable au développement de la commune au point de vue touristique est la route en corniche devant les villas.

Le 1er décembre, l'ingénieur en chef du service vicinal estime qu'il n'est pas possible de commencer les travaux de construction du chemin V.O. n°3, ni d'en changer le tracé, mais qu'il convient d'attendre le résultat de l'expropriation.

Le 20 janvier 1936 une enquête est ouverte en mairie pour huit jours.
Sur 17 riverains intéressés à la construction du chemin, 9 d'entre eux ont fait connaitre leur point de vue, tendant uniquement à défendre leurs intérêts en ce qui concerne le prix des terrains. Ces déclarations ne sont pas défavorables au projet.

Certains propriétaires ont accepté les offres faites par la commune :
             Stéphan Eugène, époux Thomas, 9 rue Dupuy de Lôme à Lorient, propriétaire de la parcelle n°2769 section H ;
             Loyer Jean, à Kernével en Larmor-Plage, propriétaire de la parcelle n°2107 ;
             René Bernard, à Keramzec en Larmor-Plage, propriétaire de la parcelle n°2751 ;
             Le Thiec Jeanne, au bourg de Guidel, propriétaire des parcelles n°1638bis, 1639, 2623 ;
             Le Touher Edouard, 55 rue Ratier à Lorient, propriétaire de la parcelle n°2614.

Les autres riverains ont renouvelé par écrit leurs prétentions primitives déjà formulées il y a deux ans, ou se sont abstenus de toute déclaration. Il convient donc de poursuivre la procédure d'expropriation à l'encontre de :

Le Cloirec Joseph, demeurant 11 rue de l'Arrivée à la garenne-Colombes (Seine) pour une partie de la parcelle 1820 d'une superficie de 3 ares 12 ;
Le Touher Edouard, 55 rue Ratier à Lorient, pour la parcelle 1380 de 0 a 41 ca ;
Biret Léontine Marceline, 12 rue de la Comédie à Lorient, pour la parcelle 1831 de 4 a ;
Consorts Goulven et Théauden à Larmor-Plage, propriétaires des parcelles 2502, 2504, 2625 d'une superficie totale de 7 a 32 ;
Margalin Marius, commandant de gendarmerie à La Roche-sur-Yon, pour une partie de la parcelle 2506 de 1 a 58 ca ;
Treuttel Auguste, à Kerblaizy en Larmor-Plage, pour une partie de la parcelle 2506 de 1 a 11 ca ;
Pedrono Alexis, 31 rue du Port à Lorient, propriétaire de la parcelle 2615 de 4 a 20 ca ;
Mme Vve Romieux Adolphe, à Larmor-Plage, pour la parcelle 2616 de 0 a 93 ca ;
Odend'hal Alfred, 6 rue Edgard Quinet à Lorient, pour la parcelle 2624 de 1 a 50 ca ;
Granier Charles, 22 rue François Jegou à Lorient, pour la parcelle 2631 de 4 a 66 ca ;
Beaufrère Adolphe, à Kerblaizy en Larmor-Plage, pour la parcelle 2600 de 2 a 74 ca ;
Mme Vve Tristant, à Larmor-Plage pour la parcelle 2102 de 0 a 86 ca ;
Rustuel Pierre et Auguste, 58 avenue de la Marne à Lorient, pour la parcelle 2092 de 0 a 36 ca.

Le 4 avril, le préfet arrête que la commission arbitrale d'évaluation sera réunie afin de procéder aux opérations de fixation des indemnités auxquelles donnerait droit l'expropriation éventuelle des parcelles ci-dessus. Mais la procédure est très longue. Elle ne peut intervenir que lorsque tous les pourparlers d'entente à l'amiable ont échoué.

Le 21 juin, la commune refuse les demandes d'indemnités des propriétaires et maintient les prix proposés dans l'état estimatif pour un montant total de 18 902 F.

"Le Nouvelliste du Morbihan" s'insurge contre les prétentions inacceptables de certains propriétaires qui retardent la réalisation de cette route d'utilité publique. Ces terres sous culture qui valent au grand maximum 1 franc le m², (alors que la commune en propose 5) ne doivent-elles pas devenir des terrains à bâtir qui vaudront 30, 40 ou 50 francs le mètre.
C'est là une conséquence qui saute aux yeux, aussi l'attitude des propriétaires qui, par leur intransigeance, ont mis jusqu'ici obstacle à la réalisation de la route, apparait-elle non seulement scandaleuse, mais encore absolument ridicule !

Les indemnitaires sont convoqués devant la commission arbitrale d'évaluation qui se réunit le 16 octobre en mairie pour statuer sur le montant des indemnités auxquelles donnerait lieux l'expropriation éventuelle des parcelles. Globalement, les indemnités allouées par la commission sont passées de 19 557 F à 34 598 francs.

Le 6 décembre, la commune décide de poursuivre la procédure d'expropriation conditionnelle et autorise le préfet à continuer les formalités.

Les propriétaires, appelés à se prononcer sur le montant des indemnités fixées par la commission, donnent tous leur accord :
                               Le Cloirec Joseph                     6350 F (contre 3230 F proposés par la commune)
                               Le Touher Edouard                     738 (205)
                               Biret Léontine                            3600 (2000)
                               Consorts Goulven Théauden    5664 (4200)
                               Margalin Marius                         1156 (840)
                               Treuttel Auguste                        2000 (655)
                               Pedrono Alexis                          3780 (2100)
                               Vve Romieux Adolphe               1050 (725)
                               Granier Charles                         4700 (2840)
                               Beaufrère Adolphe                    4000 (1640)
                               Vve Tristant                                 510 (252)
                               Rustuel Pierre                             400 (215)

Ce qui permet au préfet de prendre un arrêté le 1er mars 1937, autorisant la commune à prendre possession des parcelles de terrain. Le 11 mars, le tribunal civil de Lorient prononce l'expropriation pour cause d'utilité publique des terrains nécessaires à l'ouverture du chemin vicinal ordinaire n°3.
Les travaux vont enfin pouvoir commencer.