Le fort de Locqueltas

Inventaire

Le 9 août 1792, Laurent Macé, officier municipal de Lorient, Jean Simon, Friché notable et M. Macors, lieutenant-colonel commandant l'artillerie des colonies, effectuent la visite des ports et batteries de la côte depuis le Pouldu jusqu'au Kernével. Ils dressent l'inventaire de tout ce qui existe, constatent l'armement et les réparations à y faire.

Au fort de Locqueltas, pour ce qui relève de l'artillerie, il y a :
Fort de Locqueltas7 affuts de cotes : 4 de 36, 2 de 24 et 1 de 8 ;
7 vis de pointage ;
7 grands chassis : 4 de 36 et 3 de 24 ;
7 petits chassis ;
4 leviers de pointage dont 2 hors de service ;
7 chevilles ouvrières ;
21 madriers circulaires ;
2 lanternes : 1 de 24 et 1 de 8 ;
134 boulets : 74 de 36, 39 de 24 et 21 de 8 ;
3 leviers ;
1 brouette ;
1 tire bourre ;
1 chassis de transport ;
2 roulettes de fer ;
1 écouvillon refouloir et 8 mauvais.
Observations : il y a dans le poste 11 canons, 6 de 36, 2 de 24, 2 de 8 et 1 de 6.
Desquels, 4 de 36, 2 de 24 et 1 de 8 sont en batterie. Les affuts des autres manquent.
La pièce de 8 en batterie n'a point de bouton de culasse.
Il faut faire visiter toutes les pièces et les faire peindre ainsi que leurs affuts.

Pour ce qui est relatif au génie, il y a :
2 tables ;
3 rateliers d'armes à 6 rayons ;
1 banc.
Observations : il y a dans ce fort deux bâtiments dont l'un contient :
- corps de garde pour la troupe, garni de son lit de camp ;
- chambre pour le gardien, aussi garnie d'un lit de camp ;
- chambre pour l'officier, sans lit de camp.
Les deux dormants de fenêtre du corps de garde manquent de ferrures.
L'autre bâtiment est une poudrière.
Il faut faire peindre toutes les portes et abatvents.
Le gardien, Yves Kerlir, a un traitement mensuel de 24 livres

Le 1er septembre le directoire du district d'Hennebont décide de faire exécuter les réparations proposées.

 

Armement des batteries et réquisition des hommes

Le 9 février 1793 les députés des cinq départements bretons rédigent un mémoire "sur la défense des côtes des cinq départements qui se partagent la ci-devant province de Bretagne".
La Bretagne renferme dans son territoire plusieurs ports très importants, tels que Brest, Lorient, Vannes. . . dans presque toutes les guerres avec l'Angleterre, cette puissance a fait des tentatives de descente sur différents points de la Bretagne ; en 1746, une descente s'effectua près de Lorient. . . dans la guerre actuelle, ils pourraient être secondés par une foule d'émigrés français qui se sont réfugiés à Jersey et en Angleterre.
On peut craindre un coup de main, une incursion subite, on craint les dévastations et le pillage qui en seraient la suite. On est instruit que l'Angleterre équipe en ce moment des bateaux plats, des vaisseaux de transport et que le projet du gouvernement anglais est de bruler nos ports et de détruire nos établissements.

Pour garantir le pays de cette incursion, deux mesures sont indispensables.
- La première, est d'armer les batteries des côtes, de les mettre en bon état, d'en construire de nouvelles dans les lieux où il en manque et qui peuvent se prêter à un débarquement et de pourvoir ces batteries des hommes nécessaires à leur service.
Autrefois, ce service se faisait par des milices garde-côtes. Cette troupe n'existe plus, il faut la remplacer par des gardes nationales.
Il faut lever sur le champ, par voie de réquisition, le nombre d'hommes qui sera jugé nécessaire par les généraux. Il faudra placer dans chaque compagnie un ou deux sous-officiers d'artillerie, pour les exercer à la manœuvre du canon. On accordera à cette troupe la même solde qu'aux volontaires nationaux. Il faudra leur fournir des fusils.
Au surplus, pour ne pas nuire à l'agriculture, on fera faire le service, autant qu'il sera possible, par les troupes du camp. On peut encore établir que chaque citoyen ne sera forcé de faire un service effectif que pendant trois mois, mais tous seraient tenus de se rendre à leur poste respectif en cas d'attaque.

- La seconde consiste à armer dans le plus bref délai des chaloupes canonnières qui croiseraient à la hauteur des points les plus exposés à l'invasion de l'ennemi et les plus importants pour en écarter les corsaires et autres bâtiments légers. Ces chaloupes doivent être établies particulièrement à l'entrée des ports de Brest et de l'Orient.

Le 16 février 1793 le directeur des fortifications dresse la liste des 16 pointes de la côte situées entre la rivière de Quimperlé et la Vilaine qui sont choisies pour l'établissement des signaux. Les pointes du Talud et de Locqueltas sont désignées sur la commune de Plœmeur. Chaque poste doit être équipé :
                                          - d'un mat de pavillon avec ses agrès ;
                                          - d'un pavillon aux 3 couleurs, d'un pavillon rouge et d'un pavillon bleu ;
                                          - d'une flamme aux 3 couleurs, d'une flamme rouge et d'une flamme bleue ;
                                          - de deux fanaux ;
                                          - d'un porte-voix ;
                                          - de deux drisses pour en avoir une de rechange.
Des instructions sont données au maire pour une prompte exécution de la mise en place de ce dispositif.

Pour faire face aux nécessités de la guerre, le 22 février 1793 la Convention vote la levée de 300 000 hommes, mesure qui provoque la colère et de graves troubles. Le 7 mars, la commune de Plœmeur est avisée par le district qu'elle doit faire connaitre dans le plus court délai les citoyens âgés de 18 à 40 ans qui seraient dans le cas de porter les armes. Vous comprendrez dans cette liste tous jeunes gens non mariés et même les veufs n'ayant pas d'enfant.

 

Canonniers "volontaires"

Le 8 avril 1793 est institué le service du canon. Tous les dimanches et jours de fête, 78 citoyens de la paroisse habitant la campagne ou la zone côtière, sont tenus de se rendre aux forts de Locqueltas (42 hommes), Kerpape (12) ou du Talud (24) pour y faire l'exercice du canon. En semaine, ils ne peuvent s'absenter de la paroisse de façon à rejoindre leur poste en cas d'alarme. De jour, ils seront avertis par un coup de canon et un pavillon rouge ; de nuit, par un coup de canon et un fanal à la gaule du pavillon. Quiconque refuse est passible d'une amende de 15 livres la première fois, 15 livres et 3 jours de prison la seconde fois. Par ordre du district, les marins et ouvriers du port sont exemptés de service.

Parmi les 42 hommes désignés par le conseil de Plœmeur pour se rendre au fort de Locqueltas, figurent les "Larmoriens" suivants :

                                           Jean Charles de Keramzec,
                                           Yves Raoul de Larmor,
                                           François Causer de Larmor,
                                           Pierre Stéphant de Kerblaisy,
                                           Louis Le Gouhir de Kerblaisy,
                                          Guillaume Le Montagner de Kerderff,
                                          Claude Yves Charles de Locqueltas,
                                          Jean Picot de Kerguélen,
                                          Corentin Le Cloirec de Kervogam

Les riverains des fortifications sont invités à héberger les requis qui demeurent au loin. Les autorités assurent qu'ils seront payés.

 

Visite de la côte

Le 14 avril 1793 il est procédé à la visite de la côte de l'ouest du district d'Hennebont depuis le fort du Petit Pouldu jusqu'à celui de Locqueltas. Elle est menée par l'ingénieur provisoire du Port de la Liberté (Port-Louis) et des côtes depuis le Pouldu jusqu'à Etel, accompagné des citoyens Marsilly commandant provisoire de l'artillerie, Claude Nicolas Godin et Simon Jourdant administrateurs du district d'Hennebont, Philippe Boudeville et Antoine Odic officiers municipaux de la ville de Lorient, Pelardy officier d'artillerie et Liger adjudant général de la légion du district faisant fonction de chef de légion.

Ils signalent que les Anglais ont une chaine de frégates et de petits bâtiments depuis notre côte jusqu'à la leur, au moyen de laquelle ils sont journellement informés de nos mouvements. Un cutter louvoie à vue de terre depuis l'Isole jusqu'au Talud. Le 13, il s'approchait de terre lorsque le fort de Keragan se pressa de tirer dessus hors de portée du canon, le fort du Loch tira également. Le cutter s'éloigna aussitôt et ne parut pas le lendemain. Il a été aperçu matin et soir les trois jours suivants. Le port de L'Orient s'est déterminé à armer de suite deux chaloupes canonnières et deux chasse-marées qui doivent se tenir embusqués, pour donner la chasse à ces mouches.

Au fort de Locqueltas, ils constatent que :
Le pont a besoin de quelques réparations, un jet d'eau à faire au corps de garde, une croisée à raccommoder, les planches à pain ainsi que les bancs trop étroits et trop minces.
Il y a un palâtre à poser sur la porte du logement du gardien et la porte extérieure de la poudrière à raccommoder.
Une petite partie du revêtement du fort à gazon est à réparer, mais le gardien se charge de faire cette réparation en lui fournissant deux tranches et deux brouettes.
Dans ce corps de garde, comme dans tous les autres, on demande un plafond en plancher.
Les pavillons et flammes pour les signaux y sont rendus, mais pour leur réparation il faudrait poser un mat.
Il y a 8 matelas, 8 couvertures, 5 traversins et 4 oreillers à réparer.
Il y a dans ce fort sept pièces de canon de gros calibre montées sur affuts de côte, deux idem de gros calibres destinés pour le Talus et deux en dehors qu'il faut y faire entrer. Ces quatre dernières pièces sont sans affut.
Tel est l'état de la côte.

Lors de leurs sorties ou permissions, les militaires du fort de Locqueltas sèment le désordre à Larmor. Le 4 août 1793, le procureur Joseph-Toussaint Ozon demande de nommer un commissaire chargé de la police à Larmor et qu'il soit autorisé à requérir la force publique afin de répandre l'ordre et la tranquillité et de veiller sur ceux qui s'absenteraient de leur poste du fort de Locqueltas.
La municipalité de Plœmeur décide que :
- le citoyen François Tesson, de Larmor est nommé commissaire de police ;
- il est interdit à tout cabaretier de Larmor de donner à boire aux gardes des forts de Locqueltas après le soleil couchant, sous peine d'une amende pour chaque individu pris en contravention, peine aggravée en cas de récidive ;
- le citoyen Tesson est autorisé à requérir la Garde Nationale pour, après le soleil couchant, arrêter tous les citoyens composant la garde au fort de Locqueltas qui ne seraient pas pourvus d'une permission et les reconduire à leur poste.

Pendant l'été 1793, il n'est pas une semaine sans qu'un citoyen de la paroisse ait à se plaindre d'abus de pouvoirs ou autres actes répréhensibles. Quatre membres du conseil municipal sont nommés commissaires à la vérification des dommages et chaque citoyen est indemnisé des préjudices qu'il a subis.

Le 20 octobre 1793, est nommé le Comité de Surveillance, composé de 12 membres parmi lesquels Joseph Seau, tonnelier au Kernével, Guillaume Romieux, également tonnelier à Larmor, et Louis Bienvenu de Kerguélen. Il est chargé d'établir la liste des étrangers, puis celle des suspects et de les arrêter.
Ils dénoncent en particulier Jean-Louis Le Meaux, ancien chapelain de Larmor, exilé depuis 3 ans qui a été omis sur la liste des émigrés.

Le 3 novembre, la Société régénérée de la commune de Plœmeur voit le jour. Elle compte jusqu'à 214 citoyens. Jean-Toussain Ozon, agent national est le premier inscrit. Etienne Raduget, gardien du fort du Kernével, âgé de 70 ans est le plus ancien, et 13 résident au Kernével. Les citoyens qui y adhèrent affirment ainsi leur ardeur révolutionnaire et leur accord avec la politique de la convention.

Tous les deux mois, le capitaine de la compagnie des canonniers volontaires en poste au fort de Locqueltas dresse la liste de ceux qui ont été exercés au canon avec la somme à leur payer selon le nombre de jours de présence (15 sols par jour, quel que soit le grade). Les hommes viennent une fois par décade.
Ainsi pour les mois de thermidor et messidor de l'an II, (19 juin – 17 août 1794), le capitaine Nicolas Château, garde d'artillerie instructeur des forts de Locqueltas, du Talud et de Kerpape a établi une liste de 86 hommes pour Locqueltas, soit au total 504 séances d'exercice et une indemnité de 378 livres à leur verser.

Les simples canonniers sont :

Jacques Le Bihan
Marc Le Thiec
Jean-Marie Ropert
Vincent Boulbart
Alexis Montagner
Joachim Le Brec
Louis Le Hunsec
Jean Bouler
Yves Le Guisquet
François Bauzec
Michel Le Moing
Pierre Limantour
Richard Esvant
Michel Limantour
Michel Caignec

Louis Fichant
Nicolas Le Gouhir
Joseph Le Caignec
Joseph Le Clanche
Yves Daniel
Michel Montagner
François Le Luc Kerblé
Jean Louis Richard
Yves Bigot
Jean Cailloche
Corentin Le Cloirec
Louis Kerihuel
Louis Halper
Grégoire Monfort
Mathurin Chassevant

Grégoire Mérel
Marc Kermabon
Claude Mahé
Jean Esvant
Jean-Marie Pessel
Pierre Cagnard
Jean Le Discote
Louis Pogam
Jacques Kergren
Pierre Perron
Pierre Joli
Yves Millot
Pierre Jalot
Jean-Jacques Héon
Julien Thomas

Joseph Le Bihan
Joseph Plemere
Jean-Pierre Bouger
Yves Julé
Yves Perron
Jean-Baptiste Mortier
François Galliot
Jacques Bouvier
Olivier Jouan
Joseph Trégier
Michel Jean Guegan
Joseph Formal
Bertrand Mélo
Joachim Mahé
Jean Salo

Pierre Salo
Yves Le Clanche
Armel Causer
Jean-Baptiste Romieux
François Delcher
François Le Luc
Gabriel Le Nirèse
Joseph Le Corre
Pierre Le Corre
Vincent Bernard
Louis Lamour
Eléonore Durant
Jean Limantour
François Le Bihan
Nicolas Aubert

Le 15 brumaire an III (5 novembre 1794) le commandant amovible de la côte de l'ouest de la 3e division de l'armée des côtes de Brest écrit aux administrateurs du district d'Hennebont.
Je vous ai écrit le huit brumaire et vous ai fait la demande de matelas, paillasses, traversins et couvertures pour tous les forts qui bordent la côte dont la défense m'est confiée. Veuillez, je vous prie y faire droit.
Pour le fort de Locqueltas, il s'agit de 10 paillasses, 10 matelas, 10 traversins, 10 couvertures, 1 bidon, 4 gamelles, 1 cuillère à pot et 1 sablier.
J'espère bien avoir égard à la saison rigoureuse dans laquelle nous entrons et qu'il suffit de vous faire connaitre la position où se trouvent ici les défenseurs de la patrie pour vous empresser à leur faire délivrer ce qui leur est accordé par les lois.
Dans mes visites sur la côte, j'ai vu avec douleur que dans différents postes les hommes de garde étaient dépourvus des objets de la plus urgente nécessité. En conséquence, je vous prie de me faire passer sous le plus court délai les nombres de paillasses, matelas, traversins, couvertures et hamacs annexés dans le présent tableau.
Les hommes de garde aux forts et batteries tombent malades journellement par le peu de soin qu'on a jusqu'à ce moment apporté à leur fournir ce dont ils ont besoin.
Il est possible je pense de trouver dans les maisons d'émigrés les objets que je réclame, ou bien d'allouer conformément aux lois deux sols par jours pour chacun des habitants que vous chargerez fournir.

 

 

 

La 50e compagnie de canonniers garde-côtes

 

Le 1er thermidor an XI (20 juillet 1803), en application d'un arrêté gouvernemental du 8 prairial an XI relatif à l'organisation des compagnies de canonniers garde-côtes, le préfet du Morbihan fixe la répartition des 833 hommes que le département doit procurer aux 7 compagnies de garde-côtes. Plœmeur doit fournir un contingent de 40 hommes affectés à la 50e compagnie.

Le conseil de Plœmeur décide que la désignation se fera par voie de tirage au sort le 22 fructidor (9 septembre).

La 50e compagnie de canonniers gardes-côtes forte de 119 hommes venant de Lorient, Plœmeur, Languidic et Brandérion est basée à Plœmeur. Elle dessert la batterie Napoléon, le fort du Talud, la batterie de Kerpape et le fort de Locqueltas. 

Le fort de Locqueltas est pourvu de 47 hommes venant de Lorient.

Le 7 mars 1806, les forts et batteries sont placés sous la responsabilité du ministère de la guerre. Le décret impérial du 16 juin 1808 fixe les conditions de départ en congé des hommes ayant effectué leurs 5 ans de service et de leur remplacement. 90 hommes sont à remplacer dans la 50e compagnie.
Le 29 juillet 1808, le capitaine Jacques Gerbe, commandant de la 50e compagnie, dresse la liste des sous-officiers, caporaux et canonniers de sa compagnie qui ont droit à l'obtention de leur congé. Il précise que la commune de Plœmeur fournit 40 hommes et il pense que compte tenu de sa population, elle pourrait aisément en fournir 46 déchargeant ainsi la commune de Languidic qui doit fournir 6 hommes à la batterie de Kerpape distante de 7 lieues. Il souligne également qu'il y a à Locqueltas 6 pièces de 36 et 24 montées sur leur affut.

A Plœmeur, le 2 janvier 1809 les futurs canonniers garde-côtes sont tirés au sort sur la liste des citoyens de 25 à 45 ans.

Puis les 14 compagnies de canonniers garde-côtes de la direction de Nantes, ont été réorganisées et ne sont plus que 5. Plœmeur fait maintenant partie de la 23e compagnie qui compte toujours 119 hommes, mais dont les 8 postes à desservir s'étendent du Pouldu à Gâvres.
Le 4 mai 1815, le corps impérial d'artillerie prévoit la levée des hommes nécessaires au service des batteries concernées. Pour celle de Locqueltas, 18 hommes doivent être fournis par Lorient. Le capitaine Galloin, basé à Larmor en assure le commandement.

 

Plan du fort de Locqueltas en 1846

Délimitation des zones de servitude

Le 10 août 1853, un décret portant règlement d'administration publique concerne le classement des places de guerre et des postes militaires, ainsi que les servitudes imposées à la propriété autour des fortifications.
En application de ce texte, le 13 avril 1854, MM. Dubard, chef de bataillon, chef du génie de la place de Lorient et Dubreil ingénieur des ponts et chaussées procèdent au bornage de 3 zones de servitude autour de la batterie de Locqueltas, en présence de monsieur de Raime, maire de Plœmeur et des propriétaires concernés.

1ère zone
Borne n°2 : à 250 mètres du pied de l'escarpe mesurés sur la capitale du saillant du bastionnet de droite du front de gorge, et faisant avec le nord un angle de 344°30'.
Borne n°1 : sur le bord de l'escarpement à 231 mètres de la borne n°2, mesurés sur une ligne partant de cette borne et faisant avec le nord un angle de 225°.
Borne 3 : à 42,40 mètres de l'angle ouest du pignon nord et à 44 mètres de l'angle ouest du pignon sud de la maison la plus rapprochée ; elle est à 250 m du pied de l'escarpe mesurés sur la capitale du saillant du bastionnet de gauche du front de gorge faisant avec le nord un angle de 65°.
Borne n°4 : sur le bord de l'escarpement, à 226 m de la borne n°3 mesurés sur une ligne partant de cette borne et faisant avec le nord un angle de 183°30' ; elle est à 121,90 m de l'angle sud du pignon ouest de la maison la plus rapprochée sur le bord de la côte.
Etc.

Limites du fort

 

 

 

 

Le 2 octobre 1856, il est procédé au bornage de la limite extérieure de la zone des fortifications de la batterie de Locqueltas, homologué par le décret impérial du 12 septembre 1859.

 

 

 

 

 

En août 1885, des fabricants de conserves de la côte et des pêcheurs déposent à la mairie de Plœmeur une pétition. Ils exposent que les exercices de tirs au canon qui sont exécutés par l'artillerie de la marine à Locqueltas en ce moment portent un grave préjudice à la pêche à la sardine. Ils demandent qu'ils aient lieu au mois de mai plutôt qu'au mois d'août. Il y a deux ans une démarche dans ce sens auprès du ministre de la guerre avait été prise en considération.
Le conseil municipal à l'unanimité demande à monsieur le vice-amiral, commandant le 3e arrondissement maritime à Lorient, de bien vouloir faire droit à cette juste réclamation.

 

 

 

 

A Locqueltas en 1891

Peinture de Henry Moret

 

 

 

 

 


 

 Fort de Locqueltas

 

Installation de 3 canons de 32

L'été 1893, des travaux de terrassement sont effectués au fort de Locqueltas et 3 énormes canons de 32, viennent compléter l'armement de la batterie.

En avril 1894, on procède aux essais de ces canons. Les habitants des environs ont été prévenus de laisser leurs portes et fenêtres ouvertes pour ne pas voir leurs carreaux brisés. Seules des vitres de l'auberge du Lapin Blanc ont été cassées. A Larmor, la trépidation a été ressentie fortement mais n'a causé aucun dégât.
Les essais ont été très satisfaisants. Ces énormes pièces dont les feux doivent converger avec ceux de Gâvres pour couvrir la passe des Bretons, peuvent lancer à 12 kilomètres des boulets de 350 kilos. Elles sont longues d'une dizaine de mètres et pèsent plus de 40 000 kilos. Prochainement, un quatrième canon du même calibre sera ajouté à la batterie.
"Le Nouvelliste du Morbihan" du 2 septembre 1894 raconte : Grand émoi hier, parmi la foule des baigneurs et des promeneurs de Larmor. Les pièces du fort de Locqueltas faisaient des tirs à la mer.
Une trentaine de coups de canons ont été tirés. Le but situé à dix kilomètres a été abattu. Aujourd'hui, continuation des exercices par le tir des énormes pièces de 32 dont l'installation vient d'être achevée.

Les troupes d'artillerie sont exercées au tir à la mer des pièces de côte à la batterie de 32 cm du 3 au 9 décembre. Les séances ont lieu de 11 heures du matin à 5 heures du soir. Les bateaux doivent passer au-delà de 10 000 m.

 

Organisation du champ de tir

Les dépêches ministérielles du 28 novembre 1894 et du 6 juin 1895 ordonnent aux autorités militaires d'organiser les champs de tir des batteries de côte de la marine du port de Lorient. Le 2 août 1895, une conférence mixte se réunit, composée de :
           Mélo, chef d'escadron d'artillerie de marine ;
           Cartier, capitaine du génie représentant le chef du génie absent ;
           Mallat, ingénieur des ponts et chaussées ;
           Rouvier, lieutenant de vaisseau de la majorité générale, désigné par ordre du préfet maritime.

Le chef d'escadron d'artillerie de marine expose les études préalables qui ont été faites : projet de consigne générale d'une part et projet relatif à chaque batterie d'autre part.

Consigne générale pour les tirs à la mer dans les batteries de Gâvres, Ban-Gâvres, Fort-Puce, Locqueltas et Talud.

                                                                                     I- Régime des champs de tir
On peut tirer tous les jours, du 1er mai au 15 octobre, et à toute heure pendant le jour.
En tout temps, l'on peut exécuter des tirs de nuit à partir de onze heures du soir.
L'exécution des tirs à la mer sera annoncée au moins quinze jours à l'avance par des affiches mentionnant les jours et heures de tirs, les batteries qui doivent tirer, les zones dangereuses et les signaux d'alarme.
Les signaux d'alarme seront les suivants :
- une heure avant le commencement d'une séance de tir, un coup à blanc sera tiré à la batterie d'où le tir doit s'exécuter ; en même temps un pavillon rouge sera hissé sur la batterie
- un deuxième coup à blanc sera tiré dix minutes avant l'ouverture du feu ;
- le pavillon rouge devra rester hissé en permanence pendant toute la séance de tir ; il ne sera amené qu'après le dernier coup tiré ;
- le remorqueur portera en tête de son mât un pavillon rouge qui restera aussi hissé en permanence pendant toute la séance de tir.
La batterie ne doit tirer que lorsque son pavillon et celui du remorqueur sont hissés et que d'autre part le champ de tir est suffisamment dégagé par les bateaux de pêche ou autres.
Pour les tirs de nuit, le pavillon rouge sera remplacé par deux feux rouges placés au moins à 3 mètres l'un de l'autre. Le remorqueur portera les feux règlementaires imposés par les règlements maritimes ; le but fixe ou mobile sera toujours pourvu de deux feux blancs placés à la même hauteur.

                                                                      II- Organisation intérieure des exercices de tir
Un officier est embarqué sur le remorqueur. Il dirige le service des signaux à échanger avec la batterie et transmet au commandant du remorqueur les indications relatives à la route à suivre. Le remorqueur se maintient par le travers du bat à une distance suffisante pour n'avoir à redouter ni ricochets, ni coups mal pointés.

                                                                                            Tirs de jour
Les signaux de correspondance se composent de boules et pavillons nationaux hissés le long d'un mât. Dans la batterie, ces signaux sont faits sur un mât spécial. Sur le remorqueur, ils seront hissés à l'extrémité d'une vergue ; le pavillon d'alarme étant toujours en tête du mât. Les signaux du remorqueur seront toujours appuyés d'un coup de sifflet à vapeur.
A terre et sur le remorqueur, le poste de signaleurs se composera d'un gradé et de un ou deux canonniers.
On se conformera aux règles suivantes pour les communications principales à échanger pendant le tir.
1. Pour demander si l'on peut tirer, la batterie hisse une boule. Le remorqueur répond "on peut tirer" en hissant aussi une boule. Les boules restent hissées tant qu'il n'y a pas lieu d'interrompre le feu.
2. Pour faire suspendre le feu, le remorqueur amène la boule. Le même signal exécuté à la batterie indique que le feu est suspendu.
3. Pour signaler une avarie momentanée qui oblige à suspendre le tir, le remorqueur amène sa boule et hisse le pavillon national. Si l'avarie est telle que le tir ne puisse pas continuer, le remorqueur hisse deux pavillons nationaux.
4. Pour signaler au remorqueur de changer le sens de la marche du but, la batterie hisse une deuxième boule. Le remorqueur hisse également une deuxième boule, exécute le changement de marche et amène sa deuxième boule pour indiquer à la batterie qu'elle peut reprendre le tir. La batterie amène alors sa deuxième boule.
5. Pour faire éloigner le but, la batterie hisse et amène la boule sans interruption plusieurs fois de suite. Le remorqueur exécute le même signal et s'éloigne jusqu'à ce que la batterie ait hissé finalement sa boule.
6. Pour faire rapprocher le but, la batterie amène sa boule puis hisse et amène sans interruption plusieurs fois de suite un pavillon national. Le remorqueur exécute le même signal et se rapproche jusqu'à ce que la batterie ait amené définitivement le pavillon national et rehissé sa boule.
7. Pour signaler qu'elle veut passer du tir sur but fixe au tir sur but mobile et vice-versa, la batterie hisse un pavillon national sous la boule. Le remorqueur exécute le même signal.
8. Pour faire mouiller un but, un signaleur agite de la batterie un guidon national.
9. La fin de la séance de tir est annoncée par la suppression du pavillon d'alarme de la batterie. Le remorqueur amène alors son pavillon d'alarme.

                                                                                               Tirs de nuit
Les signaux de correspondance se font au moyen des feux Coston numérotés de 1 à 8. Les conventions suivantes seront adoptées:
     Batterie :
                    Peut-on tirer ? ou, l'on va tirer : feu rouge n°4 ;
                    Le feu est suspendu : feu blanc n°1 ;
                    Fin de la séance de tir : feu blanc n°1.
     Remorqueur :
                   On peut tirer : feu rouge n°4 ;
                   On ne peut pas tirer, ou suspendez le feu : feu blanc n°1 ;
                   Avarie momentanée : feu blanc et vert n°3 ;
                   Avarie grave, nécessité de rentrer au port : feu blanc n°1.

 

 

Le projet relatif à la détermination du régime des champs de tir des batteries de Locqueltas concerne 4 canons de 320, modèle 1870-1881 et 6 canons de 90, modèle 1881, en projet.

La batterie de 320 peut tirer des obus en fonte ordinaire lestés, à charge d'exercice ou à charge de combat et des boulets en fonte dure à charge de combat.

La batterie de 90 pourra tirer des obus en fonte ordinaire lestés à charge d'exercice ou à charge de combat.
La distance limite des tirs est de 5000 mètres.
Le tir peut être exécuté dans le secteur compris entre les lignes qui vont de la batterie à la pointe de Gâvres d'une part, à la pointe occidentale de Groix de l'autre.
La circulation est interdite dans la partie des coureaux de Groix comprise dans le secteur de tir et dans la passe orientale, depuis la batterie jusqu'à 10 000 mètres.

La zone comprise entre la mer et la batterie est interdite à la circulation.
Les buts mobiles suivront un itinéraire déterminé par l'alignement : pointe de Gâvres – Sémaphore de Grognon.
Le virage du remorqueur se fera quand le but arrivera à hauteur du rocher du Grasu d'une part, à hauteur de la pointe de Gâvres d'autre part.
Les buts fixes sont mouillés à l'intersection des deux alignements : pointe de Gâvres - Fort Lacroix d'une part et pointe du Grognon– La Vache d'autre part.

Le 27 juillet 1895, le gérant de la Compagnie des Vapeurs Port-Louisiens Lorientais, informé de ce projet, fait les observations suivantes :
Les secteurs interdits des différentes batteries, ont pour conséquence d'empêcher absolument les communications pendant les tirs de ces batteries entre Lorient et Port-Tudy (Ile de Groix). Or, ce dernier port, le seul qui desserve l'ile dans des conditions convenables, est relié à Lorient par un service régulier de bateaux à vapeur appartenant à la Compagnie des Vapeurs Port-Louisiens Lorientais. Ce service comporte deux voyages par jour au moins, dans chaque sens pendant les mois d'hiver. Les voyages doivent d'ailleurs se faire à heure fixe car le bateau fait non seulement le transport des voyageurs et des marchandises, mais encore le transport des lettres.
Dans ces conditions, le gérant ne peut que protester contre les entraves qui seront apportées par les tirs, au service public qu'il a mission d'assurer et il demande formellement s'il n'est pas possible de modifier les secteurs interdits pour que le bateau qui fait le service de Groix puisse néanmoins effectuer ses voyages réguliers, les tirs demeurant suspendus pendant sa traversée des secteurs interdits.

Diverses autorités concernées par ce projet sont consultées afin d'émettre leurs observations. L'inspecteur des douanes de Lorient, le commissaire de l'inscription maritime de Lorient, celui de Groix, le maire et les adjoints de Plœmeur ainsi que ceux de Groix n'ont aucune remarque à formuler. Seul le maire de Gâvres expose que les tirs à la mer du 15 mai au 15 octobre causent les plus grands dommages à la pêche côtière, notamment à la pêche de la sardine qui commence dès les premiers jours de juin pour finir dans la première quinzaine d'octobre. Ces tirs pourraient avoir lieu en mars, avril, mai, octobre.

Lors de la réunion de la commission mixte du 2 août 1895, après avoir entendu les observations des autorités ci-dessus, les membres de la conférence sont invités à donner leur avis.
Monsieur Mallat, ingénieur des ponts et chaussées chargé du service maritime émet de nombreuses observations. Il adhère absolument à la protestation du maire de Gâvres et demande qu'aucun tir ne soit exécuté pendant les mois de juin, juillet, août, septembre. Il lui semble d'autant plus facile de donner satisfaction à ce desideratum des pêcheurs qu'on y a fait droit pour les tirs des batteries des côtes armées par le ministère de la guerre dans les mêmes parages. Les consignes préparées par les représentants de ce ministère pour les forts de l'ile de Groix et du Talud contiennent toutes l'article suivant : "aucun tir n'aura lieu pendant la saison active de la pêche à la sardine, de juin à octobre inclusivement". Le ministère de la marine ne saurait se montrer moins soucieux des intérêts des populations du littoral, qui lui fournissent ses meilleurs marins.
Il demande aussi, pour des raisons de sécurité évidentes, que les tirs n'aient pas lieu par temps de brouillard.
Pour ce qui est de la batterie de Locqueltas, il soutient que ses tirs interdisent absolument l'entrée de Lorient, le secteur de tir couvrant les deux passes. Il ne parait pas possible, en raison de la direction dans laquelle doivent tirer les pièces, de modifier ce secteur. Mais on ne peut méconnaitre combien est grave la situation qui est ainsi faite au commerce, puisque les navires qui fréquentent le port de Lorient ne pourront ni entrer ni sortir. Il convient d'atténuer autant que possible les inconvénients de cette situation.
Il propose de compléter l'article sur les zones maritimes à interdire par le texte suivant :
Toutefois, le bateau qui fait le service régulier entre Lorient et Groix est autorisé à traverser la zone interdite et les tirs seront suspendus pendant sa traversée de cette zone.
En outre, pour permettre aux navires qui entrent à Lorient ou qui en sortent de pouvoir pratiquer les passes, les tirs seront suspendus chaque jour pendant une période de 3 heures au moins, s'étendant de 1 h ½ avant la pleine mer à 1 h ½ après.
Le moment de pleine mer est en effet celui où les navires qui font des opérations dans le bassin à flot du port de Lorient peuvent entrer dans ce bassin ou en sortir. C'est donc aussi celui où les entrées et sorties sont les plus nombreuses à l'entrée de la rade de Lorient.

Le service des ponts et chaussées doit faire une autre réserve dans l'intérêt des ouvrages dont la surveillance et l'entretien lui sont confiés. En effet, le champ de tir de la batterie de Locqueltas couvre à l'est l'écueil des Trois Pierres qui porte une tour balise qui recevra au mois d'octobre prochain un feu permanent d'horizon destiné à signaler l'écueil à la navigation pendant la nuit. Il est indispensable que cet ouvrage ne soit pas compris dans les limites des champs de tir. La limite est du champ de tir devra donc être reportée de quelques degrés vers l'ouest, par exemple par une ligne allant de la batterie au sommet du plateau des Errants.
Le capitaine du génie n'a pas d'observation à formuler.

Le représentant de la Majorité Générale constate que les batteries de Locqueltas et du Talud défendent complètement l'accès du port. Il propose de déplacer vers l'ouest leur secteur de tir de façon à ce que les bâtiments puissent rentrer à Lorient par l'est de Groix.
Par ailleurs, il estime que si les tirs interdisant d'une façon absolue l'accès du port sont maintenus, il y aurait lieu d'ajouter à la consigne générale le signal effectué par un torpilleur en avarie grave signifiant pour la batterie et le remorqueur "arrêt momentané du tir pour pénétrer dans le port".

Monsieur Mélo, chef d'escadron d'artillerie de marine estime quant à lui que les époques de tir répondent le mieux aux conditions du fonctionnement de l'instruction du personnel et qu'il y a lieu de les conserver. Pendant la période du 1er mai au 15 octobre, il est tout au plus fait une quinzaine d'écoles à feu et encore la plupart d'entre elles ne durent pas toute la journée.
Les troupes de la marine n'exécutent pas habituellement de tirs de nuit, seulement en vertu d'ordres du préfet maritime.
Il pense qu'il n'y a pas lieu de mentionner la suppression des tirs par temps de brouillard puisque les tirs ne sont exécutés que lorsque le but est nettement visible.
En ce qui concerne les projets de régime de tir particuliers à chaque batterie, il estime qu'il n'y a aucun inconvénient à donner satisfaction aux conférents dans leurs propositions.
Toutefois, pour la batterie de Locqueltas, il pense que la solution proposée par l'ingénieur des ponts et chaussée est préférable à celle indiquée par le lieutenant de vaisseau de la majorité générale car elle n'exige aucun changement dans les itinéraires des buts.
Enfin, pour ce qui est de l'arrêt momentané des tirs pendant la traversée des bateaux qui font le service entre Lorient et Groix, il fait remarquer que jusqu'ici il a toujours été observé y compris pour les bateaux venant du large.

Puis, ce projet d'organisation des champs de tir des batteries de côte de la marine du port de Lorient fait l'objet d'une instruction au deuxième degré.
Le 9 août, le colonel directeur d'artillerie de marine après avoir pris connaissance du procès-verbal de la conférence mixte émet l'avis qu'il y a lieu d'approuver le projet de consignes générales et les projets de régime de tir particuliers à chaque batterie sous la réserve des modifications suivantes.
Et en particulier : le tir sera suspendu lorsqu'un navire entrant à Lorient ou en sortant, pénètrera dans la zone interdite pendant la période de 3 heures comprise entre une heure et ½ avant la pleine mer et une heure et ½ après la pleine mer.
BalisePour ce qui est de la batterie de Locqueltas, il est d'avis de diminuer le secteur interdit, du côté de l'est, de 6 degrés, de façon à ce que l'écueil des Trois-Pierres qui porte une tour balise, se trouve en dehors du champ de tir.
Il propose également d'ajouter, à la demande de l'ingénieur des ponts et chaussées : le bateau qui fait le service régulier entre Lorient et Groix est autorisé à traverser la zone interdite et les tirs seront suspendus pendant la traversée de cette zone.

Le directeur du génie se range à cet avis.

Le 21 septembre 1895, monsieur Willotte, ingénieur en chef du service des ports de commerce du Morbihan, considérant qu'il importe au point de vue de la sécurité de la navigation que les conditions des tirs à faire à l'entrée du port de Lorient soient précisées et signalées, formule les demandes suivantes.
La date et la durée des tirs ne sera fixée chaque année par l'autorité maritime, qu'après entente avec l'ingénieur en chef du Morbihan (comme c'est le cas pour les tirs effectués sur les champs de tir de terre).
Il serait vivement à désirer que comme l'ont demandé MM. Les maires de Gâvres et l'ingénieur des ponts et chaussées, on posât en principe la suspension de tout tir de juin à octobre inclus, c'est-à-dire pendant la période active de la pêche à la sardine. L'administration de la guerre a déjà admis cette restriction pour les batteries voisines dont elle est chargée.
Il reconnait par ailleurs que la condition de libre passage des bateaux à vapeur de la Compagnie Port-Louisienne dans les secteurs des batteries, formulée par l'ingénieur des ponts et chaussées est admissible et donne une satisfaction suffisante aux observations présentées par le gérant de la dite compagnie. Il pense également que les navires venant du large, qui peuvent ignorer l'existence des tirs ou sont susceptibles de se trouver en avarie exigeant la prompte entrée au port, devront être libres de passer à toute heure de marée.

En tant qu'ingénieur en chef du service des phares et balises, il pense utile de préciser les conditions d'installation du signal d'alarme à placer la nuit dans les batteries en état de tir : deux feux rouges placés à moins de 3 m l'un de l'autre.
1° les deux feux rouges comprenant ce signal devront être placés horizontalement à une distance telle qu'ils soient perçus distinctement séparés l'un de l'autre jusqu'à la limite utile de leur visibilité.
2° la portée lumineuse de ces feux ne devra pas être inférieure à l'étendue de la zone dangereuse du tir.
3° avant de commencer ces tirs et pendant toute leur durée, on devra vérifier si les feux constituant le signal ont la portée et la visibilité voulues.
Pour ce qui concerne le feu permanent sur la tourelle-balise des Trois-Pierres, on peut admettre que pour tenir ce feu en dehors du secteur battu par la batterie de Locqueltas, il suffit de diminuer le secteur en question du côté de l'est d'un angle de 6°. Les avaries occasionnées éventuellement à cet ouvrage restant à la charge de la marine.Signature

Puis en tant qu'ingénieur en chef des ponts et chaussées, il reformule certaines des observations ci-dessus.

 

En-têteFinalement, le 9 mai 1896, le ministre des travaux publics informe le préfet de la décision de la commission mixte des travaux publics. Elle émet l'avis qu'il y a lieu d'approuver le projet en y apportant les modifications proposées par le directeur d'artillerie sous les réserves suivantes :
- Les tirs de nuit n'auront lieu qu'en tant que le service de l'artillerie de marine disposera des projecteurs nécessaires pour surveiller le large et découvrir les bateaux qui viendraient à pénétrer dans la zone dangereuse.
- Le 13e paragraphe sera rédigé de la manière suivante : "Pour les tirs de nuit, le pavillon de la batterie sera remplacé par deux feux rouges placés horizontalement et à une distance telle qu'ils soient perçus distinctement séparés l'un de l'autre jusqu'à la limite utile de visibilité ; on devra d'ailleurs, avant chaque séance de tirs de nuit vérifier la partie lumineuse de ces feux et s'assurer qu'elle n'est pas inférieure à l'étendue de la zone dangereuse.
- Après le 17e paragraphe, on en ajoutera un autre ainsi conçu : les dates et les heures des tirs pourront être modifiées à raison des circonstances exceptionnelles du service, sur la demande de l'ingénieur en chef du Morbihan, après entente avec le service de la marine.

 

Nouveaux régimes des champs de tir

A partir du 25 septembre 1906, se tient à Lorient une conférence mixte concernant la détermination des régimes des champs de tir des batteries de côte de Lorient, Port-Louis et Groix, qui comprennent :
            - des batteries provenant de la marine dont fait partie celle Locqueltas ;
            - des batteries de la guerre dont celle du Talud ;
            - et une batterie nouvelle, le Méné qui remplace celle de Fort Surville désarmée.

Les consignes générales prévoient que :
- Une heure avant le commencement de chaque séance, un coup à blanc sera tiré de la batterie en même temps que le pavillon rouge sera hissé sur l'ouvrage. Un deuxième coup à blanc sera tiré dix minutes avant l'ouverture du feu. Le pavillon rouge restera hissé en permanence pendant toute la séance ; il ne sera amené qu'après le dernier coup tiré ;
- Le remorqueur de but portera en tête du mat un pavillon rouge qui restera également hissé pendant toute la séance ;
- Les pavillons rouges du remorqueur et de la batterie seront distincts du système de signaux de correspondance ;
- Pour les tirs de nuit, le pavillon d'alarme de la batterie sera remplacé par deux feux rouges placés horizontalement. Ces feux devront être établis parallèlement à la crête de la batterie et distants d'environ dix mètres ;
- Le remorqueur portera les feux réglementaires imposés par les règlements maritimes. Le but fixe ou le but mobile sera pourvu sur chaque face de deux feux blancs placés à la même hauteur.

Le régime de la batterie de Locqueltas prévoit que les limites du champ de tir seront :
Le jour : limite droite : batterie de Locqueltas – fort Surville (pointe de Groix) ;
              limite gauche : batterie de Locqueltas – tourelle des Trois Pierres ;
              au large : distance de 7000 m.
La nuit : limite droite : feu de la batterie de Locqueltas – feu de la Croix ;
              limite gauche : feu de la batterie de Locqueltas – feu des Trois Pierres ;
              au large : feu du phare de Pen-Men – feu de la rivière d'Etel ;
                                    distance moyenne de 7000 m.

Les zones maritimes à interdire sont :
Le jour : limite droite : côté ouest de la batterie de Locqueltas – tourelle de la Pierre d'Orge ;
              limite gauche : 1° batterie de Locqueltas – la tourelle des Trois Pierres
                                      2 ° tourelle des Trois Pierres – Pointe sud de Gâvres ;
              au large : distance de 9000 m.
La nuit : limite droite : feu de la batterie de Locqueltas – feu de Port-Tudy ;
              limite gauche : feu de la batterie de Locqueltas – Pointe sud de Gâvres ;
              au large : feu de la pointe des Chats – feu de la rivière d'Etel.

Le maire de Plœmeur n'a aucune observation à formuler sauf en ce qui concerne l'époque des tirs dont l'article pourrait être ainsi rédigé : Les tirs d'exercice sont autorisés toute l'année sauf pendant les mois de juin, juillet, août, octobre et novembre. Cette même revendication est présentée par les maires de Groix et de Gâvres.

L'ingénieur des ponts et chaussées, chargé des services maritimes et des phares et balises rappelle le régime des batteries.
Avec les anciens régimes, les batteries de la marine pouvaient exécuter leurs tirs de jour du 1er mai au 15 octobre et leurs tirs de nuit toute l'année à partir d'onze heures du soir, celles de la guerre faisaient leurs tirs d'exercice du 1er décembre au 1er juin et leurs tirs préparatoires d'instruction toute l'année, mais seulement de jour.
Avec les nouveaux régimes, pour toutes ces batteries les tirs d'instruction et d'épreuve auraient lieu toute l'année de jour, les tirs d'exercice auraient lieu toute l'année sauf pendant les mois de juillet, août, octobre et novembre.
Pour ce qui est des tirs au mois de juin, il estime que si la guerre ne peut satisfaire à ce désir des municipalités d'une façon absolue, il conviendrait de prendre l'avis de l'autorité maritime au sujet de l'exécution des tirs de juin qui n'offrent aucun inconvénient si la sardine n'apparait pas encore sur la côte et qui dans le cas contraire peuvent faire subir de lourdes pertes aux populations de pêcheurs.

Le commandant d'artillerie affirme quant à lui que l'exécution des tirs pendant le mois de juin doit être maintenue intégralement. Il importe en effet que l'instruction des hommes soit achevée avant les écoles à feu, ce qui ne peut avoir lieu si celles-ci ont lieu en mai. D'autre part, si l'on devait prendre chaque année l'avis de l'autorité maritime, il serait impossible d'établir en temps utile les programmes des écoles et de préparer les mouvements qu'entraine leur exécution.

Finalement, le 7 janvier 1908 le ministère des travaux publics des postes et des télégraphes décide, entre autres dispositions, que les tirs d'exercice sont interdits pendant la saison active de la pêche à la sardine du 1er juin au 1er décembre,
Les zones maritimes à interdire sont déterminées par des alignements faciles à reconnaitre et sont interdites d'une façon absolue à la navigation, sauf les exceptions suivantes :
Le tir sera interrompu ou changé de direction de manière à ne pas gêner :
    - les navires faisant le service régulier entre Lorient et Groix ;
    - les navires à voile ou à vapeur entrant à Lorient ou en sortant et les bâtiments du quartier de Groix affectés à la pêche au large ;
    - les bâtiments de guerre faisant leurs essais ;
    - les bâtiments du service des ponts et chaussées stationnant pour des travaux urgents de balisage ;
    - les bâtiments se livrant à la pêche de la sardine, obligés de suivre les bancs de poisson dans la zone interdite.
Si le séjour de la sardine dans ladite zone paraissait devoir se prolonger, l'administration de la marine en aviserait sans délai l'autorité militaire locale et la tiendrait journellement au courant des mouvements probables des flottilles des pêcheurs.


 

Fort de Locqueltas

 

Après la Grande Guerre

Une casemate dépendant du fort de Locqueltas est vendue aux enchères par l'administration des domaines le 19 novembre 1920. Elle est adjugée à M. Le Leuxhe au prix de 5200 francs.

Les 25, 26 et 28 janvier 1921, le 1er R.A.C. procède à des tirs à la mer à la batterie de Locqueltas. La presse locale rappelle la zone de tir et la zone interdite. En outre, si des dragueurs soulevaient ultérieurement des obus non éclatés, ils devraient en aviser immédiatement l'inscription maritime.

 

Demande de déclassement du fort

Le 31 janvier 1926, le tout nouveau conseil municipal de Larmor-Plage, considérant que l'évolution de la commune ne peut se faire que par la suppression du fort de Locqueltas, demande son déclassement et la vente des terrains devenus libres au profit de l'état et en attendant l'accomplissement des formalités qui peuvent être longues, demande la suppression des servitudes actuelles.

 

Le 5 mars, le chef du génie répond qu'il adresse le dossier au ministre de la guerre, et ajoute que la Marine et le service de l'Artillerie ont déjà émis un avis défavorable.

Le 17 juin, le ministre décide qu'il n'y a pas lieu d'envisager le déclassement, ni la suppression des servitudes de l'ouvrage en cause.

Un an plus tard, le 25 septembre 1927, la commune réitère sa demande.
Le conseil municipal, considérant
- que la situation géographique de Larmor-Plage, station balnéaire, ne permet la plus grande extension de son agglomération et de son évolution constante que le long des plages de son territoire, de la pointe du Kernével à la pointe de Kerpape ;
- que la principale de ses plages se trouve affectée du voisinage immédiat du fort de Locqueltas situé à 300 m environ du centre actuel de son agglomération, qu'il est constant que les servitudes obligées d'un fort paralysent nécessairement et complètement la construction autour de l'édifice ;
- mais considérant que le fort de Locqueltas a été complètement désarmé il y a quelques années, que l'enlèvement et la destruction des affuts de pièces ont été opérés l'année dernière, que l'on peut en conclure que ce fort n'a plus sa raison d'exister puisque l'administration de la guerre à laquelle il appartient ne s'en sert plus que pour un dépôt de pièces d'artifices qui ne parait pas avoir besoin des servitudes afférentes à ce fort, lequel n'occasionne que des dépenses ;
- qu'il n'appartient pas à la municipalité de discuter le bien-fondé de l'utilité du fort pour l'avenir, mais qu'il est constant qu'alors même que ce fort devienne réarmé pour les besoins de la Défense Nationale, sa proximité presqu'immédiate de l'agglomération de Larmor fait que les servitudes sont sans objet et sont une obstruction très grande à l'évolution de la station balnéaire et non sans préjudice aux intérêts des propriétaires riverains qui ne retirent aucun revenu de leurs propriétés lesquelles ne se prêtent pas à la culture ;
- considérant la bienveillance très marquée de monsieur le ministre de la guerre d'avoir consenti à l'abandon du champ de tir de Kercavès, ce dont la commune lui en garde une grande reconnaissance ;
Demande instamment que, si le fort de Locqueltas ne peut être abandonné, monsieur le ministre de la guerre étende à nouveau sa bienveillance sur Larmor-Plage en supprimant dès maintenant les servitudes du fort de Locqueltas.
Il demande l'appui de Lorient, du conseil général et du préfet.

La réponse du ministre est encore négative : il n'est pas possible en raison des nécessités de la défense, d'envisager la suppression des dites servitudes. Il laisse néanmoins penser que la construction d'habitations en bois, facilement démontables, pourrait être autorisée.

Mais le général, commandant le 11e corps d'armée, s'y oppose faisant référence à un décret de 1833 qui interdit toute construction, de quelque nature qu'elle soit dans la première zone des servitudes autour des places et des postes classés.

Le 1er mars 1930, la chambre d'industrie touristique de Larmor émet un vœu tendant au déclassement du fort et de ses servitudes.
Le lendemain, le conseil municipal fait sien le vœu émis par la chambre d'industrie touristique et renouvelle sa demande du 25 septembre 1927. Copie est adressée aux autorités civiles, militaires, aux parlementaires et aux associations touristiques de la région en demandant leur appui pour que satisfaction soit enfin accordée à sa légitime revendication.

La chambre de commerce de Lorient et du Morbihan, dans sa séance du 2 avril, émet un avis très favorable à ces vœux.

Dans un courrier "secret" du 7 avril 1930, adressé au chef du génie à Lorient, le contre-amiral Audouard, commandant de la Marine à Lorient, écrit : ce fort a toujours été considéré par la Marine comme nécessaire à la défense des côtes. De plus, il figure au programme d'armement du littoral, mis à jour tout récemment, parmi les ouvrages qui doivent être armés dans un avenir prochain.
Il ne m'est donc pas possible d'émettre un avis favorable à un déclassement ou à la suppression des servitudes.

Mais la presse se fait l'écho de cette correspondance ce qui provoque une vive réaction du contre-amiral auprès du préfet.

 

Je regrette vivement que ce document ait pu être porté à la connaissance du public par la voie de la presse.
Je vous serais très obligé de vouloir bien faire rechercher dans quelles conditions a pu se produire la fuite dont il s'agit.

La nouvelle du prochain armement du fort de Locqueltas est surprenante. En effet, désarmé depuis la guerre, il est dépourvu de toutes pièces d'artillerie et ne sert que d'abri à de vieilles munitions, sous la surveillance d'un sous-officier du Génie.

 

Trois ans plus tard, le 7 septembre 1933, à la nouvelle demande de suppression de la zone de servitude de la batterie de Locqueltas formulée par la chambre d'industrie touristique de Larmor, le ministre de la Marine répond que la zone de servitude de 250 mètres, actuellement existante est nécessaire autour de cette batterie, qui doit être utilisée pour la défense du littoral.

 

De nos jours

L'occupation allemande étant passé par là, la côte est couverte de bunkers destinés à protéger la base des sous-marins qu'elle a construite à Lorient. Le fort de Locqueltas et la pointe du Kernével sont particulièrement stratégiques et équipés en batteries lourdes.

Ce n'est qu'en 1952 que le fort est désarmé, mais la zone de servitude demeure.

Actuellement, toujours propriété de la Marine, le fort de Locqueltas abrite un centre de vacances des armées.

 

 


Fort de Locqueltas 

 

En 1831, alors qu'il est question de la construction d'un pont suspendu sur la rivière le Ter au passage de Kermélo, pour rallier Lorient à Larmor, le commandant du génie de la place de Lorient est appelé à donner son avis.
Il observe qu'en cas de guerre maritime, si comme le remarque monsieur le préfet du Morbihan, cela donnerait un moyen plus facile et plus prompt de communiquer entre la ville de Lorient et la côte de Larmor, cela pourrait être utile à la défense de la frontière. D'un autre côté cette communication serait dangereuse en procurant à l'ennemi le moyen de se porter avec plus de facilité et de promptitude sur la place de Lorient si importante par ses établissements maritimes.
Il rappelle que déjà en 1829, la commission mixte des travaux publics avait estimé que le comblement de l'anse du Ter serait préjudiciable à la défense de Lorient. Avis approuvé par le ministère de la guerre et de la marine.
En conséquence, il estime que la demande de construction de pont au passage de Kermélo sur la rivière du Ter formulée par monsieur Laurent de Lyone, ne doit être accordée que sous la condition de démolir ou voir démolir à ses frais le dit pont, à la première réquisition de l'autorité militaire, en temps de guerre et ce sans indemnité.

Le colonel, directeur des fortifications, approuve cet avis et souligne que si prompt que fut le débarquement à droite de l'embouchure du Blavet, d'une troupe ennemie capable d'inquiéter Lorient, et sa marche vers cette place, il n'est pas probable qu'elle eut atteint le pont projeté avant la facile et rapide démolition de ce léger ouvrage.

L'ingénieur en chef des ponts et chaussées signale qu'en cas de guerre, le passage d'un corps de troupe sur ce pont chargerait le plancher de 200 kg/m², et il conviendrait donc de le soumettre à l'épreuve d'un poids équivalent.

C'est trois ans plus tard, le 16 octobre 1834, après de nombreuses difficultés que Louis Philippe, Roi des Français, autorise le préfet à mettre les travaux de construction du pont en adjudication.

En 1836, le colonel, directeur des fortifications, s'oppose à la construction d'un pont fixe qu'on propose de substituer à la passerelle suspendue initialement prévue, étant donné qu'il doit pouvoir être démoli immédiatement en cas de guerre.
Finalement, le pont suspendu à péage, construit par les frères Seguin, est ouvert au public le 7 avril 1838. Les militaires en corps ou isolément porteurs d'ordre de service ou de feuille de route sont exempts de droit de passage.

convoi militaireEn 1883, alors que la circulation sur le pont de Kermélo a été interdite plusieurs fois à cause de sa fragilité, il est question de le remplacer par un pont fixe en pierres et de racheter le péage. Les habitants du quartier de Larmor le réclament avec force au moyen d'une pétition dans laquelle ils soulignent que l'artillerie de marine qui fait l'été ses exercices de tir à Locqueltas est obligée de faire passer ses canons par Plœmeur, faute d'un pont assez solide pour les supporter.

Le 10 avril 1884, le conseil municipal de Lorient s'inquiète : la marine et l'artillerie qui envoient des hommes, des chevaux, des canons, du                         Collection personnelle                                      matériel ne peuvent se servir du pont à cause de son défaut de solidité et de largeur. Qu'arriverait-il en cas de guerre ?

 

Le 29 novembre 1900, alors que le rachat du droit de péage du pont se précise enfin, le général de la Rivière, commandant la 43e brigade d'infanterie et les subdivisions du Morbihan écrit au préfet. 

Il exprime la satisfaction qu'éprouveraient nos soldats de franchir individuellement le pont sans avoir à payer un droit. J'ajouterais que si les troupes sont exemptes de la taxe actuelle, elles trouveraient grand avantage à franchir, dans l'avenir, un pont large et solide présentant toutes les garanties de résistance que ne possède pas le pont suspendu en service.

Le 6 mai 1902, un arrêté réglemente le passage du pont devenu gratuit. L'article 5 prévoit que lors du passage de la troupe, les chefs de corps devront faire marcher : l'infanterie sur deux files seulement et à volonté, c'est-à-dire en rompant le pas ; la cavalerie sur une seule ligne et au pas.

Le 2 février 1905, la solidité du pont s'étant dégradée, le préfet rend plus strictes les conditions de son passage. C'est ainsi que pour le passage des troupes, le nombre de soldats est limité à des groupes de 20 et celui des cavaliers à des groupes de 6. Le ministre de l'intérieur écrit au préfet qu'il serait prudent d'appeler l'attention de l'autorité militaire sur l'état du pont de Kermélo et de lui demander d'éviter dans la mesure du possible d'y faire passer les troupes en marche.
Le général Peloux, commandant le 11e corps d'armée et le vice-amiral Melchior, commandant en chef, préfet maritime, donnent les ordres nécessaires pour que les troupes, dans la mesure du possible, évitent de passer sur cet ouvrage.

Compte tenu de la fragilité du pont, le 3 décembre 1912, le préfet décide que l'infanterie est autorisée à y passer par groupe de 16 en rompant le pas et la cavalerie par groupe de 4 au pas.

Le 19 juillet 1913 le colonel Costebonel, commandant le 62e régiment d'infanterie à Lorient, se plaint auprès du vice-amiral, gouverneur, commandant d'armes à Lorient, de l'attitude du gardien du pont de Kermélo. Etant à cheval avec ma fille et arrivant près du pont, j'ai mis pied à terre, conformément à la consigne donnée par la Place, tandis que ma fille qui monte en amazone et qui ne pouvait mettre pied à terre traversait le pont à cheval. Le gardien du pont lui ayant donné l'ordre de descendre, je me suis opposé à cette injonction en faisant observer qu'une femme à cheval ne pouvait pas mettre pied à terre. Le gardien prenant alors un ton menaçant et insolent m'a répondu qu'il allait faire une réclamation. Il est inadmissible que des faits de ce genre soient tolérés et qu'un officier soit pris à partie d'une manière aussi violente. Je réclame donc qu'une sanction soit prise contre cet employé.

Cette plainte est transmise par le préfet maritime au sous-préfet de Lorient puis au préfet du Morbihan.
L'enquête effectuée par l'agent voyer d'arrondissement Lenoble fait ressortir que le coupable ne serait pas le gardien Kerangouarec, mais un des contremaîtres de Bonduelle et Martineau, les entrepreneurs de l'ouvrage en construction. Interrogé, il a reconnu les faits. Nous l'avons vertement tancé et prié de ne pas s'occuper de choses qui ne le concernaient aucunement. Nous avertissons ce jour les entrepreneurs qu'ils ont à veiller à ce que leurs employés restent étrangers à la police du pont sous peine d'être obligés de prononcer le renvoi du coupable. Puis l'agent voyer précise que pour les amazones accompagnées par un cavalier servant, celui-ci pouvant le cas échéant les aider à maîtriser leur monture, nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu'il soit dérogé pour elles au règlement.

Le 3 avril 1914, toute circulation est interdite sur le pont suspendu qui menace de s'écrouler alors que la construction du nouveau pont est considérablement retardée par des malfaçons. Il est finalement ouvert au public le 15 avril 1919.