La verrerie du Kernével

 

Droneau crée une verrerie au Kernével

En avril 1755, Pierre-Michel Droneau, procureur du roi de la ville de Lorient et caissier en chef de la Compagnie des Indes rencontre les dirigeants de la Compagnie. Sur sa proposition, ils le chargent d'établir un mémoire sur la création d'une verrerie sur le bord de la côte près L'Orient. En effet la Compagnie des Indes est grande consommatrice de bouteilles de verre, rares et chères dans la région. M. de Trudaine, Intendant des Finances, engage Droneau à créer un tel établissement et l'assure qu'il le fera aider par les Etats de Bretagne.

 

Par un arrêt du Conseil en date du 29 juillet 1755 et les lettres patentes du 10 décembre il est autorisé à établir une verrerie au Kernével en vue de procurer à la Province de Bretagne l'abondance des ouvrages de verre et d'en faire diminuer le prix que leur rareté rendait excessif.
Il peut vendre et débiter toutes sortes de verres, bouteilles, cristaux, émaux et autres ouvrages de verrerie.
Pour la fabrication, seul le charbon de terre provenant des mines du royaume peut être utilisé, sans brûler aucun bois ni charbons de bois. Est également exclue toute soude faite avec les cendres de goémons brulés dans le pays.

Nouveau plan de Lorient, du Port-Louis et de leurs rades, 1779

Le 17 mai 1755, devant maître Le Guevel, Marie Anne Perriot, veuve de Vincent Tafflé de son vivant notaire, et consorts héritiers de Mathurin Perriot et Gabrielle Michel, cèdent à Pierre-Michel Droneau et Jacquette Poirier son épouse une maison principale couverte en ardoises avec un jardin au couchant cerné de murs et deux magasins au midi de la cour et de la dite maison, un autre magasin au levant de la dite maison principale, le chemin entre le terrain vide au levant du dernier magasin allant jusqu'à la mer. Tout le dit terrain à prendre depuis les deux bornes qui sont en dehors au couchant des deux bouts du mur du dit jardin pour aller sur les lignes des deux bornes jusqu'à la mer donnant du midi à terre du sieur Peron de Port-Louis et du couchant et nord à terre de la seigneurie du Ter. Le dernier magasin ayant une fenêtre au pignon du nord, de plus une portion de terre sous lande donnant du nord sur le rivage de la mer autrement dit l'anse du Kernével, chargés de trois livres de rente censive à la seigneurie du Ter relevant roturièrement du proche fief de La Rochemoisan.
La vente est consentie pour la somme de huit mille livres.

 

C'est là que Pierre-Michel Droneau implante sa verrerie avec la construction d'un four et de quelques petits logements pour les ouvriers en investissant 50 000 livres. Il acquiert également les matières premières nécessaires : cendres, terre à pots et à briques, charbon de terre ; la soude se faisait avec du varech pris sur le bord de la côte ; le sable ne coûtait que la peine de le prendre au pied de la verrerie.

Dès la mise en route de la verrerie en 1756, la quantité et la qualité des bouteilles sont telles que la verrerie se trouve au premier rang de cette industrie et les ouvriers ne peuvent plus suffire aux demandes. Le prix de vente des bouteilles est réduit de six livres par cent du fait que les matières premières se trouvent sur place. Les verreries de Nantes, Bordeaux, La Rochelle ne concurrencent pas celle du Kernével dont la qualité des produits est très appréciée.

 

Succès de la manufacture

En 1757, Droneau demande un secours à la Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne pour agrandir son affaire. A cet effet, il produit plusieurs attestations.
- Le 30 novembre 1758, attestation des maire, échevin et avocat du roi de la ville de l'Orient :
L'établissement fait par le sieur Droneau d'une verrerie royale au Kernével a fait diminuer le prix des bouteilles qui sont plus belles et plus fortes que celles qui viennent de Calais, de Boulogne et autres lieux, lesquelles n'avaient pas de prix fixe et étaient augmentées par le seul marchand qui en avait […] monopole qui n'aura plus lieu.

- Le 6 décembre 1758, le sieur Guidi, commandant de la marine à Port-Louis, reconnait que la verrerie royale est de la plus grande utilité pour ce canton, même pour Brest où il a fait envoi des bouteilles de cette verrerie, dont on a été content pour les armements et même pour toute la province surtout en temps de guerre, temps auquel on a tant de peine à faire venir des verres d'ailleurs. Il serait à souhaiter que cette verrerie soit assez encouragée pour qu'elle pût nous donner et fournir des verres à vitre et pour tout usage.

- Le sieur de Montigny, subdélégué de l'Intendance de Bretagne souligne également la diminution du prix des bouteilles et leur meilleure qualité que celles venant d'ailleurs. Cet établissement mérite toute l'attention et toute la faveur de la province de Bretagne, puisqu'outre les avantages qui en résulteront, ce sont des fonds qui restent que nous étions forcés de porter à nos voisins et aux étrangers.

En 1760, les contraintes administratives portent préjudice à la rentabilité de la verrerie et Droneau sollicite quelques faveurs :
                         - l'exemption des droits sur le charbon de terre ;
                         - le droit d'user des cendres de goémon ;
                         - le droit d'avoir un portier "à la livrée du Roi" ;
                         - le droit d'indiquer sur sa verrerie le titre de "Manufacture Royale".

M. de Montigny n'y est pas favorable. Droneau insiste et le 4 juin 1760 M. Le Bret, intendant de la province, l'informe qu'à la demande de M. Trudaine, conseiller d'état intendant des finances, le conseil lui accordera en toutes occasions toute la protection possible et l'exemption des droits qui se lèvent sur le charbon de terre.
Il est également autorisé à utiliser du goémon qu'il doit faire brûler à Penmarch.
Par contre, le titre de verrerie royale lui est refusé. En effet, le conseil sur ce qu'il a connu de l'abus qui a souvent été fait de ce titre, s'est décidé de ne plus en accorder que dans des circonstances très particulières dans lesquelles le sieur Droneau ne se trouve pas. Néanmoins, l'appellation de verrerie royale est fréquemment utilisée, même par les autorités locales.

 

Agrandissement

En 1760 Droneau sollicite des Etats de Bretagne un emprunt de 80 000 livres pour le soutien et l'agrandissement de la verrerie.
Sa requête est présentée à Nos Seigneurs des Etats de Bretagne.
Le bien public fut l'objet de cet établissement et l'utilité s'en fait déjà sentir dans cette Province. Depuis la dernière tenue des Etats, le suppliant a fourni à Lorient et aux autres villes de Bretagne 256 751 bouteilles de verre double à 24 livres le cent. Cette fourniture, si elle avait été tirée du dehors, eut fait sortir 61 610 livres, et de plus les marchands étrangers auraient vendu des bouteilles très inférieures à 36 livres le cent comme ils le firent pendant la précédente guerre. Le public aurait payé la fourniture 92 415 livres et par conséquent le suppliant a procuré 30 805 livres de bénéfice à la Patrie et lui a conservé 61 610 livres de fonds.
Le suppliant convient que l'avantage qu'il cite n'est pas encore considérable, mais il peut le devenir par l'augmentation de la verrerie . . .
Le suppliant, sans avoir pris d'associé, a sacrifié 200 000 livres à l'établissement et à l'agrandissement de la manufacture. Il est sur le point de fabriquer des verres à vitre […] mais il ne peut conduire cette partie à la perfection, si les Etats n'ont pas la bonté de l'aider parce qu'il a employé tous ses fonds.
Le suppliant n'est pas le premier de sa famille qui ait été animé du bien public, ses père et mère fondèrent en 1742, en vertu de lettres patentes, l'hôpital de Lorient . . .
Le suppliant pour obtenir la confiance des Etats pourrait se borner à observer que la Compagnie des Indes lui accorde la sienne depuis 28 ans en qualité de son caissier, mais il offre de déposer au greffe des Etats les titres de propriété des biens qu'il possède, lesquels valent plus de 70 000 livres, indépendamment de la verrerie. Ils seront la sureté de l'avance qu'il demande.
Nos Seigneurs, vous plaise accorder au suppliant une somme de 80 mille livres par forme de secours et pour l'augmentation de la verrerie de Kernével, ou du moins le crédit des Etats pour l'emprunter, sur son offre de rembourser cette somme dans les trois ans, savoir le tiers de cette somme par année.

Puis Droneau se lance dans la fabrication de verres à vitre, façon d'Allemagne, pour grands carreaux, dont le public est très satisfait.

Le 24 février 1763, les autorités de la ville de L'Orient, conseiller du roi, maire, lieutenant de maire et échevin certifient que Pierre Michel Droneau a été pourvu par sa majesté des offices municipaux suivants :
- le 22 juillet 1745, de celui de procureur du roi ;
- le 3 mai 1759 de l'office d'échevin en remplacement de feu M. Droneau son père qui l'avait exercé près de vingt ans.
Dans cette fonction, il s'est toujours comporté et se comporte journellement avec zèle, capacité, distinction à notre entière satisfaction et celle du public.
Le sieur Droneau par l'établissement de sa verrerie royale du Kernével procure à la Province et au commerce en particulier de cette ville de grands avantages qui vont devenir considérables pour la paix et le projet qu'il a formé et essayé avec succès pour le verre à vitre. C'est pourquoi nous désirons qu'il obtienne toutes facilités et protection dont nous partageons avec lui la reconnaissance.

En 1763, Droneau demande la concession par afféagement d'un terrain vaseux situé au nord-ouest de son usine et l'autorisation de clore le chemin qui traverse sa propriété. Il joint un plan à sa demande. Malgré un avis défavorable du commissaire des états  qui estime que le consentement qu'on pourrait lui donner éprouverait mille obstacles, tant de la part des particuliers que de la Compagnie des Indes, le 18 décembre 1763 le prince de Rohan Guémené lui loue 7 à 8 journaux de terrains vagues.

 

En 1764, Noblet est directeur de la verrerie. Fonberg, qui en sera directeur 5 ans plus tard fait déjà partie du personnel. On note aussi la présence de MM. Hervé, Blin, Bachelard et Collignon, maitres souffleurs, des maitres fondeurs, Mortier maitre fournaliste, Mouchel potier. Il y a aussi un contrôleur de la verrerie, des maitres ouvriers, des commis, un canotier pour le transport des marchandises en bateau.

 

En 1764, Droneau sollicite des Etats de Bretagne la permission d'utiliser du charbon d'Angleterre et l'exemption des droits sur ce charbon.
Il vient de faire construire un second fourneau afin d'ajouter à sa fabrique des bouteilles celle du verre blanc ou verre à vitre infiniment plus intéressant. Par sa constance, on pourrait dire par son opiniâtreté, le sieur Droneau a surmonté les jalousies et les obstacles de toutes espèces qui se rencontrent ordinairement dans les nouveaux établissements, mais il prend la liberté de vous en exposer un, Nos Seigneurs, dont il n'espère pouvoir sortir que par l'entremise de votre puissante protection.
Il est dit dans les lettres patentes accordées pour la verrerie du Kernével qu'on y emploiera que du charbon de terre du royaume. Cette fatale restriction causerait la ruine de l'établissement si elle n'est levée. Elle a déjà occasionné à votre suppliant des pertes et dommages considérables.
Mais une observation bien plus intéressante, c'est la défectuosité de nos charbons, dont la plupart n'étant que poussières, augmente la consommation et exige plus de temps pour procurer au fourneau la chaleur nécessaire.
C'est pour parer des inconvénients aussi destructifs qu'il implore votre appui avec d'autant plus de confiance que vous avez déclaré vouloir favoriser tous ceux qui cherchent les moyens d'augmenter dans la Province, l'agriculture, les arts et le commerce. Vous n'avez pas d'établissement qui vous donne du verre blanc dont l'emploi est aujourd'hui si considérable et bien plus dispendieux en temps de guerre parce qu'il faut le tirer du dehors.
Il souhaite obtenir la liberté d'employer 2500 barriques de charbon d'Angleterre par an et l'exemption des droits liés.

Le 1er janvier 1765, les Etats de Bretagne accèdent à sa demande et chargent les députés qui iront en cour de solliciter pour le sieur Droneau la mainlevée de la restriction portée dans les lettres patentes.

 

En 1766 afin de faciliter le travail des verriers, un projet envisage de les autoriser à récolter le goémon du 1er mai au 30 septembre, et les particuliers du 1er octobre au 15 février de chaque année. Mais l'année suivante, l'Intendant de Bretagne s'y oppose considérant que cela nuirait à l'agriculture, la période proposée pour les verriers étant celle de la croissance du goémon.
En 1772, une déclaration royale fixe la période de coupe du goémon aux mois de janvier à mars et de juillet à septembre. Dans les mois d'été, on ne peut récolter que le goémon destiné à la fabrication de soude.

 

En 1769 Pierre Michel Droneau renouvelle certaines demandes déjà anciennes.
Il demande que sa verrerie ait le titre de "manufacture royale", prétextant que la facilité que le peuple a d'entrer dans les ateliers, fourneaux et magasins a occasionné que les ouvriers ont été insultés et beaucoup plus souvent interrompus et détournés de leur travail.
Pour le verre à vitre qu'il a perfectionné après de longues expériences, il demande de pouvoir utiliser 250 barriques de charbon d'Angleterre de plus, sans payer de droit. Il souhaite également ne plus être obligé de faire brûler le goémon à Penmarch.

La même année il confie la direction de la verrerie du Kernével à François Fonberg, négociant, propriétaire de navires, demeurant à Port-Louis. Il en est directeur jusqu'à sa fermeture en 1772.

 

Droneau arrêté, fermeture de la verrerie

En novembre 1771, M. de Rabec, l'un des directeurs de la Compagnie des Indes signifie à Droneau que de nombreuses erreurs ont été trouvées dans ses comptes depuis 1765 pour des sommes considérables. Sur ordre du roi, il est arrêté le 15 février 1772 et mis au secret à la citadelle de Port-Louis.

Un mois plus tard, le 11 mars, de Rabec fait éteindre la verrerie et arrêter le travail, prétextant qu'elle perd de l'argent tous les jours.

 

Le 8 juin Droneau est transféré à la Bastille. Libéré le 22 novembre, soit après 9 mois de captivité, il regagne Lorient pour préparer sa défense avec l'aide de maître Isnard de Bonneuil. En 1775, il dépose en défense un mémoire de 206 pages pour être jugé en dernier ressort.
Il démontre qu'il n'a pas distrait de fonds de la caisse de la Compagnie au profit de sa verrerie en justifiant l'origine de ses investissements qui s'élèvent à près de 900 000 livres provenant de son patrimoine, de ses bénéfices de commerce, de ses épargnes et des mises de diverses personnes. En comparaison avec la gestion de ses prédécesseurs, il prouve même lui avoir procuré un très important bénéfice. Loin d'être débiteur envers la Compagnie des Indes, il est au contraire en avance envers elle d'environ 72 000 livres.
En fait, Droneau pense que son succès à la verrerie du Kernével fait des envieux et ennemis secrets qui voudraient s'en rendre maître à vil prix. Fonberg, son directeur est l'homme qui convient le mieux pour avoir un tel dessein. C'est suite à son refus de recevoir les matières premières indispensables et de vendre les marchandises fabriquées restant en magasin, ainsi qu'à ses fausses déclarations que de Rabec fit éteindre les feux.
Les directeurs de la Compagnie des Indes ont d'ailleurs outrepassé leurs droits en donnant des ordres dans la verrerie, entreprise privée appartenant à Droneau. 

Parmi les pièces de son dossier, un constat de l'état de la verrerie établi le 27 mars 1773 par deux experts, en présence de Fonberg qui refuse de le signer et de plusieurs anciens ouvriers.
- le défaut d'entretien cause le dépérissement des couvertures et des charpentes. La pluie pénètre dans plusieurs endroits des bâtiments.
- les fourneaux qui étaient encore en état de servir lorsqu'ils ont été éteints sont tellement dégradés qu'il faudrait les réparer pour reprendre le travail.
- des provisions de toutes espèces de matières, pour un an, se dégradent dans les magasins.
- un très grand hangar neuf, servant de magasin de verres à vitres est rempli de caisses de cette espèce de verre.
- avant l'arrestation de Droneau, le 15 février 1772, il y avait pour 164 814 livres 8 sols et 6 deniers de marchandises dans les magasins.
- les ouvriers déclarent qu'ils faisaient par jour 16 à 18 cents de bouteilles qui étaient aussitôt vendues.

A l'appui de sa défense, figurent également de nombreux certificats fournis en 1775 par diverses personnes dont des ouvriers de la verrerie.

Ainsi, Porsain commandant d'une barque chargée de charée venant de l'ile de Ré, fait état qu'en mars 1772, M. Fonberg lui refusa une cargaison prétextant que la verrerie n'en avait plus besoin. Mais il proposa de l'acheter pour son compte, ce qu'il refusa.

Monsieur Bon, vitrier à Lorient dénonce le fait que Fonberg a refusé à plusieurs reprises de lui vendre du verre au détail.

Ensemble, Onno contrôleur de la verrerie, Barrière maitre souffleur, Mortier maitre fournaliste et Mouchel maitre potier déclarent que lors d'une visite de la verrerie messieurs de Rabec, de la Vigne Buisson et le chevalier des Roches ont dit que c'était un bel ouvrage et un très beau travail et qu'en vérité c'était dommage de le faire cesser. Ils dénoncent également l'attitude de Fonberg dans son entreprise de démolition.

Dans un autre certificat, ils expliquent que le 15 février 1772, jour de la détention de M. Droneau, la verrerie était dans la plus grande activité, qu'elle était si bien accréditée que les ouvriers pouvaient à peine suffire aux demandes des bouteilles que faisait le public, quoiqu'ils en fabriquaient tous les vingt-quatre heures dix-sept à dix-huit cents, lesquelles étaient aussitôt vendues que soufflées.
Que la verrerie avait à cette époque dans les magasins pour plus de cent soixante mille livres de marchandises fabriquées en verre à vitre, rouleaux, dames-jeannes, flacons, cloches et autres articles dont le débouché prompt et journalier se faisait en argent, procurait au propriétaire un avantage réel et indéterminé. Ces marchandises ont finalement été vendues et nous croyons que le produit doit être entre les mains du sieur Fonberg.

 

La chute de la verrerie du Kernével et le discrédit ne permettent plus de la relever malgré sa bonne réputation, aussi Droneau en demande le remboursement et des dommages intérêts.

 

Nous ignorons le résultat de cette longue procédure mais il est probable que Droneau a gagné son procès. En effet, il apparait quelques années plus tard que la verrerie dépend du domaine de la couronne avant de devenir bien national mis à la disposition de la nation par la loi du 2 novembre 1789.

 


 

 

Bisson, nouveau propriétaire

 

 

Le 9 vendémiaire an V (30 septembre 1796) il est procédé à la vente de la verrerie par soumission.

L'acte de soumission comporte une description très précise des biens vendus constitués de deux parties : la verrerie neuve et l'ancienne verrerie. De toute évidence, la verrerie n'a pas fonctionné depuis l'arrestation de Droneau en 1772, et elle tombe en ruine.

La verrerie neuve
D'ouest en est, on trouve :
Une usine de verrerie dite verrerie neuve composée de ses fourneaux, caves, grilles, piliers et autres compartiments nécessaires, mais le tout dans un délabrement absolu. La maçonne anguillée en plusieurs parties, la couverture a très grand jour dans toutes ses parties ce qui menace d'un encombrement prochain occasionné par la dégradation de la charpente et son exposition à l'intempérie des saisons. Cinquante-huit barres de fer et outils, cinquante cannes à souffler les bouteilles, divers ustensiles en bois avec un soufflet de forge, le tout exposé à l'air depuis plusieurs années. Dans la partie nord, attenant à la verrerie, un puits couvert d'une voute en pierre de taille.
Un logement en appentis de deux pièces avec un grenier au-dessus auquel on accède par un escalier intérieur en bois. Le tout couvert en ardoises. Devant, au nord, une cour.
Un atelier, contenant trois fourneaux en ruine, couvert en ardoises, lambrissé en forme de voute faite de lattes et mortier de bourre. Devant, une cour et un petit magasin en ruine dont il ne reste que les murs.
Un hangar en appentis couvert en ardoises, sous piliers en bois, ouvert sur le jardin en mauvais état et sans culture.
Un magasin en appentis couvert en tuiles dont il ne reste que quelques vestiges. La plus grande partie de la toiture, crevée, est tombée à l'intérieur. Devant se trouvent les ruines d'une maison contenant un puits couverte en ardoises, et d'un petit magasin, ainsi qu'une espèce d'écurie ou de crèche couverte en tuiles.
Tous ces édifices en très mauvais état depuis plusieurs années qu'il n'est pas possible d'en donner autres plus grands détails, les matériaux en existant ne valant pas les frais de démolition et de transport.
Ces constructions forment un ensemble de 117 m de long sur 18 de large, établi sur un terrain sablonneux contenant quarante-sept cordes.
Ce bien est estimé à un revenu annuel de quatre cents francs qui multipliés par dix-huit donne en capital la somme de sept mille deux cents francs.

L'ancienne verrerie
Elle est située au levant de la précédente dont elle est séparée par un chemin public. Des vestiges et décombres d'une ancienne usine de verrerie dont on ne peut donner de détails n'étant qu'un monceau de ruine dont il reste seulement quelques parties de murs.
Autour de la cour, on trouve des logements également en ruine. Ceux encore un peu praticables consistent en cinq chambres basses avec quatre cheminées. Il existe également un appentis couvert en ardoises avec rez-de-chaussée et grenier.
Cette ancienne verrerie forme un ensemble estimé en capital à mille huit cents francs.

Les dimensions des bâtiments étant mentionnées dans l'acte de soumission permettent de dresser un plan précis des verreries en 1796.

Les experts Auger pour l'administration centrale et Le Guevel pour les citoyens Bisson et Moligny ont estimés les biens à 9000 francs. Messieurs Magloire Laurent Bisson et François Romuald Alexandre Moligny en deviennent acquéreurs pour cette somme.

Magloire Bisson est alors âgé de 41 ans, originaire du village de Agon dans la Manche. Il est négociant à Lorient, veuf de Marie-Anne de Remond du Chelas décédée lors de la naissance de son fils Hippolyte le 3 février 1796. Celui-ci, futur lieutenant de vaisseau, s'illustrera pendant la guerre d'indépendance grecque le 6 novembre 1827 en se faisant sauter avec le Panayoti qu'il commandait, plutôt que de se rendre.

La remise en état est laborieuse et compliquée par une succession d'événements pénalisants :
- La perte en mer d'un bateau dont Bisson était armateur ;
- Le départ de Moligny, officier supérieur, contraint de lui vendre ses parts en 1798 ;
- Le décès de son gérant en juin 1801. Bisson confie alors la responsabilité de l'usine au maître potier qui se montre incompétent dans cette fonction et laisse s'engluer les creusets. Me voilà donc obligé de faire éteindre le feu et de renvoyer tous mes ouvriers. Une verrerie sans directeur est absolument comme un bâtiment sans capitaine. Tout le monde veut commander, personne ne veut obéir.

Après remise en état du matériel, la production reprend, toujours marquée par des difficultés d'approvisionnement en soude provenant des Glénan, malgré des contrats avec M. de Kergos.

L'annuaire statistique, civil, maritime et commercial du Morbihan pour l'an XII (1804) nous donne un aperçu du fonctionnement de la verrerie du temps de M. Bisson.
"La verrerie du Kernével près L'Orient était abandonnée depuis plus de trente ans et ses édifices étaient absolument en ruine, quand en l'an V M. Bisson fit l'acquisition de cet établissement et le fit réparer à grands frais.
"On y faisait de très belles bouteilles et des verres à vitre qu'on appelle plats. A peine la manufacture commençait-elle à travailler que M. Bisson perdit le directeur de ses travaux. Après la mort de leur chef, les ouvriers livrés à eux-mêmes négligèrent leur travail et en peu de jours, le propriétaire de cet établissement vit déchoir toutes ses espérances par la perte de tous ses pots ou creusets : ses travaux furent suspendus, la guerre survint ensuite et il ne put continuer cette fabrication. Cette manufacture occupait à cette époque de 36 à 40 ouvriers. On y faisait deux sortes de bouteilles, celles forme de Rouen coûtaient 30 francs le cent, et celles façon de Paris ou de Bordeaux, 28.
"Le manufacturier, manquant du charbon nécessaire à ses opérations, était obligé de brûler du bois. Il en consommait environ 8 cordes par jour.
"On faisait journellement de 1000 à 1200 bouteilles et l'équivalent en verre à vitre.
"En temps de guerre, on tirait de Paris la terre à pot, et en temps de paix on la faisait venir de Forges, à neuf lieues de Rouen.
"On faisait faire la soude aux iles des Glénan, à 9 ou 10 lieues de L'Orient, avec du varec ; cette soude était de première qualité.
"A Belle-Ile et dans les environs de L'Orient, on s'approvisionnait de charrées ou cendres lessivées. Quant au sable, il se trouve au pied même des murs de l'établissement.
Tels sont les matériaux nécessaires pour activer cette manufacture et les moyens de se les procurer.
"Cette manufacture, située sur le bord de la mer, serait de la plus grande utilité pour le canton, si elle avait toute son activité, mais il faudrait que le gouvernement soutienne l'industrie du propriétaire et secondât son émulation.
"Un encouragement serait de lui accorder, la faculté de couper des bois à prix modérés. […] il désirerait jouir du privilège qu'avaient ses prédécesseurs, celui d'avoir la franchise du charbon de terre nécessaire à sa fabrique."

 

Puis Lorient perd le privilège du commerce avec les Indes. Les débouchés de la verrerie pour ses bouteilles, dames-jeannes et verrines se font de plus en plus rares.

La verrerie cesse de fonctionner à Pâques 1811, sans avoir connu la prospérité d'antan, mais Bisson a toujours l'espoir de relancer son activité.

 

Magloire Laurent Bisson décède à Lorient à l'âge de 67 ans le 6 septembre 1823. Sa veuve, Marie Marguerite de la Roche Poncié renonce à la communauté par acte du 24 novembre 1823, mais se réserve le service d'une rente viagère de 2000 francs prévue par son contrat de mariage du 12 janvier 1805.
Les deux enfants de Magloire Bisson sont donc les seuls héritiers : Hyppolite, enseigne de vaisseau et Marie Antoinette sa demi-sœur, mineure émancipée de justice sous la curatelle de Jean Joseph Lavaud, capitaine de frégate en retraite. Ils sont représentés par Me Ollivier.

Par jugement du 24 décembre 1823, ils font procéder à la vente des immeubles de leur père composés :
                 - de l'usine verrerie du Kernével ;
                 - d'une maison rue Poissonnière à Lorient, servant de sous-préfecture, louée 1200 F ;
                 - de la terre et dépendances de Saint-Gildas en la presqu'île de Rhuys ;
                 - deux pièces de terre à Agon, sa commune natale.

Le cahier des charges nous donne une description précise de la verrerie à cette époque :
Article premier
Une maison de maître composée au rez-de-chaussée d'une chambre à feu carrelée, éclairée d'une fenêtre et une porte vitrée ayant une armoire d'attache et une cheminée à jambage et tablette en taille. Elle communique avec un cabinet également carrelé. Une autre chambre pavée en petit blocage avec une porte ouvrant sur le jardin potager. Une cuisine. Cette maison est occupée par M. Gourden.
Au premier étage desservi par un escalier extérieur en pierre, une chambre éclairée par deux fenêtres donnant sur le jardin, une cheminée à jambage avec tablette en marbre, une armoire d'attache. Un cabinet. Un grand appartement à feu avec deux armoires, deux fenêtres.
Sur le tout est un grenier desservi par une trappe intérieure, éclairé par deux lucarnes.
Cette maison couverte d'ardoises est estimée 3150 francs.

Article deux
Une cour dans laquelle on trouve un puits, un fruitier, une cage à latrine, un poulailler. Le tout évalué 300 francs.

Article trois
Un magasin sur terrasse couvert en tuiles, estimé 700 francs.

Article quatre
Un hangar couvert en ardoises, estimé 750 francs.
Un jardin planté de fruitiers 500 francs.

Article cinq
Un terrain en partie sous pâture et sous légumes cerné de murs, d'une contenance de 15 ares 72 centiares.
Deux autres petites parcelles cernées de murs partiellement tombés.
Le tout évalué 1350 francs.

Article six
Le bâtiment dit l'usine de la verrerie composé d'une cave dans laquelle sont quatre galeries voutées conduisant chacune à une ouverture extérieure aux quatre aires de vent et dans l'intérieur aboutissant au centre en forme circulaire où était autrefois le cendrier et au milieu duquel sont deux piliers carrés soutenant les barres de trémie sur lesquelles repose la plateforme portant le fourneau au rez-de-chaussée et dont il sera parlé ci-après. Pour desservir cette cave, un escalier extérieur descendant par treize marches en taille à un dépôt ayant un fourneau en ruine et un puits […]
Dans l'intérieur, entre quatre forts piliers tout en taille, le fourneau remis à neuf avec ses ouvriers. Dans les angles, trois fourneaux pour la recuite tout en briques.
La couverture en ardoises compte deux lucarnes.
En dehors, un petit enfoncement en tuiles servant de latrine, et un autre ni fermé ni couvert destiné pour fausse d'aisance.
L'ensemble estimé 10 200 francs.

Article sept
Un petit bâtiment à feu dans lequel est une cheminée, servant actuellement d'écurie, en appentis couvert en tuiles. Estimation 150 francs.

Article huit
Une cour estimée 250 francs.

Article neuf
Un petit terrain estimé 200 francs.

Article dix
Un grand bâtiment en appentis couvert en ardoises avec trois lucarnes, composé au rez-de-chaussée d'un appartement ou magasin à soude et un autre appartement dit la forge. Un escalier en bois pour communiquer à deux greniers.
Le tout estimé 750 francs.

Article 11
Un bâtiment dit le magasin, couvert en ardoises avec quatre lucarnes. A l'intérieur, les ruines d'un fourneau. Estimation 1500 francs.

Article douze.
Une cour 50 francs,
Un petit enclos sous pâture 100 francs,
Un bâtiment dit la remise avec couverture en tuiles, contenant quatre fourneaux en mauvais état, évalué 350 francs.

Article treize
L'emplacement d'une ancienne verrerie sous laquelle sont également des galeries voutées et en pierre conduisant à un centre où étaient des barres de trémie actuellement sous un petit jardin où existent encore quatre piliers en pierre de taille et entre lesquels était le fourneau. Le dit jardin planté de fruitiers. Evalué 600 francs.

Article quatorze
Un logement composé au rez-de-chaussée d'un appartement à feu et au-dessus d'un grenier desservi par une échelle au moyen d'une gerbière dans le pignon. Estimation 340 francs.

Article quinze
Un logement couvert en ardoises composé au rez-de-chaussée de trois appartements à feu, au-dessus de trois mansardes aussi à feu et desservies par deux escaliers. Des greniers desservis par des échelles. Un caveau vouté auquel on descend par un escalier en pierres de taille extérieur. Le tout estimé 1100 francs.

Article seize
Une cour avec un puits ayant sa margelle en taille, valeur 200 francs.

Article dix-sept
Une autre cour de logements composée au rez-de-chaussée de deux appartements à feu séparés par un péristyle. Au-dessus deux mansardes à feu desservies par un escalier conduisant également au grenier. Cet ensemble est loué cent quarante-quatre francs et estimé 1200 francs.

Article dix-huit
Une issue servant d'entré à plusieurs bâtiments 75 francs.

Article dix-neuf
Un bâtiment en appentis couvert en ardoises composé au rez-de-chaussée d'un appartement à feu, d'un magasin avec un escalier conduisant à l'appartement du premier. Un caveau couvert en tuiles. Estimé 550 francs.

Article vingt
Un petit terrain sous semis où sont encore les ruines d'un pignon avec cheminée estimé 110 francs.

Article vingt et un
Une parcelle de terre chaude 300 francs

Articles vingt-deux à trente
Diverses parcelles de terre pour une valeur totale de 745 francs.

 

Pour la vente, les biens sont répartis en vingt lots.
Le premier constitué par la maison de Lorient est évalué à 5200 francs.
Le second lot au Kernével, composé de la maison de maître et des articles 2, 3, et 4, évalué 5400 francs.
Le troisième lot composé de la nouvelle verrerie, des terrains et objets en dépendant et propres à l'exploitation de l'usine, soit les articles 5 à 12, évalué 14 850 francs.
Le quatrième lot composé de l'ancienne verrerie soit les articles 13 à 20, évalué 4375 francs.
Le cinquième lot composé d'une parcelle de terre chaude, article 21, estimé 300 francs.
Les sixième à douzième lots sont constitués de diverses parcelles de terre, pour un total 745 francs.
Le treizième lot est composé de la maison conventuelle de Saint-Gildas de Rhuys, etc.

  

La vente commence le 20 octobre 1824 à l'audience publique des criées du tribunal de première instance de Lorient. Chaque lot est successivement mis en adjudication et à chaque fois les trois bougies s'éteignent sans enchère.
L'adjudication définitive est alors renvoyée à l'audience de quinzaine le 3 novembre.
Seuls trois lots consistant en diverses parcelles de terre trouvent preneurs :
- le 7e lot estimé 45 francs est vendu à M. Louis Marie Debroise pour 50 francs.
- le 8e lot au même Debroise pour 35 francs.
- le 9e lot mis à prix 40 francs est vendu le même prix à Me Le Leslé, avoué.
La maison de Lorient et la verrerie du Kernével restent invendus.
La propriété de Saint-Gildas de Rhuys est vendue à Me Lagillardaie pour le compte de madame la comtesse Marie Louise Elisabeth de la Moignon, veuve de M. Edouard François Mathieu Molé de Champlatreux, supérieure générale des filles de la Charité de Saint-Louis.
Les parcelles de terres situées à Agon trouvent également preneur. 

 

Le 1er décembre 1824, il est procédé à une nouvelle adjudication des biens invendus aux audiences précédentes, sachant que le conseil de famille a autorisé à vendre au-dessous de la valeur estimée au cahier des charges.
Le 1er lot, la maison de Lorient, estimé 5200 francs est finalement vendu 13 400 francs à Me Ollivier pour le compte de Jean Louis Nicolas René Le Déan, ingénieur de la marine royale, chevalier de Saint-Louis et de la Légion d'honneur et de dame Anne Marie Regnier son épouse.
Le 2e lot, la maison de maître du Kernével, estimé 5400 francs est vendu 2800 francs à Me Ollivier pour le compte d'Hyppolite Bisson, héritier.
Le 3e lot, la nouvelle verrerie, estimé 14 850 francs est acheté par Me Delattre pour 7000 francs qui agit pour le compte de François Michel Foucard, commis de marine, négociant et entrepreneur de travaux publics.
Le 4e lot, ancienne verrerie, estimé 4375 francs revient à Me Le Bras pour 2300 francs, ainsi que les 5e et 6e lots constitués de parcelles de terre. Il agit pour le compte de Louis Marie Debroise, rentier commis de marine.

A l'issue de cette vente, la propriété du Kernével est maintenant divisée en 3 parties : la maison de maître appartient à Hyppolite Bisson, l'ancienne verrerie à Debroise et la nouvelle verrerie à Foucard.

 

Louis Marie Debroise transforme l'ancienne verrerie et la loue à l'administration des douanes qui y établit une caserne.
Le 19 novembre 1854, Clémence Delmestre, veuve de Louis Marie Debroise et ses enfants Emilie Zoé, Jean-Baptiste Marcellin et Amédée Marie vendent à Auguste Gillet moyennant la somme de six mille francs une propriété située au Kernével consistant en deux corps de logis servant de caserne avec cour intérieure et jardin aux deux extrémités avec galerie voutée. Et une pièce de terre servant de jardin à la douane séparée des maisons par une route privative.
Cet ensemble servira de caserne jusqu'au départ de la douane du Kernével en 1908.

 

Hyppolite Bisson vend la maison de maître à François Michel Foucard et à François Ducouedic pour la somme de 5000 francs le 15 mars 1827.

 


 

 

Foucard et la verrerie neuve

 

Pour relancer l'activité de la verrerie, Foucard doit se soumettre aux dispositions du décret impérial du 15 octobre 1810 relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode et obtenir une autorisation préfectorale.

Le 8 mars 1827, dans sa demande d'autorisation d'exploiter la verrerie, Foucard propriétaire et régisseur de la société en participation qui s'est formée pour son exploitation écrit : j'ose espérer que vous m'accorderez l'autorisation de continuer la fabrication par charbon de terre de bouteilles et verres à vitres dans la verrerie royale du Kernével, titre qui n'a jamais été obtenu par ses prédécesseurs et qu'il n'hésite pas à utiliser dans son en-tête de lettre. 

A l'appui de sa demande il sollicite l'aide des autorités locales. C'est ainsi que le 6 janvier 1827, Lomenech, maire de Plœmeur, intervient en sa faveur auprès du sous-préfet. Tous les habitants de la commune et particulièrement ceux du Kernével verront avec un grand plaisir et un intérêt tout particulier la remise en activité de cet établissement comme un moyen assuré de donner de l'occupation à une foule de malheureux qui manquent souvent d'ouvrage.
Il précise que l'usine par sa situation ne peut aucunement nuire ni porter préjudice à personne. Rien ne s'oppose à ce qu'elle continue ses travaux aujourd'hui comme par le passé.

Le 1er mars, Audren de Kerdrel, le maire de Lorient, lui délivre une attestation précisant que pendant tout le temps de son activité, cette usine a procuré de grands avantages à la ville de Lorient et que sous tous les rapports, on ne peut que désirer de voir continuer en ce pays une branche si essentielle d'industrie qui a contribué pendant tant d'années à fournir l'existence à un grand nombre de familles et donné une si heureuse impulsion au commerce de cette ville. Nous désirons vivement la reprise des travaux de cette usine.

Le 12 mars 1827, le préfet considérant :
- que l'usage exclusif du charbon de terre pour la fabrication du verre au Kernével éloigne tout motif d'opposition puisqu'il ne pourrait y en avoir qu'à raison de l'emploi du combustible végétal ;
- qu'il est d'un avantage reconnu de maintenir les grands établissements industriels et que dès lors on ne peut qu'applaudir à la demande du sieur Foucard ;
Arrête :
Le dit sieur Foucard est autorisé à remettre en activité la verrerie du Kernével telle qu'elle existait avant le décès du sieur Bisson qui en était propriétaire, puis à se pourvoir auprès de l'autorité supérieure dans le cas où il voudrait donner à cet établissement une plus grande extension ou y apporter des changements quelconques.

Le directeur de la verrerie est alors Henry Tallendeau.

 

Un rapport sur la situation de l'industrie au 1er février 1832 indique que la verrerie est actuellement éteinte.

 

Avant 1833, François Mathurin Vrignault, négociant à Lorient et Jean Rotinat, ancien instituteur, négociant, sont les nouveaux propriétaires de la verrerie. Ils sont beaux-frères ayant chacun épousé une demoiselle Carré.

En 1837, un autre rapport du sous-préfet sur la situation de l'industrie agricole et commerciale précise que la verrerie du Kernével n'attend pour travailler que l'abaissement demandé à si juste titre du droit sur l'entrée des houilles étrangères à Lorient. 

Vrignault décède le 25 mars 1843. Ses trois fils Charles Joseph, Edouard Louis et Alphonse Hippolyte héritent de la moitié de la verrerie du Kernével qu'ils cèdent pour la somme de 5000 francs par acte sous seing privé du 20 octobre 1843 à Jean Rotinat qui en devient ainsi l'unique propriétaire.

En 1843 dans un document intitulé "Statistiques de France" on retrouve Jean Rotinat, seul propriétaire de la fabrique ou manufacture de verre du Kernével. Elle est alors en non activité. Néanmoins, d'après ce document, elle compte 44 ouvriers hommes et 8 enfants au-dessus de 16 ans dont le salaire journalier est de 2,90 francs et 0,90 franc. Il y a 3 fourneaux, 1 forge, 1 four, 1 moulin à vent, 1 moulin à manège, 4 chevaux et mulets. 

L'usine utilise du charbon, du sel de soude et du sable d'une valeur de 147 382,80 francs. Elle produit annuellement 171 000 feuilles de verres simples et doubles pour une valeur de 203 879,20 francs vendues sur le littoral de la France, l'Amérique du sud et les iles anglaises de la Manche.

 

Après le décès de Jean Rotinat en 1849, la verrerie devient propriété de ses deux filles, chacune pour moitié. Adèle, épouse de Charles Hello avocat, parents d'Ernest Hello, philosophe, polémiste et Amélie épouse de Marie Joseph Desmarest, professeur de mathématiques. 

 

Nous ignorons ce qu'il advient de la verrerie. Toutefois, il semble qu'en 1867 Jules Laureau y installe sa fabrique d'engrais.