A propos du goémon

 

La récolte

 

L'ordonnance de la marine d'août 1681 signée de Louis XIV réglemente la récolte du goémon. Elle est rédigée spécialement pour la Bretagne en 1684. Dénommée "Ordonnance de la marine sur les côtes de Bretagne", elle est enregistrée par le Parlement de Bretagne le 18 janvier 1685. Elle prévoit que les habitants des paroisses situées sur les côtes de la mer s'assembleront le premier dimanche de janvier, à l'issue de la messe paroissiale, pour régler les jours auxquels devra commencer ou finir la coupe de l'herbe appelée varech ou goémon croissant en mer à l'endroit de leur territoire.
Elle fait défense aux habitants de couper le varech pendant la nuit ou hors des temps réglementés par la décision de leur communauté, de les cueillir ailleurs que dans l'étendue des côtes de leur paroisse et de les vendre aux forains ou porter sur d'autres territoires à peine de cinquante livres d'amende et de confiscation des chevaux et harnois.
Elle permet à toute personne de prendre indifféremment en tous temps et en tous lieux les varechs jetés par les flots sur les grèves et de les transporter où bon leur semblera.

 

Le 20 décembre 1842, le préfet autorise la coupe du goémon en février et en septembre. Mais selon les cultivateurs de la commune, la première coupe qui ne dure qu'un mois est insuffisante et ne permet pas de cueillir le varech nécessaire et indispensable aux besoins de la culture. D'ailleurs pendant les deux marées du mois de février, il arrive souvent qu'ils soient contrariés par le mauvais temps et forcés de renvoyer la coupe aux marées du mois suivant. […] La coupe de septembre est tout à fait inutile, entièrement nulle et doit être supprimée pour la reporter au mois de mars. En mai de l'année suivante, le conseil de Plœmeur fait sienne cette revendication et demande au préfet de bien vouloir modifier son arrêté.

 

Dans les années qui suivent, les périodes de récolte du goémon sont plusieurs fois modifiées par le préfet, mais pour diverses raisons, elles ne donnent jamais entière satisfaction aux cultivateurs.

 

Le décret du 4 juillet 1853 porte règlement sur la police de la pêche maritime côtière. Il distingue trois types de goémon : celui tenant à la rive, celui venant épave à la côte et celui poussant en mer.
Le goémon de rive est exclusivement réservé aux habitants de la commune. Sa coupe ne peut avoir lieu qu'une fois par an dans la période comprise entre le 22 septembre et le 31 mars, aux jours déterminés par l'autorité municipale.

Plusieurs communes du littoral souhaitant que deux coupes de goémon soient autorisées par année, chaque commune est consultée.
En 1854, le conseil municipal se prononce en faveur du maintien d'une seule coupe de goémon par an qui satisfait aux besoins de l'agriculture et dans l'intérêt de la conservation de ce précieux engrais.

 

Le 15 janvier 1858, le maire de Plœmeur autorise à couper le goémon du 3 février au 31 mars ce qui, selon le préfet maritime, est contraire au décret de 1853. Mais le maire ne l'entend pas de la même façon puisque son arrêté dit que les habitants se conformeront au règlement précité qui impose l'obligation de ne couper qu'une seule fois sur chaque point de la côte afin que chaque roche ne soit qu'une seule fois par an dépouillée de ses herbes.
D'ailleurs, les habitants de la commune se sont toujours conformés à ces sages prescriptions qui sont d'un haut intérêt pour eux puisqu'elles ont pour but la conservation d'un produit si précieux pour leurs cultures.

 

La cueillette du goémon épave apporté par le flot sur le littoral conduit souvent à des disputes entre les habitants qui ne peuvent s'entre sur l'heure d'ouverture de la récolte. En effet, l'article 123 du décret de 1853 prévoit qu'elle ne peut avoir lieu que pendant le jour. Les premiers arrivés prétendent s'être réglés sur l'heure de leur pendule, ramassant tout ce qu'ils trouvent et ne laissent rien à ceux qui arrivent à l'heure réglementaire.
Pour faire cesser cette difficulté, en 1860 le maire prend un arrêté qui fixe l'heure d'ouverture de la cueillette au moment de l'extinction du feu de l'île de Groix, de sorte que le signal est commun à tous.

 

En 1865, le maire intervient auprès du sous-préfet car il reçoit des plaintes contre certains cultivateurs qui vont la nuit ramasser les goémons épaves. Ces contraventions provoquent de violentes querelles qui dégénèrent souvent en rixes et qui finiront à coup sûr par amener quelque malheur irréparable si cet état de chose n'est pas modifié.
Ni les commissaires de police ni le garde-champêtre ne sont habilités à verbaliser. Cela est du ressort de la marine, mais le syndic des gens de mer refuse de le faire.
Il demande donc qu'on fasse respecter la loi.

En réponse, le préfet maritime informé du problème ordonne au syndic des gens de mer de Larmor d'exercer sur la récolte des goémons épaves une surveillance aussi efficace que possible.

 

La coupe du goémon continue à être réglementée. Ainsi, beaucoup plus tard en 1932, elle est autorisée à Larmor les 22, 23 et 24 février sur la côte de la commune pour tous les habitants en résidence depuis au moins 6 mois et possédant 15 ares de terres. Elle est interdite du coucher au lever du soleil et pourra être reprise les 7, 8 et 9 mars. Et l'emploi d'engins mécaniques est formellement interdit.

 

Selon Le Nouvelliste du Morbihan, "C'était naguère trois jours de fête. De nos jours encore, cela constitue un évènement, mais infiniment moins marqué, moins pittoresque que dans le temps.
"Vous vous souvenez peut-être de ces longues théories de charrettes à Larmor-Plage. Le coupeur de goémon avait convoqué cousins, cousines pour l'aider. Après avoir chargé le précieux engrais, il y avait les agapes familiales. On y mangeait et buvait ferme. Les boulangers avaient dû faire des fournées supplémentaires.
"Bref, c'était une solennité à la manière de nos "fest en oh", des charrois et des inaugurations d'aire à battre… Une de ces assemblées comme on les aime en Bretagne.
"Aujourd'hui, la vie est plus chère et plus triste. On est aussi plus égoïste et l'on réduit les frais. "Ramassons notre goémon et ne parlons plus du reste". Ce n'est plus une fête mais presque une corvée…
"Ainsi aujourd'hui, les cultivateurs riverains sont allés au goémon. Ils étaient assez nombreux, moins qu'autrefois. Et ce pour une bonne raison : il y a aussi moins de goémon; le nettoyage des plages a réduit l'excellent engrais. De sorte que peu à peu une tradition pittoresque qui inspira si souvent les peintres, s'en va."

 

 

Brûleries de goémon

 

Depuis 1929, des pêcheurs de Loctudy viennent l'été à Locqueltas et à Kerpape où ils ont creusé deux fours pour brûler le goémon. Celui de Locqueltas a 8 m de long sur 60 cm de large et environ 80 cm de profondeur. Celui de Kerpape est encore plus grand : 12 m.
La récolte du goémon, faite au large, est séchée sur le rivage et mise en tas. Tous les quinze jours a lieu l'incinération. Les cendres sont ensuite divisées en "pains" puis transportées à l'usine. Elles sont alors analysées pour connaitre le degré d'iode et réglées en conséquence.

L'épandage et le brûlage du goémon suscitent des protestations. Le conseil municipal, la chambre touristique, les syndicats de pêcheurs de crustacés et les syndicats agricoles s'en font l'écho, opposant leur thèse à celle des goémoniers finistériens. Le préfet est saisi de l'affaire, mais seule une réglementation peut remédier aux inconvénients résultants d'une exploitation intensive.

 

En mars 1931, le maire prend un arrêté stipulant en particulier que :
                 - l'épandage et les brûleries de goémon sont autorisés sur toute la commune ;
                 - ils seront suspendus pendant la saison balnéaire, de juillet à septembre ;
                 - les brûleries sont interdites à moins de 500 m de toute habitation.
Ainsi les vapeurs âcres des brûleries n'incommoderont plus les baigneurs, il restera d'avantage d'engrais pour les cultivateurs, les crevettes et crustacés seront plus abondants. 

 

En 1936, alors qu'un décret instaurant une réduction des droits de douane porte gravement atteinte à l'industrie du goémon, M. Edelin est toujours directeur de la société Le Goémon, dernière usine d'iode dans le département après la fermeture de celles de Quiberon.

 

Dans l'annuaire téléphonique de 1937, la société anonyme Le Goémon porte le numéro 14. Elle ne figure plus dans celui de 1948.