La presse de Toulhars


Le 31 décembre 1792, Grégoire Monfort, 48 ans, originaire d'Erdeven, époux de Marie Vincente Samzun de Sauzon en Belle-Ile, négociant à Larmor expose aux administrateurs du district d'Hennebont qu'une pointe de terre sablonneuse qui n'est d'aucune utilité, située entre Kernével et Larmor, pourrait devenir propriété nationale. Si tel était le cas, il serait bien aise de l'acquérir aux conditions qu'ils verront pour y bâtir une presse à sardines.
Le conseil répond que la pointe en question sert à sécher le goémon et fait partie des propriétés des habitants du village de Kerblaizy.

En 1799, Grégoire Monfort et Victor Fraisse font construire une presse et une auberge. Cette presse est située dans le secteur actuel de La Nourriguel, sur les parcelles H 2671-2672 et 2673 de l'ancien cadastre, d'une contenance totale de 6 ares 05 ca.
Le 12 septembre 1799, Jean-Baptiste Dotter maitre maçon à Plœmeur reconnait avoir reçu pour ce travail la somme de cinq mille deux cent soixante-trois francs et quatre-vingt-huit centimes.
Victor Fraisse, originaire de Castelnaudary est le mari de Marie Françoise Onno de Pont-Scorff qu'il a épousée en 1794. 

Après le décès de Grégoire Monfort en 1803, son fils Jean-Pierre Monfort prend la relève pour quelques années seulement, puisqu'il décède très jeune, à 27 ans, le 23 octobre 1809.

 

Rosalie Monfort, fille de Grégoire hérite de ses droits dans la presse. Elle est l'épouse de Jean-Joseph Rondin.
Les enfants Deforges, héritiers de Victor Fraisse, leur oncle maternel, reçoivent l'autre moitié indivise.

Le 18 décembre 1838, Rosalie Monfort, demeurant à Larmor et les héritiers de Victor Fraisse vendent leur presse à Pierre Michel Duhomme habitant à Lorient. Il s'agit d'une presse à sardines sise au lieu de Toulhars entre le Kernével et Larmor, en la commune de Plœmeur, le lavoir et la fontaine en face de la dite presse, à droite du chemin conduisant à Larmor. La vente est faite pour la somme de six mille francs.

Le 15 février 1843, Pierre Michel Duhomme, marin, vend à Jean Glaize, marchand de draps, propriétaire à Lorient les fonds et édifices d'un presse avec tous ses accessoires et ustensiles, dite presse de Toulhars.
La vente est faite moyennant :
1° une rente annuelle et viagère de trois cent francs payable mensuellement en douze échéances de vingt-cinq francs ;
2° une rente annuelle et viagère de deux cent cinquante francs à Marguerite Pichon, veuve de Michel Duhomme, mère du vendeur, au lieu et place de son fils Pierre Michel.

Le 26 janvier 1845, une annonce parue dans "L'Abeille de Lorient" propose la presse de Toulhars à la vente ou à la location.

Elle est finalement vendue le 8 mars 1848 à Michel Gauthier.

Le 16 août 1853 par acte sous seing privé, Jean Marie Théauden et sa femme Jeanne Louise Le Corre achètent la presse de Toulhars aux héritiers Gauthiers.
Le 1er mars 1859, ils louent l'usine pour six ans à Joseph Anselme fabricant de conserves alimentaires demeurant à Nantes, 28 rue de la Fosse, et à Gustave Deprince, propriétaire, demeurant à Rennes.

 

En 1862, messieurs Besné frères et Cie saisissent la justice pour obtenir la vente de certains biens appartenant à Jean Marie Théauden qui ne parvient pas à rembourser un crédit de 8000 F qu'ils lui ont consenti en 1856.
Le cahier des charges établi pour la vente judiciaire, donne la description suivante :
Une grande presse à sardines, construite en pierres, couverte en ardoises, composée de divers magasins au rez-de-chaussée, de séchoirs au premier et dans la partie au nord, de deux chambres à coucher éclairées la première par deux croisées et l'autre par une seule.
Cette presse a son entrée principale au couchant par une porte à deux battants et est traversée par deux corridors dans toute sa longueur au milieu desquels se trouve une grande cour carrée. Elle est éclairée sur quatre côtés par diverses fenêtres.
Un petit terrain nommé Liorh, situé au nord de la presse.
Une petite maison construite en pierres, couverte en ardoises, désigné sous le nom de magasin de la presse et aujourd'hui servant de cabaret, composé d'un rez-de-chaussée éclairé par une porte vitrée et une croisée du côté du midi. Au-dessus, un grenier recevant le jour par une croisée.
La vente judiciaire a lieu le 19 mars 1862. Mis à prix 4000 francs, ce lot est adjugé à Me Sauvanet moyennant 4100 francs, pour le compte de Besné frères et Compagnie, négociants à Lorient.

 

En 1869, le propriétaire est Charles Caillebote, fabricant de conserves à Paris.

 

Puis trois ans plus tard M. Fouchard. En 1872, il demande la concession d'une parcelle du rivage en avant de son établissement. Pour garantir son usine dont les murs sont battus par la mer, il a récemment construit un mur de soutènement destiné à supporter des remblais. La concession qu'il demande a pour but de régulariser cet empiètement. L'enquête de commodo incommodo n'a donné lieu à aucune réclamation. L'affaire instruite en commission mixte aux deux degrés se solde par un avis favorable. Le prix est arrêté à 37,60 francs.

L'acte de concession passé avec l'Etat le 22 février 1873 précise que :
1° le pétitionnaire est autorisé à élever dans l'alignement un mur en maçonnerie ayant 2,50 m de hauteur et à exécuter en arrière un remblai ;
2° il réservera le long de son mur un chemin ayant 1,50 m de largeur en couronne élevé à 0,50 au-dessus des plus hautes mers, destiné à assurer la circulation le long de la côte ;
3° les travaux de remblai et de maçonnerie à faire pour soustraire ce terrain à l'action des eaux et pour remplir les conditions ci-dessus devront être terminés dans un délai d'un an.
Cet acte est approuvé par le président de la République Mac-Mahon le 30 novembre.

 

Vers 1880 le propriétaire est Justin Dumagnou, demeurant 108 rue Saint-Honoré à Paris.
Le 14 août 1890 Justin Dumagnou, demande l'autorisation de réparer une ancienne cale de 55 m en pierres sèches et d'établir dans son prolongement une estacade en bois établie sur pilotis ayant 65 m de long, 1,50 m de large et 1,50 m de haut. Ceci faciliterait l'accostage des bateaux et le transport des sardines à l'usine.

Ces deux ouvrages seront abrités par une plature de rochers et ne gêneront en rien la navigation.

En contrepartie d'une redevance annuelle de 10,38 francs pour cette "occupation temporaire", le 6 août 1891 M. Dumagnou est autorisé par le préfet à effectuer les travaux. En outre, l'extrémité de l'estacade devra être signalée par une balise en bois dépassant d'au moins un mètre le niveau des grandes marées d'équinoxe.

L'année suivante, le 31 mars 1892, M. Dumagnou sollicite l'autorisation de faire établir devant son usine une petite estacade pour prolonger vers la terre la cale en pierres sèches, ainsi qu'une estacade en bois longeant le plan incliné situé perpendiculairement à son usine. Ceci afin de faciliter l'accès à son usine en particulier pendant les très hautes mers qui viennent battre le mur.

Il reçoit le 18 juin une décision favorable pour le prolongement de la cale moyennant une redevance annuelle de 1,25 francs révisable tous les cinq ans.
Par contre, il n'est pas autorisé à construire la seconde estacade au motif qu'elle pourrait gêner la circulation des piétons le long de la côte et en particulier celle des voitures servant à la récolte du goémon.

Le 23 septembre 1895, monsieur Dumagnou demande l'autorisation de faire établir à ses frais un mât à l'extrémité des roches dénommées "mas de fonce" qui se trouvent au sud de son usine. Elles sont recouvertes par la mer à marée haute et étant sur le chemin de bateaux venant de la haute mer, elles sont fréquemment la cause d'accident pour les pêcheurs étrangers au pays qui viennent livrer leurs sardines.

Le directeur des Phares et Balises donne son assentiment sous réserves de certaines conditions.
L'arrêté préfectoral du 28 décembre lui accorde l'autorisation, en précisant que la balise dépassera d'au moins 2 m le niveau des plus hautes eaux, qu'elle sera peinte en noir et surmontée d'un voyant cylindrique également noir de 60 cm de haut et 40 cm de large. Et chaque fois que la balise disparaitra, le permissionnaire sera tenu de la rétablir dans le délai d'un mois.

Selon le recensement de 1901, il y a 3 ferblantiers et 1 boitier chez Dumagnou.

 

En 1911, Pierre Constant Lemy 21 rue de Lisbonne à Paris est propriétaire.
Augustine Haloche, 57 ans, mère de Stanislas, en serait gérante, ainsi que Ulysse Rousseau.

En 1919, Sté anonyme "Les conserves alimentaires Billet et Eugène Mercier" 108 rue Saint-Honoré à Paris.
En 1920, Billet-Lemy sont propriétaires avec pour gérant Raymond Desgardin.

Le 17 février 1920, Raymond Desgardin, gérant de l'usine Billet-Lemy, sollicite l'autorisation de puiser de l'eau de mer pour le lavage du poisson au moyen d'une pompe installée dans l'usine.

Le 11 mai, le préfet accorde l'autorisation demandée moyennant une redevance annuelle de 8 francs. Le permissionnaire pourra occuper sur le domaine public maritime le terrain nécessaire pour y établir une conduite d'aspiration d'eau de mer et l'emplacement pour un réservoir de 4 m x 3 m pour y puiser l'eau.
Toutefois, au point de vue de la fabrication possible de sel, il y a lieu de prendre toutes les mesures d'usage pour permettre au service des douanes d'exercer sa surveillance. Les agents des douanes auront donc la liberté de contrôle jour et nuit dans l'usine. Le balancier et le piston de la pompe seront remis à la douane pendant l'inactivité de l'usine.

Selon le recensement de 1926, il y a 1 ferblantier, 1 soudeur, 1 journalier à l'usine Billet-Lémy.

Le 30 janvier 1929, monsieur Lemy, administrateur de la conserverie Billet-Lemy, informe le préfet que l'estacade construite il y a près de 30 ans a été démolie par la tempête il y a quelques années et qu'elle n'est plus utilisée car les bateaux ne viennent plus à Toulhars, mais déchargent tout leur poisson à Larmor. Il demande donc à être exonéré de la redevance qu'il payait pour l'occupation du terrain.

 

 

Le 7 décembre, le préfet prend un arrêté révoquant ses arrêtés de 1891 et 1892, donnant ainsi satisfaction à monsieur Lemy.

En 1925, Pierre Lemy était président du syndicat national des fabricants français de conserves de sardines et autres poissons.

En 1934, alors que l'usine est fermée depuis plusieurs années, les bâtiments ont été réaménagés et hébergent pendant l'été la colonie de vacances "Les Mouettes de Larmor-Plage" qui s'adresse à des petits Parisiens.

 

 

 

En 1937, monsieur Ollivier demeurant à Quimperlé, devenu propriétaire de l'ancienne usine, dépose à la mairie un projet de lotissement à son emplacement. Il est approuvé le 26 décembre. Le cahier des charges précise que des lots de faible surface peuvent permettre l'établissement de pied-à-terre à bon marché.

Après que l'enquête de commodo et incommodo n'ait donné lieu à aucune observation, le 16 janvier 1938 le préfet approuve le projet de lotissement.